Cette semaine, un homme a tailladé le visage de sa femme à cause d’un message qu’il aurait vu sur son compte Facebook. Les réseaux sociaux, qui occupent une place de plus en plus importante au sein des familles, fragilisent les couples, affirment nos interlocuteurs.
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Allongée sur son lit d’hôpital, elle se remet à peine de ses blessures. Elle gardera sans doute à tout jamais la cicatrice que son mari lui aurait infligée. Corine Fra, une habitante de Sagar Lane, Camp Caval, âgée de 37 ans et mère d’une fille de 16 ans, est à l’hôpital Victoria, Candos, depuis le jeudi 27 octobre. Jhonny Fra lui aurait tailladé le visage pour une simple histoire liée à Facebook.
La trentenaire raconte : « Il a le mot de passe de mon compte Facebook. Il peut vérifier avec qui je parle. D’habitude, j’utilise Facebook pour parler avec des proches et des amis, et pour surfer sur les pages de petites annonces et de ventes en ligne. Lui, il a son compte Facebook et il est le seul à y avoir accès. Il m’a trompée à maintes reprises. Je suis même tombée sur des messages sur son portable où il courtise des femmes. »
«Rôle» sur Facebook
Corine Fra affirme que le jeudi 27 octobre, elle se trouvait dans la cuisine vers 21 h 30 quand son mari se serait approché d’elle et aurait commencé à lui faire des reproches : « Li dir mwa ‘To bizin kit mo lakaz toudswit, to pe amenn rol ninport lor Facebook. Mo trouve to finn gagn enn mesaz bonne nuit.’ Mo dire li kisana kinn avoy mwa mesaz. Li koumans eksite e bat mwa. Mo tonbe e li pran enn kouto, li koup mo lazou e li dir ‘Zordi mo pou touy twa.’ »
Pour Roshnee, le problème est tout autre. Elle affirme que Facebook a pris trop de place dans son foyer.
Selon elle, son mari passe tout son temps sur le réseau social et parle à des étrangères. « Un soir, nous étions en pleins ébats. Tout à coup, il reçoit un message sur Facebook, je l’ai su tout de suite par la sonnerie. Il prend son téléphone et je découvre en même temps que lui le message qui disait ‘Bonsoir, tu ne dors pas ?’ Il a continué pendant plusieurs minutes la conversation avec cette femme alors que j’étais juste à côté et que j’attendais que l’on reprenne ce qu’on faisait. »
Relations dénaturées
Selon Noor Sourmally, expert en technologies de l’information et de la communication, « les réseaux sociaux ont dénaturé les relations humaines et nuisent à la communication au sein des foyers ».
Il est d’avis que l’évolution de leur utilisation à Maurice est phénoménale car il leur a suffi de quelques années pour prendre une place importante au sein des familles mauriciennes. Notre interlocuteur estime que les fournisseurs d’accès à Internet ont encouragé ce phénomène : « Ils n’arrêtent pas de faire de la publicité pour les réseaux sociaux en proposant l’accès à Facebook en illimité, par exemple. Les gens se connectent plus facilement de nos jours. »
D’ailleurs, tout est fait pour pousser les utilisateurs à « rester connectés pour ne rien rater, car ces plateformes fournissent des informations 24/7. Tous les médias se servent des réseaux sociaux pour faire passer les news ».
Mais quel lien entre les réseaux sociaux et les cassures au sein des couples ? Pour Noor Sourmally, cette connectivité permanente, intrusive, a changé la nature des relations humaines.
L’expert souligne que les conversations directes avec les membres de la famille ont laissé place aux échanges virtuels avec des étrangers : « Nous avons plus d’amis en ligne que dans la vraie vie. » Ce qui favoriserait, selon lui, les rencontres extraconjugales. « De plus, grâce aux réseaux sociaux, on peut facilement trouver des gens qui partagent nos centres d’intérêt. Ces plateformes informatiques détectent automatiquement les gens qui ont les mêmes passions que nous. Grâce à la discussion instantanée et privée, nous pouvons discuter avec eux sans craindre d’être vu ou entendu par une tierce personne », ajoute notre interlocuteur. Un avis que partage le sociologue Ibrahim Khooduruth. Il affirme qu’avec l’avènement des réseaux sociaux, les familles se parlent moins et passent beaucoup de temps en ligne. Il fait ressortir que la confiance doit régner dans un couple : « Lorsque la confiance fait défaut, cela entraîne la crainte, les soupçons. L’autre croit qu’il y a quelque chose qui se trame dans son dos. »
Le sociologue est d’avis que chacun doit avoir son jardin secret, qu’il convient d’entretenir sans froisser l’autre : « Être connecté sur les réseaux sociaux n’entraîne pas forcément une trahison. Lorsqu’un des conjoints est en train de tchat avec quelqu’un, il ou elle doit avoir une certaine maturité pour savoir de quoi il faut parler… »
Facebook responsable d’un divorce sur trois aux USA
En 2004, le jeune Mark Zuckerberg crée un annuaire d’étudiants qu’il baptise Facebook. Ce réseau social serait aujourd’hui derrière un divorce sur trois. C’est ce qu’a révélé une étude menée en 2015 par le cabinet d’avocats britannique Lake Legal qui, en examinant 200 cas de divorces, a découvert que Facebook était cité dans 66 affaires. Le réseau social servirait de preuve aux conjoints trompés. Il favoriserait aussi l’infidélité en permettant à des anciens amants de se retrouver. Cette étude n’est pas la seule du genre. En 2014, l’université de Boston établissait que Facebook était un facteur de délitement du mariage : au Texas, 32 % des utilisateurs du réseau social pensent au divorce contre 16 % des non-utilisateurs. En 2010, une autre étude de l’American Academy of Matrimonial Lawyers rapportait qu’un divorce sur cinq aux États-Unis impliquait Facebook.
