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Sans domicile fixe : la gent féminine aussi à la rue

SDF Femme

La situation des sans domicile fixe à Maurice est souvent associée aux hommes. La gent féminine n’est malheureusement pas épargnée. Leur sort se révèle parfois pire que celui des hommes.

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Souvent laissés pour compte, les sans domicile fixe (SDF) ne font pas toujours l’objet d’attention du public. La plupart du temps, les passants les ignorent dans la rue.

Le plus souvent, c’est leur mort qui interpelle, à l’instar de ces deux SDF retrouvés sans vie, en moins d’une semaine, en janvier dernier à Bell-Village et Baie-du-Tombeau. Il y a diverses raisons qui poussent ces personnes à vivre dans la rue : violences conjugales, séparations, désaccords entre membres de la famille, licenciements, chocs psychologiques brutaux, etc.

Lisette Clara Labonté : « Je vis de la charité »

Tout récemment, le cas de Lisette Clara Labonté a suscité une vague d’émotions dans l’émission Xplik ou K. Depuis plus de trois ans, cette vieille femme de 73 ans passe toutes ses journées à demander l’aumône dans les rues de la capitale. Elle nous avoue que sa maigre pension ne suffit pas à s’acheter de quoi manger à sa faim.

La septuagénaire explique qu’elle était employée comme garde malade auparavant, mais pour des raisons de santé, elle a dû abandonner, ne pouvant plus rester debout longtemps. Elle avoue aussi que par moments elle fait face à des situations très difficiles car elle est battue, maltraitée par des passants.

« Certains badauds m’injurient et me lancent que je bénéficie déjà d’une pension de vieillesse. Ils ignorent dans quelles conditions je vis… La recette maximum que je récolte par jour est la modique somme de Rs 150. Parfois, je me retrouve sans argent », se désole Lisette Clara Labonté.

Cette somme, la septuagénaire l’utilise d’abord pour s’acheter de quoi à manger, le reste, elle le partage avec son époux qui est souffrant. « Il fait le va-et-vient à l’hôpital.  Je lance un appel à la solidarité et à la générosité des Mauriciens pour aider deux vieilles personnes à se trouver un logis décent. »

Jessica : « Ce n’est pas votre maison »

Jessica (prénom fictif) est âgée de 33 ans et mère de quatre enfants de 15, 13, 11 et 9 ans, issus de pères différents. Elle relate les problèmes qu’elle a dû affronter.

« Nous étions  locataires et nous avons été mis à la rue parce que nous ne pouvions plus payer le loyer », souligne Jessica. Et d’ajouter : « C’est  la faute de l’employeur de mon mari, si je me retrouve sur le pavé. Le patron de mon conjoint ne lui versait pas l’intégralité de son salaire. Il lui donnait parfois Rs 2 500 alors que notre loyer nous revenait à Rs 4 000 par mois. Sans compter les factures d’eau et d’électricité.Un jour, mon propriétaire s’est pointé et m’a arraché les clefs en me lançant : ‘Ce n’est pas votre maison, partez d’ici’ », explique Jessica. Dès lors, les choses se sont dégradées pour la famille.

L’après-midi même de son expulsion, la mère a cherché refuge auprès des membres de sa famille. Hélas, seuls ses enfants ont pu y passer la nuit, faute de place.

Son mari et elle sont repartis et ont trouvé refuge  dans un Kalimaye non loin de là. Le lendemain, elle reçoit un appel téléphonique d’un membre de sa famille. « On m’a signifié que mes enfants ne pourront passer une autre nuit chez eux. On m’a invité à venir les récupérer au plus vite. » Du coup, les parents ont dû se trouver un endroit où dormir. « Nous avons été contraints de dormir à la gare de Flacq. »

 Au bord des larmes, Jessica raconte qu’elle se sentait impuissante face à cette situation. Ses enfants n’avaient rien à manger. « J’ai dû faire les poubelles pour leur trouver de quoi remplir leur estomac pour la nuit.» Ce qui l’a attristée davantage, c’est l’attitude des passants à qui elle sollicitait de l’aide.

