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Salaires misérables : vivre avec moins de Rs 6000

Argent Photo d'illustration.

Le National Wage Consultative Council devrait bientôt se prononcer sur le salaire minimal. En attendant, ceux qui touchent moins de Rs 6 000 par mois peinent à joindre les deux bouts. Rencontre.

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«Lavi tro ser » se lamente Indranee. Elle revient du Marché central avec un enfant dans les bras. On s’attendait à la voir avec des paniers bien remplis mais ce n’est pas le cas. Elle a lu dans nos pensées et avance : « Tou inn vinn tro ser. Nepli kapav aste legim ». Indranee, 38 ans, vit comme squatteuse depuis sept ans. Elle a deux enfants. « C’est difficile de donner aux enfants ce dont ils ont besoin. Je travaille comme bonne et je touche Rs 2 500. Avec ça, je paie les factures puis j’achète un peu de nourriture. »

Le National Wage Consultative Council se réunit ce jeudi 16 novembre pour décider du taux du salaire minimal. Salariés et syndicalistes sont tenus en haleine depuis la dernière annonce du président du council. Les syndicalistes ont demandé un living wage de Rs 8 500. Mis à part le salaire mininal qui était l’une des promesses électorale de l’Alliance Lepep, le gouvernement a aussi introduit la Negative Income Tax. Les personnes éligibles sont celles qui touchent moins de Rs 9 900. Les personnes intéressées peuvent utiliser le site web ou s’inscrire en personne à la MRA. La personne concernée pourra bénéficier d’une somme variant entre Rs 100 et Rs 1000.

Elle touche Rs 2 142 par mois

Rs 2 016 ! C’est le montant qu’a touché Kalyanee Boodhun le mois dernier. Tous les mois, elle touche comme salaire brut une somme de Rs 2 142. Après les déductions, son salaire net s’élève à Rs 2 016. Pour obtenir cette somme, Kalyanee doit travailler trois jours par semaine. Elle est employée par une compagnie d’entretien comme cleaner dans une école primaire à Trois-Bras.

Kalyanee Boodhun veut se consruire une maison.

Avec une telle somme, il est difficile de faire des économies. Mais notre interlocutrice veut à tout prix se construire une maison décente. Et pour cause, elle habite depuis des années sous un amas de feuilles en tôle avec son époux. Ce dernier ne travaille pas et le couple compte seulement sur les revenus de la vieille femme pour vivre. « Parfwa mo fer enn ti travay parsi parla pou gayn enn ti kas sinon pena nanie pou manze ».

Afin de réaliser son rêve, elle s’est rendue à la banque pour obtenir un prêt mais sa requête a été rejetée. Finalement, c’est une compagnie d’achat à crédit qu’il lui a accordé une somme de Rs 35  000. « Il fallait payer pour les intérêts. », dit-elle. Au final, elle n’a eu que Rs 27 000 en main.

Aussitôt la somme reçue elle décide de construire la maison en dur. Très vite, elle est désenchantée. L’argent ne suffit pas. Les maçons ne travaillent plus, car elle n’a plus un sou. La voilà meurtrie. Kalyanee, aurait aimé pouvoir cumuler encore d’autres boulots mais elle avoue qu’à son âge, elle n’a plus beaucoup d’énergie...

Les Rs 1 500 de la honte

Leur grève de la faim est terminée mais pas leur combat. À l’heure actuelle, 666 femmes cleaners ont toujours un salaire de Rs 1 500. Quatre d’entre elles et les syndicalistes Jane Raggoo et Reeaz Chuttoo ont monté ce mouvement de protestation à cause du niveau de leur salaire. Mercredi 25 octobre quand elles ont mis fin à leur grève de la faim c’était suite à la rencontre entre le comité de soutien et le Premier ministre, le secrétaire financier et le ministre du Travail au Bâtiment du Trésor. Ce qui ressort de cette rencontre : un comité technique a été mis sur pied afin de trouver une solution.

