Economie

Salaire minimal : le suspense dure

Salaire minimal

Le montant du salaire minimal proposé par le National Wage Consultative Council, jeudi dernier, n’a pas fait l’unanimité parmi la classe syndicale. Le rapport, déjà circulé au Cabinet, sera avalisé par le Conseil des ministres ce vendredi. En attendant, les syndicalistes affûtent leurs armes.

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Le Premier ministre présidera aujourd’hui le deuxième comité tripartite pour décider de la compensation salariale qui sera payable aux travailleurs, à partir de janvier 2018. L’atmosphère à cette réunion sera vraisemblablement influencée par le mood qui prévaut dans le monde syndical après la proposition de jeudi dernier d’un salaire minimal de Rs 8 000 par le National Wage Consultative Council (NWCC).

Le NWCC a préconisé un salaire minimal de Rs 8,000 à partir de janvier 2018 et Rs 8,500 à partir de janvier 2019. Mais les syndicalistes, dans leur grande majorité, ont rejeté cette proposition et ont même fait un walk-out en signe de désapprobation.

Selon le NWCC, il y aura un salaire minimum pour tous les secteurs d’activités, sauf les entreprises d’exportation. Les recommandations ont pris en considération l’impact du salaire minimal sur l’emploi en général, la croissance économique et l’investissement.  Près de 100, 000 travailleurs sont concernés par l’introduction d’un salaire minimal à Maurice. 100 000 personnes touchent moins de Rs 8 000 par mois. Parmi, environ 40 000 touchent moins de Rs 5 000 et 20 000 moins de Rs 3 500 par mois.

Le NWCC

Le National Wage Consultative Council (NWCC) a été introduit, en 2016. Le salaire minimal a fait débat pendant la dernière campagne électorale et c’était un des thèmes forts du manifeste électoral de l’Alliance Lepep. La loi prévoit que le NWCC doit, avant de recommander le salaire minimal, consulter les représentants des travailleurs et des employeurs. Dans l’exercice de détermination du salaire minimal, l’organisme doit veiller à l’amélioration des travailleurs les plus démunis et promouvoir des conditions de travail décentes. Il doit aussi prendre en considération la situation économique, la compétitivité nationale, la protection de l’emploi et l’importance de favoriser la croissance économique. Le conseil peut aussi recommander un salaire minimal pour des secteurs économiques spécifiques. Le salaire minimal doit être revu chaque cinq ans et le NWCC doit produire un rapport annuel pour mesurer l’impact du salaire minimal. À noter que le ministre de tutelle peut, selon les dispositions de la loi, soit implémenter les recommandations du NWCC soit les rejeter ou proposer ses propres règlements. Le Pay Research Bureau, de son côté, doit prendre des dispositions pour incorporer le salaire minimal dans son rapport.

Reeaz Chuttoo : «La divergence se trouve dans la définition et l’application»

Le syndicaliste Reeaz Chuttoo. 

Le syndicaliste Reeaz Chuttoo, de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP), explique que ce n’est pas le chiffre du salaire minimal qui est important, mais plutôt la définition et la méthode d’application. Il y a une différence entre salaire de base et rémunération de base. « La rémunération inclut toutes les ‘allowances’ et autres avantages, et si c’est la rémunération qui devient le salaire minimal, alors en réalité, il n’y a eu aucun changement. Par exemple, dans la zone franche, le salaire de base est à Rs 5 300, mais la rémunération de base est plus élevée, compte tenue des diverses allocations perçues par un travailleur. Donc, pour moi, le débat n’est pas sur le quantum, mais plutôt sur l’interprétation des termes. Déjà en 2013, le CTSP avait fait une étude qui conclut qu’il y avait 100 000 travailleurs qui touchaient moins de Rs 5 300 comme salaire. Cela avait forcé le ministre des Finances d’alors à revoir les différents ‘Remuneration Orders’ et on était déjà arrivé au salaire de base de Rs 6 500. Pourtant, aujourd’hui on parle encore de salaire de base de Rs 5 300 dans certains secteurs. » Reeaz Chuttoo conclut que c’est au gouvernement de décider de la marche à suivre, car « le gouvernement actuel a gagné les élections sur le thème du salaire minimal, entre autres, et il pourra perdre les prochaines élections sur ce même thème… »

Éric Ng : «Il faut voir l’impact sur les PME»

L'économiste Éric Ng. 

Éric Ng, économiste, a déclaré au Défi Quotidien qu’il accueille l’introduction d’un salaire minimal à Maurice. Toutefois, il dit craindre que certaines entreprises ne puissent faire face à une charge financière additionnelle, ce qui pourra les amener à la fermeture. Il pense que le salaire minimal aura un impact sur les petites et moyennes entreprises.  Au niveau du Business Mauritius, la satisfaction est de mise, car selon eux, le NWCC a pris les dispositions nécessaires pour soutenir le secteur de l’exportation face à la charge additionnelle de la masse salariale, car le salaire minimal pourrait coûter plus de Rs 3 milliards au secteur privé.

Arvind Nilmadhub : «Un effet positif sur l’économie en général»

Le salaire minimal va impacter notre écnomie.

L’économiste Arvind Nilmadhub explique que le salaire minimum va impacter notre économie de différentes façons. « D’abord, un salaire minimal est une excellente initiative, car il permet d’augmenter le pouvoir d’achat de ceux au bas de l’échelle sociale. Même une petite augmentation de salaire est un salut pour une famille pauvre. Le salaire minimal a aussi un effet psychologique positif sur les travailleurs. Il y a, bien sûr, la crainte que certaines entreprises ne tiennent pas le coup, mais ce n’est pas nécessairement qu’elles vont licencier, si elles ont vraiment besoin des travailleurs. Au contraire, elles devront s’efforcer à réduire leurs coûts de production pour demeurer compétitives et trouver des moyens d’augmenter leurs revenus. D’autre part, avec un meilleur salaire, les travailleurs seront plus motivés à accroître la productivité, au grand bénéfice de l’entreprise. Cela dit, je m’attends à des pertes d’emploi dans le court terme, mais des créations d’emplois à long terme, car l’injection monétaire représentée par la masse salariale additionnelle va se répercuter sur la demande et la croissance. Certaines entreprises seront obligées de majorer le prix de leurs produits et services pour amortir leurs coûts. » Et que pense l’économiste du montant proposé ? Arvind Nilmadhub répond qu’il ne veut pas faire de spéculation sur le chiffre, mais dit que c’est la première fois que Maurice introduit le salaire minimal et on ne peut imposer un montant trop élevé, car cela risque de bouleverser la stabilité économique. « Nous pouvons faire des ajustements graduels. Il y a plusieurs facteurs à considérer avant de déterminer un chiffre final. »

 

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