« Les gens vous regardent dans les yeux et puis vous crachent dessus. D’autres m’ont dit que j’avais cherché cette situation. »

 « Je ne sais pas où elle se trouve »

Les membres de la famille se séparent. Les enfants trouvent refuge chez des proches.L’aînée va habiter chez son père. Depuis Jessica n’a plus de nouvelles d’elle ayant déserté le toit familial. L’adolescente s’était rendue chez son père. « Je n’ai pas de ses nouvelles depuis un an. Je ne sais pas où elle se trouve. » La mère aurait appris que sa fille serait dans un réseau de prostitution depuis 2014. Elle avait été placée au Rehabilitation Youth Centre (RYC) pendant deux ans. Puis elle en est partie. Jessica dit avoir recherché sa fille auprès de la police de Flacq, mais en vain.

Devi : « Il frappe pour tuer »

Devi est âgée de 25 ans. La jeune femme se retrouve à la rue à cause d’un mari alcoolique. Elle était enceinte de neuf mois quand elle a fui le toit conjugal.  

« J’allais accoucher à n’importe quel moment », souligne-t-elle. Mère de trois enfants, elle confie que son mari l’a mise à la porte alors qu’il était sous l’emprise de l’alcool. Elle a décidé de ne pas retourner auprès de lui car il la frappait. « Si je retourne, ce serait signer mon arrêt de mort. Il frappe pour tuer. »

Retour sur ces jours que Devi a passés  à la belle étoile. « Je ne vous dirais pas où j’ai dormi, c’est trop dégradant à dire », avoue-t-elle. « Un soir, j’ai été suivie par un individu. Heureusement j’ai réussi à le semer. Je craignais surtout pour la sécurité des enfants. »

Devi se dit reconnaissante envers la police qui a fait le nécessaire pour qu’elle se trouve un logement temporaire. Devi et ses trois enfants ont ensuite été pris en charge par une ONG. Elle insiste qu’auprès de cette organisation, elle a reçu les traitements nécessaires, n’ayant plus rien en sa possession. Pas de vêtements, ni pour elle, ni pour ses enfants, encore moins pour son bébé. « Ma famille n’est pas au courant de ce que je vis. Je ne leur ai rien dit. »

Depuis sa prise en charge, les choses ont changé pour Devi. Elle veut se reconstruire et se trouver un emploi pour subvenir aux besoins de ses enfants.

Prise en charge
Une décision du cabinet en date du jeudi 20 avril 2017 fait état d’une aide qui sera accordée aux organisations non gouvernementales qui soutiennent les femmes, victimes de violences conjugales et leurs enfants.

Le ministère de l’Égalité des Genres assure une prise en charge pour un hébergement d’urgence pour ces mamans et leur progéniture. Fazila Jeewa-Daureeawoo, ministre de l’Égalité des Genres a, lors du lancement d’une campagne contre la violence domestique, insisté que c’était majoritairement les femmes qui sont touchées par ce problème. Six cas sont enregistrés au quotidien dans les bureaux de soutien familial du ministère. En 2016, 1 852 cas ont été dénombrés.

SOS FEMMES - Ambal Jeanne : « Nous travaillons avec les victimes »
Au niveau de SOS Femmes, la directrice  Ambal Jeanne explique :  « Ce n’est pas si facile pour ces femmes à prendre des décisions concernant leur avenir. Il faut considérer ce que dit la loi car ces femmes devront retourner chez elles un jour. Nous travaillons constamment avec les victimes, nous assurons un service d’écoute. » La directrice avoue que tout est mis en œuvre pour assurer un accompagnement à ses femmes en détresse pour qu’elles puissent reprendre leur vie en mains.

« Tant sur l’aspect social, que psychologique, le travail se fait en temps et lieu. » Ces femmes en détresse bénéficient ainsi d’un hébergement aussi longtemps qu’elles en ont besoin. Puis elles doivent prendre la décision ultime : retourner chez elles ou pas. « On les aide à se trouver un travail et un logement digne de ce nom, pour qu’elles puissent réintégrer la société », soutient Ambal Jeanne.

 

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