À une semaine des élections générales, l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA) a demandé à tous les opérateurs de télécommunication de suspendre temporairement l'accès à toutes les plateformes de réseaux sociaux jusqu'au 11 novembre 2024. Cela, en réponse à des « publications illégales susceptibles de menacer la sécurité nationale et la sûreté publique ». Dans le cadre de la campagne électorale, où les réseaux sociaux sont utilisés par les partis, les candidats et les médias, n’est-ce pas là une privation d’un espace de débat et d’échange ? Le point.
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Lindley Couronne, de l’organisation DIS-MOI, pense qu’il s'agit d'une « erreur » de la part des dirigeants, qui semble en décalage avec les attentes des Mauriciens. « Il est impensable que des responsables sensés prennent une telle décision », déclare-t-il. Il reste convaincu que les autorités vont rapidement se ressaisir et réaliser que les Mauriciens ont déjà fait preuve d’une grande tolérance pendant cette période difficile. « Ils ne sont pas prêts à accepter davantage de restrictions », avertit-il.
Réactions
Pour notre interlocuteur, la réponse des citoyens se fera inévitablement par les urnes. « Les Mauriciens vont réagir, et leur vote sera le reflet de leur mécontentement. Je persiste à croire qu'il y a eu une erreur quelque part », souligne-t-il. Il fait également ressortir l'importance de rétablir un dialogue constructif au sein de l'État. « Je suis convaincu que des voix rationnelles, comme celle de Steven Obeegadoo, joueront un rôle crucial pour corriger cette situation », espère-t-il.
Atteinte à la démocratie
Lindley Couronne appelle à une réflexion profonde sur les conséquences de cette décision, qu'il qualifie d'atteinte « éhontée et violente contre la démocratie ».
Alors que des tensions semblent émerger, il reste optimiste quant à la possibilité d’un retour à la raison de la part des dirigeants. « J’ose croire qu’ils ne vont pas continuer sur cette voie », conclut-il.
Faizal Jeeroburkhan de Think Mauritius affirme que pour qu'une démocratie se respecte, plusieurs éléments essentiels doivent être garantis : des élections libres et équitables, la liberté d'expression et la circulation libre de l'information, ainsi qu'une réelle participation citoyenne dans la prise de décisions.
Faizal Jeeroburkhan s'inquiète particulièrement des répercussions de ces restrictions sur la capacité des électeurs à voter objectivement. « Si les élections ne sont pas libres et équitables, c'est une véritable atteinte à la démocratie », insiste-t-il.
Il déplore également le fait que des décisions sont prises de manière unilatérale, sans consultation préalable avec les citoyens. Faizal Jeeroburkhan avertit que ces dérives mettent en péril le processus démocratique et montrent un glissement vers une forme d’autocratie, où les décisions sont imposées au public sans véritable consultation. « Nous ne sommes plus dans une démocratie, mais face à des mesures imposées contre notre volonté », conclut-il.
Michael Atchia, de Democracy Watch, partage un avis nuancé sur la question de la suspension des réseaux sociaux. Est-ce une atteinte à la démocratie ? « Oui et non »,
affirme-t-il en soulignant la complexité de la situation.
« Si un problème grave se présente, il est possible de suspendre les réseaux sociaux temporairement », explique Michael Atchia. Cependant, il insiste sur le fait qu'il est essentiel de comprendre les raisons de telles décisions.
« Nous manquons d’informations sur les véritables motifs derrière cette suspension », fait-il valoir.
Il reconnaît que certaines publications illégales ont mené à des problèmes dans divers pays, justifiant parfois des mesures de sécurité. Toutefois, il reste prudent. « D’un côté, cela peut être justifié pour des raisons de sécurité, mais de l’autre, il n’y a pas assez d’informations pour évaluer pleinement la situation à Maurice », insiste-t-il.
Quant à Laura Jaymangal, Executive Officer chez Transparency Mauritius, la suspension des réseaux sociaux est une atteinte à la démocratie et aux droits fondamentaux, dont la liberté d’expression et l’accès à l’information. « Quand on parle de sécurité nationale, c’est le Premier ministre qui a la prérogative. Cependant, dans ce cas précis, il s’agit d’un droit fondamental de la démocratie. Ce n’est pas le PM qui est le garant, mais le Parlement », fait-elle ressortir.
Censure
Pour elle, cette mesure, qui limite considérablement l'accès à l'information et restreint la liberté d'expression, peut être perçue comme une censure particulièrement inquiétante dans une société démocratique où les plateformes numériques sont les principaux espaces d’échanges d'idées et d'expressions.
« En période électorale, garantir un accès libre et équitable à l'information est essentiel pour permettre aux citoyens de faire un choix éclairé et de participer pleinement au processus démocratique », souligne Laura Jaymangal.
Elle poursuit que Transparency Mauritius insiste sur le fait qu'une décision de cette envergure, touchant aux libertés fondamentales, devrait passer par le Parlement, qui est l’organe représentatif du peuple et le garant de l’équilibre démocratique.
Espace de dialogue
Toutefois, « les réseaux sociaux ne doivent en aucun cas être utilisés comme outils de propagande, de haine ou d’incitation à l’instabilité. Ces plateformes doivent demeurer un espace de dialogue constructif, respectueux et pacifique, à même de renforcer notre démocratie », indique-t-elle.
Laura Jaymangal avance que Transparency Mauritius appelle les autorités à reconsidérer cette décision qui constitue une atteinte aux droits des citoyens de s’exprimer librement et d’accéder sans entraves à l’information en cette période cruciale pour notre démocratie.
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