En Inde : Les portables interdits aux femmes
Dans le village indien de Suraj, les femmes célibataires n’ont pas le droit d’utiliser de téléphones portables depuis début février. Le conseil de ce village juge cette technologie nuisible à la société. Selon le chef du village, les jeunes femmes seraient distraites par ces appareils, au détriment de leurs études et de l’accomplissement des tâches ménagères. Pour pouvoir utiliser un téléphone portable, elles doivent donc attendre de trouver un mari. Si une femme non mariée est surprise avec un téléphone portable, elle devra s’acquitter d’une amende de 2 100 roupies.
Photos d’enfants en ligne : une atteinte à leur intimité
Les réseaux sociaux occupent tellement de place au sein des familles que certains parents ne se rendent pas compte que poster des photos de leurs enfants pourrait s’avérer dangereux pour leur intimité, indique un article paru sur le site de la BBC. Plusieurs jeunes soutiennent qu’ils ont vécu comme une humiliation le fait de voir les photos d’eux bébés rendues publiques sur des réseaux sociaux. « Les parents peuvent ne pas s’en rendre compte mais en affichant des photos et des vidéos de leurs enfants en ligne, ils créent une image pour leurs enfants qui pourrait être mal perçue », selon le Dr Arthur Cassidy, psychologue spécialiste des médias sociaux.
Zoom sur d’autres cas
- Septembre 2009 : Un couple rodriguais installé en Australie fait la Une des journaux. Ron Félicité, 27 ans, poignarde à mort son épouse Juliette, 29 ans, sous les yeux de leur fils de 4 ans. Il n’appréciait pas que sa femme ait créé une autre page sur Facebook sur laquelle elle avait repris son nom de jeune fille.
- Mars 2013: Janeeta Ramchurn, 18 ans, est mortellement agressée par son petit ami Kunal Prayagsing, 19 ans, à La Citadelle. Le jeune homme explique qu’ils se sont rencontrés sur un réseau social. Selon des informations, il détenait une vidéo et des images compromettantes de la jeune femme et lui aurait fait du chantage, ce qui aurait incité Janeeta à le suivre à La Citadelle. Là-bas, la jeune femme lui aurait fait comprendre qu’elle comptait mettre fin à leur relation. Il l’a étranglée.
- Decembre 2014: Dans l’Est, Meenakshi (prénom fictif), 19 ans, est agressée par son époux après que ce dernier, âgé d’une vingtaine d’années, a vu un clip compromettant de son épouse. La vidéo aurait été envoyée par un homme avec lequel Meenakshi entretenait une liaison et qu’elle avait rencontré sur Facebook.
- Octobre 2016: A Cité Barkly, Anaïs Jean, 18 ans, est tuée par Jimmy Neerputh, 23 ans. Le suspect dit avoir agi dans un moment de colère : « Monn touy Anaïs parski linn refiz donn mwa kod so portab. Je la soupçonnais de m’être infidèle. »
Me Neil Pillay : «Un mariage est une plante qu’on cultive»
Y a-t-il un lien entre l’évolution des demandes de divorce et le temps que les conjoints passent sur les réseaux sociaux ?
Il n’y a pas de chiffres sur ce genre de cas. Le mariage est une plante qu’on a envie de cultiver. Si vous voulez qu’elle produise des fruits, vous allez tout faire pour vous en occuper, l’arroser et la nourrir pour qu’elle ne meure pas. Le mariage, c’est pareil. Il faut donc se donner la peine de réussir son mariage. Si un conjoint passe son temps sur les réseaux sociaux, cela aura bien sûr un impact. En tant qu’avocat, je peux dire qu’il y a des cas de divorce dans lesquels un excès de temps passé par des conjoints sur les réseaux sociaux a grandement contribué aux problèmes conjugaux, qui éventuellement ont débouché sur une demande de divorce.
