Après un demi-siècle, Vinod Ramphul, un retraité de Moka, s’est lancé dans une quête émouvante : retrouver ses anciens camarades de classe de l’école primaire de Vallée-des-Prêtres. Sur les 72 anciens élèves, il en a retrouvé 48, ainsi qu’un enseignant, aujourd’hui âgé de 85 ans. Le 19 mai, environ 35 anciens élèves se sont réunis pour un déjeuner. Pourquoi cette vague de nostalgie ? Ce samedi 25 mai 2024, Vinod Ramphul, un ancien employé de Mauritius Telecom, livre ses explications au Défi Plus.
La retraite est souvent synonyme de nouvelle aventure. C’est aussi l’occasion de redécouvrir des passions et de renouer avec des amitiés. Ce n’est pas Vinod Ramphul, âgé de 62 ans, qui dira le contraire. Pour cet habitant de Moka, qui est à la retraite après 35 années de service à Mauritius Telecom, cette période de la vie n’est pas simplement une pause mais le début d’un chapitre riche en rencontres et en souvenirs.
Ainsi, après des années passées à travailler pour subvenir aux besoins de sa famille et maintenant qu’il a du temps libre, il s’est lancé dans une quête : retrouver ses anciens camarades de classe de l’école primaire de Vallée-des-Prêtres. Il a ainsi organisé un déjeuner nostalgique le dimanche 19 mai 2024 au restaurant Comlone à Port-Louis.
Qu’est-ce qui l’a motivé à renouer le contact avec ses amis et ses enseignants du primaire après cinquante ans ? Vinod Ramphul confie qu’étant de nature extravertie, il a toujours aimé faire des rencontres amicales. Il ajoute que depuis qu’il est à la retraite, il a eu du temps libre pour se consacrer à ce qu’il aime faire. C’était donc tout naturel pour lui de penser à organiser des retrouvailles avec ses anciens amis. « Je viens d’organiser un déjeuner de retrouvailles avec mes amis de collège après 45 ans », se réjouit-il.
Le fait qu’il ait fréquenté l’école primaire de Vallée-des-Prêtres a facilité sa quête puisque la plupart de ses amis sont originaires du même endroit. « C’était plus facile d’aller retrouver les garçons chez eux à leur domicile. Par contre, pour les filles, j’ai dû passer par leurs parents pour obtenir leur numéro de contact et ensuite les contacter », dit-il en riant. S’il concède que cela a été une longue procédure, il se réjouit toutefois d’y être parvenu avec persévérance.
Des obstacles, le retraité en a rencontré sur son chemin. Mais il affirme que la réticence de ses amies à établir le contact s’est peu à peu dissipée grâce à son approche amicale et respectueuse. Il indique que la plupart de ses camarades de classe sont retraités et tout comme lui, des grands-parents heureux. D’autres travaillent encore. « Malheureusement, certains nous ont quittés durant ces 50 dernières années », se désole-t-il.
Souvenirs
Au fur et à mesure qu’il retrouvait chaque camarade de classe, Vinod Ramphul partage que les souvenirs les plus vifs remontaient à leurs échanges et aux promenades qu’ils faisaient en groupe depuis chez eux jusqu’à l’école. Il se souvient également des jeux auxquels ils se livraient ensemble à l’époque.
Quant aux émotions qui les ont envahis lors de leurs retrouvailles, il avoue que les mots ne suffisent pas à les exprimer tellement ils étaient tous comblés de se retrouver après tant d’années. Néanmoins, une pointe de tristesse s’est insinuée, car ces moments d’insouciance enfantine, si précieux et éloignés de tout souci, sont passés trop vite.
En évoquant les récits et anecdotes de leur histoire commune, le retraité souligne que leur groupe était très soudé. « Nous avions une bonne entente. Nous faisions donc souvent des parties de jeux ensemble », dit-il. Avec nostalgie, il se rappelle leur participation collective à la course de cross-country. Il mentionne également leurs activités de jardinage : « Les arbres que nous avons plantés ensemble sont toujours là. » Il avait hâte de retrouver chacun de ses anciens camarades pour partager les événements marquants de leurs parcours respectifs.
Passage… du temps
Vinod Ramphul réfléchit aux changements survenus dans sa propre vie et celles de ses amis depuis l’école primaire, et constate l’inexorable passage du temps. « Nous ne sommes pas seulement devenus des adultes, mais aussi des vieux », confie-t-il. « La vie est devenue submergée de responsabilités avec le travail, la famille, les enfants et leur éducation. Mais je n’ai aucun regret ; j'ai pu atteindre les objectifs que je m’étais fixés. La plupart de mes amis partagent le même sentiment », ajoute-t-il avec satisfaction.
