L’avènement du salaire minimal, il y a exactement un an, a-t-il eu une incidence positive sur la productivité ? C’est en janvier 2018 que le salaire minimal a pris effet. Environ 120 000 travailleurs ont ainsi vu leur salaire de base passé à Rs 9 000. La prochaine révision aura lieu en 2020.
Le salaire minimal est devenu une réalité à Maurice en janvier 2018, bénéficiant ainsi à près de 120 000 travailleurs, dont une bonne partie ceux de la zone franche. Fini le temps où certains travailleurs touchaient des salaires aussi dérisoires que Rs 1 500 ou encore moins de Rs 6 000 pour un travail à plein temps.
Mais encore faut-il que la National Minimum Wage Consultative Council Act 2016 soit respectée à la lettre par les employeurs. Or, il s’avère que beaucoup d’entreprises ne paient pas le salaire minimal. L’inspectorat du ministère du Travail en a épinglé des centaines et elles font l’objet de poursuite devant la cour industrielle. Parmi, certaines ont pris l’engagement de respecter la loi et de payer les arrérages.
Il s’avère que beaucoup d’entreprises ne paient pas le salaire minimal.
Mais qu’en est-il de la productivité ? Est-ce que le salaire minimal a positivement influé sur la productivité ? La productivité est un indicateur simple qui décrit la relation entre la production et les facteurs nécessaires pour l’obtenir. Ainsi, elle permet de mesurer l’efficacité de ces facteurs, qui comprennent la main-d’œuvre, les équipements, les matières premières, entre autres.
Selon les chiffres de Statistics Mauritius de 2007 à 2017, la productivité de la main-d’œuvre à Maurice a connu une hausse d’une moyenne de 2,5 % annuellement, pour toute l’économie, alors que le taux était de 3,1 % pour le secteur manufacturier et la zone franche. Les chiffres pour l’année 2018 ne sont pas encore disponibles.
Ganessen Chinnapen, économiste, est d’avis que le salaire minimal n’a pas vraiment eu un impact considérable sur la productivité. Il s’appuie sur la croissance de l’année 2018, comparé à 2017, pour étayer ses observations. « Le salaire minimum était plutôt une initiative visant à aligner le salaire sur le coût de la vie et à réduire l'écart d'inégalité. Par exemple, il n’y a eu aucune prime à la productivité ou l'augmentation du taux de rémunération à la pièce », explique Ganessen Chinnapen. Il ajoute qu’il n’y a pas eu une augmentation de la production. « Si une économie souhaite accroître sa productivité, plusieurs mesures stimulantes devraient être adoptées, par exemple, bonus de performance, bonus de productivité, prime sur les objectifs, etc. » Il conclut que ces primes devraient être réglementées par la loi du travail.
Prithviraj Fowdur, économiste et patron d’entreprise, pense que le salaire minimal n’a eu aucun effet sur la productivité. Selon lui, les travailleurs, pour la plupart, pensent que l’ajustement salarial était un dû depuis longtemps.
« Maintenant, si l’on s’attend à ce qu’ils deviennent plus productifs, alors il faut encore augmenter le salaire. » Le salaire minimal a eu pour effet de forcer des petites entreprises qui ne peuvent soutenir la charge salariale additionnelle à fermer leurs portes. Cela a eu pour conséquence d’augmenter la clientèle et le chiffre d’affaires de leurs concurrents, qui, de ce fait, arrivent à absorber le coût additionnel. « Je peux dire que le salaire minimal réduit la concurrence dans certains secteurs et augmente la part du marché des autres », soutient-il.
Comment augmenter la productivité ?
Il n’y a pas que le salaire qui motive les employés. Et les économistes sont unanimes à reconnaître que travailler plus longtemps n’entraîne pas nécessairement une productivité accrue. Pour Zohra Gunglee, économiste et chargée de cours à l’UCLAN, les pays les plus productifs travaillent moins d’heures par semaine. « Aujourd’hui, on parle de plus en plus du concept ‘Work Smart’, c’est-à-dire, travailler intelligemment. Votre performance ne se mesure pas par le nombre d’heures passées au bureau ou à l’usine. C’est le résultat qui compte. Un ouvrier efficace qui termine son travail vite et part tôt ne veut pas dire qu’il est moins productif que ses collègues », dit-elle. Outre le salaire, il y a aussi la bonne gestion de l’entreprise, surtout si elle s’inspire des techniques modernes. L’utilisation de la technologie informatique permet de réaliser des gains de productivité importants. L’économiste insiste, toutefois, sur le fait que le recrutement des gens passionnés par l’activité de l’entreprise est primordial. « Si l’employé n’a pas vraiment la vocation, alors il ne sera pas productif. » Elle ajoute qu’il faut aussi un environnement dépourvu de toute bureaucratie.
« Par exemple, évitez des réunions inefficaces. Si 15 personnes assistent à une réunion d’une heure, ce sont 15 heures de productives perdues. »
Il faut aussi investir dans la formation et le bien-être des employés, adopter des horaires de travail flexibles et introduire des primes pour récompenser l’effort.
Pierre Dinan : «La productivité, c’est de travailler mieux, pas plus»
L’économiste Pierre Dinan indique qu’il n’y a pas encore de chiffres officiels sur la productivité en 2018, pouvant permettre l’analyse de l’impact du salaire minimal. Selon lui, la productivité, c’est une meilleure utilisation de la main-d’œuvre, mais aussi du capital de la technologie et du management. « Le salaire, strictement économique, rétribue l’outil de production ou le capital humain », dit l’économiste. Mais il affirme que la productivité ne veut pas dire travailler plus, mais plutôt de travailler mieux. « En théorie, ce n'est pas automatique qu’une augmentation de salaire fait augmenter la productivité. Néanmoins, si un ouvrier touche mieux et peut mieux se nourrir, s’habiller et s’équiper, il peut donner le meilleur de lui-même. » En conclusion, l’économiste dit que l’outil de production, qu’il soit le capital humain ou la machine, a une limite d’exploitation, mais se demande si le capital, soit les équipements de production, est mieux exploité ?
Les pays les plus productifs
Selon l’OCDE, les dix pays les plus productifs dans le monde en 2017 sont : le Luxembourg, la Norvège, la Suisse, le Danemark, l’Islande, les États-Unis, l’Australie, l’Irlande, les Pays-Bas et la Suède. Au Luxembourg, on travaille en moyenne 29 heures par semaine et tout le monde a droit à cinq semaines de congés payés chaque année. En Norvège, bien qu’ils travaillent en moyenne 27 heures par semaine, les salariés sont considérés deux fois plus productifs que les Anglais ou Israéliens. En Suisse, la moyenne est de 30 heures par semaine, alors qu’au Danemark, on travaille 33 heures par semaine. En Australie, c’est 35 heures alors qu’aux États-Unis, la moyenne est de 47 heures par semaine.
Les moins productifs
Les dix pays les moins productifs au monde sont : la Grèce, le Portugal, la Corée du Sud, la Hongrie, la Lituanie, l’Estonie, la Lettonie, le Chili, la Russie et le Mexique. Dans ces pays, on travaille au-delà de 45 heures par semaine, voire 50 ou plus dans certains pays, à l’instar du Mexique. L’économie de la Grèce est largement affectée par son immense bureaucratie et ses lois rigides du travail.
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