Est-ce qu’une demande de divorce à cause des réseaux sociaux tient la route devant une Cour, ou faut-il absolument que ce soit un cas d’infidélité physique ?
Il y a plusieurs raisons énumérées dans la loi pour demander le divorce, dont la notion de « fautes ». Tout est une question de gravité et c’est à la personne demanderesse de justifier sa demande. Les raisons peuvent être autres que physiques et c’est au juge de prendre une décision selon les faits qui lui sont présentés.
Quelles sont les dispositions de la loi pour protéger une victime de violence domestique ?
La Protection against Domestic Violence Act a récemment subi quelques amendements. Malheureusement, la perception demeure que c’est seulement lorsqu’un conjoint vit toujours sous le toit conjugal qu’il ou elle a le droit d’obtenir un Protection Order. Il faut savoir que les insultes, le harcèlement moral, les menaces, les violences physiques et d’autres types de maltraitance physique ou psychologique sont aussi considérées comme des actes de violence domestique selon la loi. De plus, outre le Protection Order, une victime peut aussi demander un Occupation Order ou un Tenancy Order, pour jouir de l’utilisation exclusive du toit conjugal.
En pratique, que doit faire une victime de violence domestique pour bénéficier d’un Protection Order ?
La victime doit faire une déposition dans un poste de police, puis aller à la Family Protection Unit et faire une demande pour un Protection Order, un Occupation Order ou un Tenancy Order. Si la victime préfère avoir recours aux services d’un professionnel pour motiver sa demande sous la Protection Against Domestic Violence Act, elle peut faire appel à un avocat.
En chiffres
En septembre, la loi sur la violence conjugale a été amendée pour mieux protéger les victimes. En 2015, 2 281 cas ont été enregistrés. 2 039 concernaient des femmes et 68 des hommes. De ces 2 281 cas, 655 étaient des récidives, alors que 1 626 étaient de nouveaux cas. En 2014, 2 301 plaintes avaient été enregistrées.
Brigitte Carver, de SOS Femmes : «Trois cas sur dix liés aux réseaux sociaux»
Même s’il n’est pas prouvé que les réseaux sociaux ont un lien avec les actes de violence conjugale, Brigitte Carver, de SOS Femmes, confie que sur 10 cas de femmes qui viennent chercher refuge au centre, trois sont liés aux réseaux sociaux. « Il arrive qu’un mari recherche à tout prix le mot de passe du compte Facebook de son épouse pour tout contrôler. Il devient alors menaçant », explique-t-elle. La travailleuse sociale constate que la technologie a remplacé la communication au sein de la famille : « Souvent, on ne prend pas le temps de parler à son enfant ou à son conjoint. Cela nous sépare des personnes qui sont à côté de nous... » Elle concède toutefois que les réseaux sociaux ont aussi un rôle d’information et de documentation. Brigitte Carver souhaite qu’il y ait des campagnes pour enseigner le respect de l’autre à tout le monde.
Aurore Perraud : «Il y a une étude sur la violence conjugale»
La ministre de l’Égalité des genres est d’avis qu’il y a une nouvelle forme de socialisation à travers les réseaux sociaux qui peut être source de conflits au sein de la famille, et pas seulement dans un couple. « Mon ministère a commandité une étude auprès de l’université de Maurice sur les causes et les conséquences de la violence entre partenaires intimes. Nous attendons les résultats pour nous prononcer sur la relation entre les réseaux sociaux et la violence domestique », dit Aurore Perraud.
La cellule familiale est importante, mais elle est fragilisée aujourd’hui, affirme la ministre : « Notre plus grand combat pour équilibrer la famille est sans doute contre la violence, qui détruit des familles entières, et les plus vulnérables sont les enfants. En septembre, nous avons promulgué la nouvelle loi votée cette année même, avec des sanctions plus sévères pour décourager les prédateurs, et une définition plus élargie de la violence domestique pour mieux protéger les victimes, entre autres. Nous introduisons les mesures préconisées dans le rapport Domingue et le rapport de la Coalition nationale contre la violence domestique. Bientôt, nous mettrons sur pied un Command Centre pour des interventions plus rapides, des services intégrés et synchronisés, pour un combat plus efficace. »
Aurore Perraud ajoute qu’une Charte des valeurs familiales a été lancée : « Nous menons une campagne à travers le pays, ‘Le mur des valeurs’, pour encourager la promotion des valeurs. »
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