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Santé : des mesures pour lutter contre la surconsommation d’antibiotiques

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Les lignes directrices du ministère de la Santé concernant la prescription d’antibiotiques sont en vigueur depuis le 1er janvier. Elles visent à combattre l’usage abusif de ces médicaments. Cette mesure devrait être accompagnée d’une campagne de sensibilisation auprès du public, estiment nos interlocuteurs.

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«L’abus dans l’usage des antibiotiques est toujours d’actualité. Le problème à Maurice, c’est que tout le monde prétend être médecin et pharmacien en faisant son propre diagnostic et prescription. » Même si les propos de ce pharmacien, qui compte de longues années d’expérience, peuvent heurter, les personnes  que nous avons interrogées tiennent toutes le même discours. Le pharmacien, qui a souhaité garder l’anonymat, soutient que ces pseudo-médecins et pharmaciens « prescrivent » également des médicaments à leur entourage, ce qui est une pratique dangereuse.

C’est le même constat que fait le docteur Veenoo Basant Rai. « Ce n’est pas du côté des médecins qu’il y a des abus, mais de celui du public qui pratique l’automédication. » D’une part, il y a des membres du public qui réclament des antibiotiques pour rien. D’autre part, certains dispensers dans les pharmacies n’ont pas la formation adéquate pour juger de l’importance d’une prescription pour certains médicaments, tels les antibiotiques, estime notre interlocutrice. Une pratique qui n’est ni légale ni éthique, précise-t-elle.

Nasser Essa, président de la Nurses Union, affirme que les antibiotiques sont aussi demandés dans les hôpitaux. Il dit avoir observé maintes fois que des personnes en réclament pour soigner une grippe, alors que ce n’est pas nécessaire dans un premier temps.

Confusion

« Certains ne sont pas satisfaits de ne recevoir que du paracétamol, alors que c’est le médicament indiqué. Ils tiennent alors des propos virulents à l’égard du médecin, considérant que les antibiotiques sont plus efficaces. » D’où la découverte de sachets de médicaments dans les poubelles ou dans des pots de fleurs dans l’enceinte des hôpitaux, argue-t-il.

Notre pharmacien anonyme note que c’est plus particulièrement quand il s’agit de soigner une grippe que les abus surviennent.

Selon lui, il y a une grande confusion dans la tête des gens par rapport à l’usage des antibiotiques. C’est ainsi que dans le service privé également des cas d’abus ont été relevés.

« Certains médecins se plient à la requête de leurs clients en leur prescrivant des antibiotiques pour leur plaire, alors qu’ils savent que cela n’aura pas d’effet positif et peut même être néfaste car les patients risquent de développer des résistances à ce type de médicament par la suite. »

49 millions : importés par année

Maurice importe chaque année en moyenne 49 millions d’antibiotiques de tout type : capsule, injection, goutte et crème. 42 millions de ces médicaments sont utilisés dans le secteur public et les 7 millions restants vont dans le secteur privé. La valeur de ces importations s’élève à Rs 85 millions, dont environ Rs 69 millions pour le secteur public et le reste pour le secteur privé.

Notre interlocuteur avance que des jeunes médecins, qui ont voulu pratiquer une médecine saine, ont été contraints de suivre la loi du marché pour gagner leur vie.

Les lignes directrices générales pour la prescription d’antibiotiques du ministère de la Santé sont un bon début pour essayer de contrôler la situation, estime le pharmacien. Il note qu’il faudrait une instance appropriée pour veiller au grain. Ce n’est pas le rôle du Pharmacy Board, mais du Medical Council d’intervenir en cas d’abus car « le Pharmacy Board ne peut mettre son nez dans le protocole de prise en charge d’un patient qui a été établi par un médecin ».

Il ajoute que ces lignes directrices devraient être accompagnées d’une campagne de sensibilisation auprès du public. Au cas contraire, elles ne serviront à rien. Nasser Essa aussi est d’avis que l’éducation de la population est importante car, selon lui, les médecins n’auront pas le loisir d’expliquer aux patients que la prise d’antibiotiques n’est pas indispensable dans leur cas.

Le Dr François Ip s’interroge, lui, sur la manière dont le contrôle va être exercé. Il fait ressortir que si un médecin doit justifier les raisons pour lesquelles il a prescrit des antibiotiques, le panel qui va étudier le cas n’aura pas le patient devant lui pour avaliser ou rejeter ses dires.

Les médecins savent quand, comment et pourquoi il faut prescrire des antibiotiques, selon le docteur Veenoo Basant Rai. Mais le produit devient dangereux lorsque les gens font leur propre diagnostic, prennent n’importe quel type d’antibiotiques, le font à la légère, n’importe quand, à n’importe quel dosage. Bien qu’elle accueille favorablement le document du ministère de la Santé, elle déplore qu’il n’ait pas force de loi. Elle se demande aussi comment est-ce que le contrôle va être exercé dans le service privé.

Des effets néfastes sur la santé

Selon nos interlocuteurs, de nombreuses personnes croient que les antibiotiques sont un médicament miraculeux et en réclament à tort à travers.

«L’antibiotique est un bon serviteur, mais un mauvais maître », soutient le Dr Bassoodev Goolaub. « Les antibiotiques sont néfastes à la santé s’il y a mauvais usage », soutient, pour sa part, le Dr François Ip. Des médecins généralistes exerçant dans le privé considèrent qu’il faut être prudent dans l’usage de ce type de médicament, une mauvaise utilisation pouvant causer une résistance aux antibiotiques. Et l’absence de nouveaux produits pour combattre les bactéries peut entraîner le décès du patient.