Les hommes aussi concernés par les salaires de misère

Si selon les statistiques, les femmes sont les plus mal payées, les hommes aussi en souffrent. Le Dr Rajah Madhewoo en sait quelque chose. Membre du Groupement travailleur social, il voit défiler devant lui des pères et mères de famille qui touchent trois fois rien. « Nous vivons dans un monde de capitalistes et où ceux qui ont de l’argent en veulent plus. Le problème c’est que les gens sont tellement pauvres qu’ils n’ont pas le choix et acceptent de travailler pour dipin diber. Et cela concerne aussi ceux ayant des diplômes. »

Madarun Nasser ne dira pas le contraire. Séparé de son épouse, ses deux enfants de 12 et 13 sont à sa charge, il dit avoir travaillé à l’hôtel. Il a été au chômage depuis 2003. Depuis, il n’a cessé de cumuler des petits boulots. « À chaque fois que quelqu’un m’emploie c’est pour me payer Rs 1 500 ou Rs 2 000 par mois. Avec une telle somme je ne peux pas vivre. Mes enfants sont tous deux à l’école. Souvent nous n’avons pas un sou et il me faut trouver de quoi manger. C’est très dur. »

Parmessur Poochandsing est lui aussi dans la tourmente. Ce père de famille qui travaille comme chauffeur ne cesse de faire des annonces pour trouver un emploi. Ses revenus actuels s’élèvent à Rs 5 000 uniquement. « Je ne loue pas de maison, heureusement pour moi, car sinon je serai aujourd’hui SDF. Parmessur est amputé d’un pied depuis longtemps mais ne se laisse pas aller. Il veut pouvoir travailler pour s’en sortir. J’ai des enfants, il me faut m’occuper d’eux. »


Rs 1 000 par mois comme vigile

Il ne sait pas ce que veut dire l’exploitation mais il sait que ce n’est pas du tout normal de ne recevoir que Rs 1 000 pour un mois de salaire. Philippe Rabais, 40 ans, est vigile et travaille 7 jours sur 7. Des conditions de travail inhumaines qui sont inacceptables. Selon les premières conditions de travail, Philippe devait toucher un salaire de Rs 8 000 sauf qu’au final le patron ne lui donne que Rs 1 000 tous les mois. « J’ai beaucoup de dettes à régler. Elles s’accumulent », se plaint Philippe. Mis au courant de cette affaire, le ministère du Travail, à travers son attaché de presse, a promis de faire une enquête. « Il n’est pas possible qu’un employé travaille pendant 24 heures tous les jours. De plus il y a eu une révision des Remuneration Orders en ce qui concerne le salaire des vigiles », avance une source du ministère.


Questions à Jane Raggoo, syndicaliste : «Il y a trop d’hypocrisie»

Jane Raggoo, le dernier rapport de la CTSP fait mention de 100 000 employés touchant moins de Rs 5 400. Est-ce que les données ont changé aujourd’hui ?
Dans le rapport de 2013, nous parlions de 100 000 employés. Aujourd’hui, il y a eu des améliorations dans quelques secteurs, mais les chiffres n’ont pas changé même si une partie de ces employés a eu la chance d’avoir sa situation régularisée. De nombreux patrons ne respectent pas le Renumeration Order. On a plusieurs fois tiré la sonnette d’alarme. Dans le secteur du Seafood hub, ils sont 65 000 personnes, dont des travailleurs étrangers, à toucher moins de Rs 5 400.

Vous réclamez un salaire minimal de Rs 8 500. Pensez-vous que l’on puisse vivre avec une somme de Rs 8 500 par mois ?
Rs 8 500 représente une sécurité alimentaire. On parle là seulement du montant dont une personne a besoin pour sa nourriture. Aujourd’hui dans la Fonction publique, un employé touche en moyenne Rs 16 000 à Rs 21 000. Le problème c’est surtout au niveau du secteur privé.

Selon vous, qu’est-ce qui rend si difficile l’introduction du salaire minimal ?
Certaines personnes doivent faire un examen de conscience. Ils sont trop gourmands. Ils veulent tout. Ils s’enrichissent sur le dos des autres. Pour qu’une entreprise fonctionne, il faut le capital mais aussi la main-d’œuvre. Malheureusement on a tendance à négliger les employés sans se rendre compte que si les personnes qui travaillent sont bien traitées, elles travailleront mieux, car elles seront plus productives et tout le monde en sortira gagnant. Il faut juste une réelle volonté politique. 

Que faut-il concrètement ?
Nous avons des lois bancales. Donc, il n’y a aucune obligation pour respecter ces lois puisqu’ils ne sont nullement inquiétés par la suite. Il y a trop d’hypocrisie. D’une part, on parle des objectifs du millénaire pour le développement mais on laisse son peuple souffrir de pauvreté alors que le premier objectif parle de l’éradication de la pauvreté. La balle est dans leur camp.

 

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