Interrogé sur les leçons qu’il tire de son passé après cinquante ans, Vinod Ramphul exprime le regret que les retrouvailles n’aient pas eu lieu plus tôt. Deux de leurs amis sont décédés cette année même, juste avant la tenue de ce déjeuner nostalgique. Pour lui, les amitiés et les mentors forgés dans la jeunesse continuent de façonner la vie dans le présent. « La vie en communauté, le partage et l’aspect social sont des valeurs qui aident notre prochain et qui méritent le respect. Ces principes sont omniprésents dans notre quotidien », dit-il avec conviction.
La nostalgie
Par rapport à la nostalgie, l’ancien cadre de Mauritius Telecom souligne que les souvenirs et les leçons de vie du passé jouent un rôle crucial dans le tissage de nouvelles relations et le maintien des liens existants. « La nostalgie nous ramène à de bons souvenirs, à des moments de bonheur et à des histoires à partager avec nos proches », affirme-t-il.
Vinod Ramphul estime que cette rencontre a permis à ses amis et à lui-même de revivre les moments partagés pendant leur scolarité et de partager les événements marquants des cinquante dernières années de leur vie. Il évoque un moment symbolique qui a eu une signification spéciale pour eux : leur dernière sortie organisée par l’école, une excursion. « Nous étions tous très émus. Plusieurs d’entre nous avaient même versé des larmes », se remémore-t-il.
Les attentes
« Ces retrouvailles nous ont permis de resserrer et de restaurer les liens entre nous tous. Désormais, nous resterons continuellement en contact grâce au groupe WhatsApp que j’ai créé », espère Vinod Ramphul. Il ajoute que cette initiative permettra également à chacun d’être au courant de ce qui se passe dans la vie des amis et de prendre part à leurs moments difficiles ou heureux.
Selon lui, cette rencontre a renforcé davantage le lien déjà présent, et bien sûr, cette amitié retrouvée évoluera en fonction de la disponibilité et du dévouement de chacun pour la maintenir à flot. Pour conclure, Vinod Ramphul encourage d’autres personnes à faire de même pour retrouver leurs amis. Il souligne que la vie est courte, qu’il est important de profiter de chaque instant et de faire ce qu’on souhaite tant qu’on a le temps, la force et la volonté.
Que pensent ses amis ?
Rajen Dawooky : « J’avais hâte de renouer les liens avec eux »
Ancien Quality Officer à Consolidated Dyers Limited (CDL), Rajen Dawooky habite à Vallée-des-Prêtes. Marié et père de deux enfants, il connaît Vinod Ramphul depuis la Std III et ses années au collège D. A. V. à Port-Louis.
Pour lui, cette initiative de son ami de longue date ne pouvait pas mieux tomber. Il estime que cela leur a permis de revivre des moments d’enfance chers à son cœur. « J’ai été très content de revoir mes amis d’enfance lors de ce déjeuner après 50 ans et d’échanger nos parcours de vie », indique-t-il.
Binita Ragoobeer : « Jamais je n’aurais imaginé les retrouver après tout ce temps »
Binita Ragoobeer, âgée de 62 ans, est femme au foyer. Elle habite à Triolet. C’est à son retour d’un voyage en Inde qu’elle a vu que Vinod Ramphul essayait de prendre contact avec elle. « Je me demandais comment il avait eu mon numéro de téléphone. C’est après que j’ai compris qu’il s’est rendu chez ma mère à Vallée-des-Prêtres pour me retrouver », dit-elle en riant, qui est aujourd’hui mariée et mère de deux enfants.
« Je n’aurais jamais imaginé retrouver mes amis d’enfance après tout ce temps. D’ailleurs, je n’ai même pas reconnu Vinod Ramphul. Après 50 ans, nous avons tous changé. Certains sont devenus minces, d’autres plus gros », dit-elle avec humour.
Elle affirme qu’elle a été très contente de voir ses amies avec lesquelles elle jouait à cache-cache et au jeu « pas mouswar ». Elle se dit ravie d’avoir retrouvé une dizaine d’entre elles. Et les garçons étaient-ils méchants à l’époque ? « Pas du tout. Ils étaient de bons garçons », dit-elle en rigolant.
Binita Ragoobeer relate qu’elle était scolarisée à l’école primaire de Vallée-des-Prêtres pendant la période 1967-72. « Je connais Vinod Ramphul depuis la Std 5 et 6. Nous étions dans la même classe pour la Petite Bourse. Après je suis partie au collège Lorette de Port-Louis », indique-t-elle.
Elle ajoute que ce déjeuner nostalgique à Port-Louis a été extraordinaire. Mais ce qui l’a rendu encore plus extraordinaire, selon elle, c’est surtout le fait d’avoir revu ses camarades de classe après 50 ans. Ce qu’elle espère désormais, c’est qu’ils se rencontreront encore à l’avenir.
Subhash Golam : « Vinod a eu une belle idée »
Habitant de Vallée-des-Prêtres, Subhash Golam a 62 ans. Office Attendant à la mairie de Port-Louis, il est marié et père de deux enfants. Il connaît Vinod Ramphul depuis son enfance car ils vivaient dans la même rue. De la maternelle jusqu’au primaire puis au secondaire, il se souvient des moments passés avec son ami de longue date, tels que l’escalade des montagnes ou encore aller nager dans les rivières.