Le Dr Vasant Rao Gajadhur, Director Health Services au ministère de la Santé, précise que les antibiotiques sont des médicaments pour lutter contre les infections bactériennes. Ils ont pour principe de détruire les microbes ou de ralentir leur progression.

Ce type de médicament est utilisé rarement comme prophylaxie avant une intervention chirurgicale majeure pour prévenir les infections. « Il arrive que des personnes développent une résistance aux antibiotiques parce qu’il y a eu surutilisation, d’où leur inefficacité. Cette situation peut entraîner des complications de santé », explique-t-il.

Le Dr Bassoodev Goolaub précise qu’il faut respecter la dose et la durée de prise d’antibiotiques. « Le gros problème des antibiotiques, c’est que tous les microbes ne meurent pas si le patient n’a pas pris toute la dose de médicament. C’est là qu’ils deviennent résistants. »

De «bons» microbes

La majorité des virus ne sont pas sensibles aux antibiotiques, selon le Dr François Ip. « C’est quand les virus sont compliqués qu’on peut considérer l’usage des antibiotiques. » Il ajoute qu’en cas d’infection virale, les antibiotiques vont causer du tort à la bouche, au nez et au passage respiratoire, où il y a des microbes qui sont déjà en harmonie avec le système.

Ainsi, l’usage des antibiotiques à tort va détruire une partie de ces « bons » microbes et laisser le champ libre à des pathogènes plus virulents, affirme le Dr François Ip. Le Dr Bassoodev Goolaub abonde dans le même sens : « Notre corps  a besoin de ‘bons’ microbes qui sont présents dans l’intestin, comme les lacto-bactéries. Leur absence provoquerait des diarrhées  et des vomissements. »

Les deux médecins martèlent que les antibiotiques doivent être prescrits pour des raisons spécifiques et ne pas être donnés à tort aux patients, même si ces derniers en réclament. Ils préconisent aussi l’éducation du public, afin de dissiper cette mauvaise perception autour des antibiotiques. « Certaines personnes croient que ce sont des médicaments miraculeux, alors qu’ils sont prescrits uniquement en cas d’infection bactérienne », affirme le Dr Bassoodev Goolaub. Cette mauvaise perception daterait de très longtemps, renchérit le Dr François Ip. Et cela depuis la découverte de la pénicilline qui permettait de combattre différentes infections.

Le Dr Vasant Rao Gajadhur conclut en disant que quand on a développé une résistance aux antibiotiques, on doit changer complètement de médicaments. Cela peut aussi être un problème, l’infection pouvant durer et le malade pouvant être un danger pour les autres qui peuvent à leur tour être contaminés par sa maladie.

Prescription obligatoire

Arshad Saroar, secrétaire de la Pharmaceutical Association of Mauritius (PAM), explique que depuis très longtemps, les infectiologues et les microbiologistes estiment que l’utilisation très répandue des antibiotiques, surtout l’usage à tort, favorisent l’émergence de bactéries qui sont capables de devenir résistantes à un certain nombre d’antibiotiques. « Ce phénomène s’est considérablement aggravé dans beaucoup de pays, notamment dans ceux où la gestion des antibiotiques est mauvaise. »

Cette situation a peut-être été causée par l’accès trop large aux antibiotiques, aux mauvais modes d’emploi, aux mauvaises façons de les choisir, au manque d’éducation des membres du public qui poussent parfois les médecins à leur prescrire des antibiotiques. Il y a aussi certains qui ne complètent pas la dose et la durée d’antibiotiques et les refilent à leur entourage.

Les pharmacies sous surveillance

Les lignes directrices générales émises par le ministère de la Santé visent à contrecarrer l’usage abusif des antibiotiques et à mettre un frein à la résistance des microbes à ce type de médicament, selon un haut cadre au ministère de la Santé. Il soutient que ce problème de résistance aux antibiotiques n’est pas local, mais mondial. C’est ce qui fait que dans certains pays, un observatoire a été créé, afin d’assurer une surveillance sur l’usage de ce type de médicament. Notre source estime que ce sont les clients qui ont créé le marché, d’où le fait que certaines pharmacies vendent des antibiotiques même sans la présentation d’une prescription, ce qui est contraire aux règlements. Il affirme que bien qu’un contrôle soit exercé sur les pharmacies, une plus grande vigilance sera désormais renforcée.

Pour Arshad Saroar, il faut frapper les esprits pour faire comprendre aux gens les risques liés à une mauvaise utilisation des antibiotiques.

Le secrétaire de la PAM affirme que sous la Pharmacy Act de 1983, au paragraphe 33 « Sale of antibiotics », une pharmacie ne peut vendre des antibiotiques sans prescription : « (1) Every person who sells or supplies a therapeutic substance which is an antibiotic shall — (a) keep an Antibiotic Book; and (b) make a record of every sale or supply in the book. (2) The book and every requisition produced under subsection 32 (2) (a) shall be kept by the seller on his premises for a period of 2 years from the date on which the last entry is made. » Pour lui, un contrôle est ainsi exercé sur la vente des antibiotiques dans les pharmacies du privé.

 

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