Interview

Sandeep Sewpal, architecte : «Avec le Metro Express, on assistera à une flambée du prix des terres»

Quel sera l’impact du Metro Express sur les régions qu’il desservira ?

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Verra-t-on se dessiner deux types de citoyens, l’un, urbain profitant du métro et l’autre rural, encore tributaire de l’autobus ? Autre point encore plus pertinent : le coût de l’immobilier, incluant les terrains, dont le prix risque de flamber. L’architecte Sandeep Sewpal apporte quelque éléments de réponse.

« On ne sait toujours pas comment le métro sera alimenté en électricité. »

Est-ce qu’on sait quelles seront les conséquences du Metro Express dans les régions qu’il desservira ?
Absolument pas car aucune étude sociologique et économique n’a été réalisée. Mais une chose est sûre et n’a pas besoin d’être vérifiée de manière scientifique : le Metro Express influera sur le coût du foncier dans les villes. Nous serons confrontés à deux situations.

D’une part, le projet générera deux types de citoyens : l’un urbain, qui sera privilégié, et l’autre, rural, qui devra se débrouiller avec ses moyens traditionnels de transport. D’autre part, avec le déménagement des résidents qui habitent près du tracé du métro vers d’autres lieux, on assistera à une flambée du prix des terres. Si, par la même occasion, des habitants des régions rurales affluent vers les villes, les terrains urbains seront hors de prix. Il ne restera presque plus de terrains à bâtir dans nos villes. Voilà la réalité.

Mais le gouvernement met l’accent sur la décongestion routière, qui est l’objectif premier du projet…
Il faut savoir que tout projet de ce type, qu’ils fussent les premiers chemins de fer aux États-Unis, ou celui de l’Inde, a pour mission de développer les régions que ces trains desservent. Je n’ai pas encore vu une telle perspective se dessiner dans nos cinq villes à Maurice. En revanche, j’entrevois une complication accrue de la circulation dans les centres urbains. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’un métro au sens stricte du terme, car le métro est souterrain, et il n’est ni express, au vu de sa vitesse. Si je prends de Quatre-Bornes et de Rose-Hill, que je connais bien, il y a quatre voies routières qui sont sur le tracé du Metro Express. Au passage de chacune d’elle par le métro, ces routes seront barrées.

Donc, si l’on tient compte de ces quelques minutes, un peu partout dans les villes et que l’on ajoute à chaque arrêt aux 19 stations, on est loin du chiffre de temps gagné avancé par les promoteurs du projet. Au final, on est bien obligé de se rendre compte que les autobus assurent toujours mieux le transport en commun.

De quelle manière ?
Comment cohabiteront le métro, les autobus, les motos et les auto-cycles ? Comment les routes seront-elles reconfigurées pour tous les accommoder dans ces cinq villes ? À ce jour, on ne sait pas comment le métro sera alimenté en électricité. Le sera-t-il avec un troisième rail central électrifié sur lequel frotte un patin ou par des câbles électriques placés au-dessus ? Tout laisse croire que c’est cette option  qui sera choisie parce qu’elle est moins dangereuse et convient à un métro ne dépassant pas 60 km/h.  Il existe une opacité totale autour des sources d’alimentation électrique du Metro Express. Il faudra une sous-station d’électricité entre chaque deux stations. Le Central Electricity Board devra augmenter ses achats en huile lourde. Moi, je vois plutôt la transformation des rues en espaces pour piétons.

Que feront les personnes qui ont une voiture de fonction pour se rendre sur leur lieu de travail à Port-Louis ?
Une belle voiture désigne le statut social que, parfois, un simple citoyen a atteint dans son travail. Cela se reflète par son moyen de transport. Tous les matins, on en voit des centaines sur l’autoroute qui mène à Port-Louis. Est-ce que cet individu, qui a grimpé l’échelon social, va abandonner sa voiture pour le métro ? Je ne crois pas qu’il se mêlera à la population. Sinon, à quoi servirait sa voiture qui lui permet de se distinguer des autres ?

Ne revient-on pas, d’une certaine façon, à la case-départ, quand on avait retiré le train de Maurice ?
Un peu, mais là il s’agit d’un monorail, qu’on désigne en anglais comme un ‘Light Rapid Transit’, qui roule très lentement. Il faut souligner que l’industrie de l’autobus a été vitale pour le développement de Maurice. Le bus est venu remplacer le train parce qu’il était plus rapide, moins cher et plus pratique dans un petit pays comme Maurice.

Le Metro Express reprend l’ancien tracé du chemin de fer, où il y a des habitations et quelques rares espaces verts en zone urbaine…
L’État propose des compensations en espèces aux familles vivant à côté de ce tracé. C’est à elles de voir si elles pourront s’adapter à un autre endroit et encore faut-il qu’elles soient satisfaites.

Quant à la disparition de ces espaces verts, c’est une tragédie, car nous avons une population urbaine déjà sédentarisée et qui avait besoin de faire du jogging en fin d’après-midi. Voilà qu’on vient aujourd’hui lui enlever ces espaces. C’est la raison pour laquelle j’affirme que ce projet pêche par un manque de planification.

 

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