Qu’a-t-il pensé de ces retrouvailles ? « C’est rare ce genre d’événement. Je suis content que nous nous soyons retrouvés tout en partageant nos souvenirs. C’est une belle idée qu’a eue Vinod », confie-t-il.
Il affirme qu’il a d’ailleurs aidé Vinod Ramphul dans le repérage de leurs amis. « Bien que cela n’ait pas été facile de réunir tout le monde, cette rencontre a pu avoir lieu et elle a été grandiose », souligne Subhash Golam.
En aparté !
Né à Vallée-des-Prêtres, Vinod Ramphul est le sixième d’une fratrie de 11 enfants. Son père était laboureur et sa mère femme au foyer. En 1952, son père perd l’usage de sa main droite après qu’une dynamite lui éclate dans les mains. Avec la main gauche, il coupe les cannes et les charge dans le camion.
Durant son enfance, Vinod Ramphul coupe de l’herbe pour nourrir les animaux avant et après l’école. Il fréquente alors l’école primaire de Vallée-des-Prêtres. « Nous nourrissions des vaches, des cabris et des poules », se souvient-il. Comme sa mère doit s’occuper du bétail, ses frères aînés ne peuvent pas aller à l’école. Ils commencent à travailler. Ses sœurs, elle, restent à la maison pour s’occuper des tâches ménagères.
« Nous avons vécu dans la misère, souvent sans nourriture. Je marchais pieds nus sur trois kilomètres environ pour aller à l’école. J’avais réussi à décrocher la Petite bourse. Je devais faire le secondaire au collège John Kennedy mais n’ayant pas les moyens de payer le transport, j’ai fait mes études au collège D. A. V. à Port-Louis », confie Vinod Ramphul.
Il ajoute que pour poursuivre sa scolarité, il doit alors rester chez sa sœur aînée qui s’est mariée et qui habite Port-Louis. « Comme il n’y avait pas d’argent, je marchais pour aller au collège », ajoute-t-il. Après la Form V, il doit abandonner l’école, faute de finances pour payer ses examens du School Certificate.
Il fait des petits boulots pendant deux ans avant d’intégrer Mauritius Telecom en 1981 en tant qu’Apprentice Trademan. En 1987, il se marie à Anita. Deux filles, Honita et Sharvina, naissent de cette union. Vinod Ramphul continue de travailler pour subvenir aux besoins de sa famille mais aussi pour assurer la scolarité de ses petits frères. En 1992, il contracte un emprunt et construit sa maison à Moka, terrain que sa femme a obtenu en guise d’héritage.
Au fil des années, il deviendra Senior Inspector à Mauritius Telecom, un poste qu’il exercera jusqu’à sa retraite en 2016. Il dirige alors une équipe d’une douzaine de personnes chargée de dépanner les clients par rapport aux lignes téléphoniques dans le Nord.
Lors de la privatisation de Mauritius Telecom, son salaire est revu à la hausse. Vinod Ramphul améliore le confort de sa famille en agrandissant sa maison. Il s’assure aussi d’offrir la meilleure éducation possible à ses filles. Aujourd’hui, l’une est détentrice d’un doctorat en Chimie et l’autre a une maîtrise en psychologie.
Depuis que ses filles ont réussi dans leurs études et travaillent, Vinod Ramphul profite maintenant de sa retraite bien méritée. Il s’envole quand il peut pour des vacances avec sa famille à l’étranger. Tout récemment, sa femme, ses filles et lui sont partis en croisière.
Le jogging est son loisir. Il enseigne le yoga. Il s’investit également dans le social en facilitant les démarches pour les personnes malades pour des soins à Maurice et à l’étranger. Il vient également en aide à celles dont les maisons ont été la proie des incendies. Il fait aussi régulièrement des dons de sang.
Si, enfant, Vinod Ramphul rêvait d’être un officier de la Special Mobile Force, il ne regrette toutefois pas son parcours. Ce qu’il est devenu aujourd’hui, c’est grâce à sa persévérance et à son courage pour braver les aléas de la vie. Il ne nie pas que ses amis qu’il connaît depuis le primaire et le collège, tels que Gian, Subhash et Rajen, ont été d’un soutien indéfectible. On comprend dès lors l’importance qu’il attache à l’amitié. D’où le déjeuner des retrouvailles qu’il a organisé avec ses amis. Certains parmi sont devenus médecins, ingénieurs, dentistes, enseignants et des professionnels dans divers domaines.
Bien qu’une partie de ses camarades de classe soit à l’étranger et que d’autres ne soient plus de ce monde, Vinod Ramphul estime que donner de son temps à ses amis d’enfance et leur offrir l’occasion de sortir de la routine et de se voir le temps d’un repas, n’a pas de prix.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !