Pour sa toute première interview, l'Acting Chief Executive Officer de Landscope Mauritius, Naila Hanoomanjee, évoque plusieurs sujets brûlants, dont ses relations jugées difficiles avec le président de Landscope Mauritius.
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Pourquoi avez-vous regagné le pays en 2015 ?
Après avoir décroché mon degré en Afrique-du-Sud, je suis rentrée brièvement à Maurice où j’ai commencé à m’ennuyer. J’avais envie de faire du Project Management, j’ai postulé pour plusieurs bourses. J’en ai obtenu trois. J’ai accepté celle du British Council. Détentrice d’un passeport britannique, je suis restée en Angleterre. Cela fait déjà 18 ans.
En raison de votre patronyme, ne craignez-vous pas que votre nomination à la SPDC fasse polémique ?
J’avais des doutes, mais j’avais envie de cet emploi, car je savais que je pouvais faire quelque chose pour la State Property Development Company. Je savais aussi que cela ferait polémique, finalement je me suis dit que je ne devais pas prendre tout cela en considération. J’avais pris ma décision : ok. I stick with it.
Regrettez-vous votre choix ?
Non. Mais cela ne veut pas dire que je suis rentrée à Maurice de manière permanente. Lorsque j’ai vu l’annonce pour le poste de CEO, la pub ne précisait pas qu’il s’agissait de la SPDC et mentionnait une ’property development company’. Quand j’ai appris qu’il s’agissait de la SPDC, j’étais un peu déçue, vu qu’un CEO du privé a droit à un meilleur salaire. Les premières prises de contact ont été faites avec le groupe Talents. Nous étions une douzaine de candidats ’shortlisted’ pour le deuxième round de l’interview. Ce n’est qu’au troisième round qu’a eu lieu l’interview avec le board de la SPDC. J’ai payé mon billet de ma poche pour me rendre à cette interview. Ma mère était sceptique à l’idée de me voir rentrer. L’interview terminée, je savais que cela s’était bien passé. Mon époux m’a beaucoup encouragé et j’ai accepté le job.
Êtes-vous d’accord que ça a mal démarré avec Landscope avec les démissions de deux CEO ?
Je ne suis pas de cet avis. La fusion des institutions avait été annoncée dans le Budget 2016/2017, elle a été complétée en décembre 2016. Difficile de concilier trois CEO. Cela débouchait sur des divergences d’opinions et il revenait au board de trancher. Il y a aussi eu une demande de réduction de nos salaires. J’ai accepté. Claude Wong So s’y était opposé, ce qui a mené à sa révocation. Koomaren Chetty avait décidé de continuer, mais il a plus tard démissionné.
Quel a été votre secret pour demeurer en poste ?
Il n’y a aucun secret. Je voulais mener des projets à bon port. Comme celui de la rénovation du Port-Louis Waterfront qui date de 20 ans. Quand j’ai démarré, la situation financière à la SPDC était compliquée avec Rs 30 M de dettes. L’ancienne direction avait acquis de nouvelles voitures pour l’ancien CEO et l’ancien président. Les bureaux avaient été remis à neuf. Or, cet argent devait servir à rénover le Port-Louis Waterfront. J’ai tout repris à zéro, discuté avec les locataires du Port-Louis Waterfront pour comprendre leurs problèmes. Nous avons lancé un appel d’offres pour recruter un architecte, Jean-François Adam. Beaucoup ne croyaient pas dans cette rénovation, mais le projet a bel et bien démarré, la première phase sera complétée en décembre.
J’accomplis le travail de trois personnes pour Rs 50 000»
Le Premier ministre a avoué qu’il y a des divergences entre vous et le président Gérard Sanspeur. Qu’est-ce qui ne marche pas ?
C’est un clash de personnalité. Les choses sont tellement tendues qu’il y a eu une réunion de haut niveau avec le Premier ministre. Il nous a fait comprendre qu’il fallait mettre nos différences de côté. Je pensais que la situation allait se décanter, mais je me suis trompée.
Les réunions du board sont-elles souvent houleuses ?
Ce n’est pas plaisant pour personne : ni pour les directeurs, ni pour le personnel. Je dis une chose, le président affirme autre chose. Ce n’est pas sain, je fais de mon mieux.
Comment vos différends affectent-ils le fonctionnement de l’organisme ?
Il y a eu l’annulation de deux réunions du board. Ce qui retarde les projets qui ont besoin du feu vert du conseil d’administration.
Avez-vous une longueur d’avance sur Gérard Sanspeur en raison de vos relations avec la famille Jugnauth?
Pas du tout. Si mo ti ena enn longueur davance be... (rires). Le PM ne s’ingère pas dans les affaires de l’organisme.
Comment cela va-t-il finir entre vous ?
Je ne crois pas que cela va changer. J’essaie de ne pas polémiquer sur des affaires inutiles. Je m’exprime uniquement lorsque je sens qu’on prend une mauvaise direction.
Il y a aussi eu la polémique autour de votre salaire et une enquête de l’Icac. Le président de Landscope est-il responsable de ces dénonciations ?
Non. Je ne sais pas qui est derrière ça. Mais c’est quelqu’un de Landscope. J’ai certaines informations que je ne peux divulguer. Tenez, l’affaire de l’Icac. Les terres appartiennent toujours à Landscope. Concernant mon salaire, c’est devenu un passe-temps national. Lorsque j’ai pris de l’emploi, j’avais droit à un salaire X (NdlR : Rs 163 000). Avec la fusion des institutions, on a réduit nos salaires. Lorsque Claude Wong So et Koomaren Chetty sont partis, j’ai repris tout le travail. Koomaren Chetty gérait 23 bâtiments industriels et on m’a accordé une augmentation de Rs 50 000. What is the big issue ?
J’accomplis le travail de trois personnes pour Rs 50 000. Pou enn lot dimoune ti pou dire pe fer domineur. Mais, dans mon cas, parce que je m’appelle Hanoomanjee, on évoque un salaire exorbitant. Tout cela est fait pour me dégoûter et m’inciter à partir. Les performances de l’organisme sont là : au départ, on avait un problème de cash-flow. Nos dépenses excédaient nos revenus de Rs 24 millions. On allait être à court de cash en juin 2017. Il fallut travailler dur. On s’est débarrassés des SME Parks pour les confier à la DBM. On s’est débarrassés du Mahébourg Waterfront. Je me suis battue pour que le parc industriel de Riche-Terre nous revienne : cela a engendré Rs 35 millions de revenus. La SLDC faisait des pertes de Rs 95 millions, la BPML 12 millions. Or, pour notre première année financière, on a engrangé Rs 29,5 millions de profits et, pour cette présente année financière, nous prévoyons un profit de Rs 55 millions après taxes.
Que répondez-vous à vos détracteurs qui disent que, lorsque le MSM est au pouvoir, la famille Hanoomanjee tape plein?
Ki mo pe tape plein ? Je suis en train d’accomplir le travail de trois personnes. Mes liens de parenté ne sont en aucun cas un avantage pour moi.
Votre appréciation des performances de votre mère comme Speaker…
Je connais sa capacité. Elle a droit au même traitement que moi. On préfère se concentrer sur tout ce qui est négatif. Mais c’est sous son mandat que les débats sont retransmis en direct. Elle a organisé le Youth Parliament qui a été très apprécié. C’est aussi elle qui a donné un bureau au leader de l’opposition...
Vous vous voyez marcher sur les traces de votre mère en embrassant une carrière politique ?
Pour le moment, ma préoccupation, c’est Landscope. Si une opportunité se présentait à moi, j’y réfléchirais, mais ce n’est pas d’actualité.
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