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Ranini et Patrick : le feu et l’eau de la boxe thaïlandaise

Ranini et Patrick Cundasawmy. En 2023, Ranini (au centre), a été récompensée par le Junior Chamber International (JCI), grâce au projet « A-Nou-Fouet-Disang » initié par BMA.

Les arts martiaux comme philosophie de vie, mais surtout en tant que puissant vecteur d'inclusion sociale. Ranini et Patrick Cundasawmy voient ainsi le kickboxing, cette discipline originaire de la Thaïlande, connue sous le nom de Muay Thai et popularisée au Japon et aux États-Unis. À Bambous, où il habite, le couple a mis sur pied l’école Bambous Martial Arts où il accueille des filles et garçons afin de transmettre les bases de cet art martial ancestral.

La joie de vivre pour un couple d’eau et de feu :  Ranini pétille autant de vie que Patrick, son mari, renvoie l’image d’un océan de sagesse. C’est sans doute pour sa force tranquille que Ranini, alors son élève, s’est rapprochée de Patrick jusqu’à finir par l’épouser. Elle, c’est d’abord la naissance au sein de la famille Dimba, tous des masseurs connus de la résidence Barkly. Troisième d’une fratrie de six enfants, elle se rappelle encore des jours sans rien à mettre dans l’assiette. « Nous n’étions pas modestes, mais pauvres », confie-t-elle, mais sans en rajouter. Après le collège, avec le HSC en poche, elle rêve d’études universitaires, mais sans moyens, elle commence à travailler comme ‘aide’ dans un supermarché. Par la suite, elle prend de l’emploi dans un centre d’appel à Rose-Hill où elle croise Patrick. Ce dernier est lui déjà initié à la boxe thaïlandaise qu’il tente de transmettre aux jeunes au sein de son école, la Bambous Martial Arts (BMA).

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La boxe française et thaïlandaise

« Au départ, j’étais plutôt une fille fragile, un peu malade et peureuse. C’est Patrick qui m’a sortie de cette coquille en me faisant découvrir ma force mentale. Sans lui, je n’y serai pas arrivée », dit-elle. La frêle gamine de Barkly se jette alors à corps perdu dans l’étude et l’acquisition des techniques de la boxe française et thaïlandaise. C’est dans la rue à Bambous, devant le domicile conjugal, après les heures de travail qu’elle s’entraine en compagnie de quelques autres filles, au vu et au su de tout le monde. « Mais il n’y avait pas beaucoup de monde dans ma rue à l’époque. Les routes n’étaient pas goudronnées et il y avait peu de voitures », se souvient-elle encore.

Au départ, j’étais plutôt une fille fragile, un peu malade et peureuse. C’est Patrick qui m’a sortie de cette coquille en me faisant découvrir ma force mentale. Sans lui, je n’y serai pas arrivée ", dit Ranini.

Pour y arriver, Ranini doit faire le vide dans la tête et parvenir à un état de relaxation totale. « Les entrainements physiques, sous la férule de Patrick, sont graduels jusqu’à atteindre un niveau proche de la perfection. Tout doit être en symbiose, le corps et le mental, mais il faut au préalable se débarrasser de ses émotions. Sur le ring, durant un combat, la maitrise mentale et physique ne fait qu’un », indique-t-elle. 

En 2017, alors âgée de 33 ans, elle participe pour la première fois au Championnat du monde de Muay Thai grâce à l’affiliation du BMA à la World Muay Thai Federation. Elle y décrochera une médaille d’or en Pro-Am chez les -46 kg. Auparavant en 2016, elle avait déjà remporté une médaille de bronze aux Championnats du monde assaut à Rome. Elle enchainera les participations et croise les meilleures joueuses. Durant les combats, Patrick, est toujours calme, mais ne rate rien, ce qui permet à Ranini de lâcher cette confidence sur sa page Facebook : « Quand mon mari Patriko met serye. Dans sa combat-la ena certain zaffaire ki mo pann gagne le temps observer ek analyser tellement li ti pe passe vite. Mais mo coach Patriko li kumadir radar, lin observer et quand mon vinn dans coing ring, lin donne-moi l’instruction précise et quand mo inn appliquer, la dans même ! »

Championnat annuel de Muay Thai

En 2020, tandis que le couple Cundasawmy se trouve en Thaïlande pour participer au championnat annuel de Muay Thai, la Covid-19 s’abat sur le monde. « Tout est alors renvoyé. Tout le monde est confiné, aucune possibilité de rentrer à Maurice », raconte Ranini. C’est chez la Master Toddy’s Muay Thai Academy que le couple sera alors hébergé, mais les premiers jours seront difficiles. Sur sa page Facebook, Ranini rend compte des moments où l’argent manque pour bien se nourrir. 

Pendant presque deux années, le couple, en vacances forcées en Thaïlande, profite pour étoffer leurs connaissances. Ranini se perfectionne, tandis que Patrick multiplie les stages pour devenir un formateur agréé par la fédération thaïlandaise placée directement sous le roi de la Thaïlande. « Durant notre séjour de presque deux années, nous avons aussi profité pour mieux connaitre la culture thaïlandaise. Les gens ne savaient pas trop comment nous identifier, mais ils étaient très gentils et avaient beaucoup de respect pour nous. Ils n’avaient jamais entendu parler de l’ile Maurice, mais lorsque nous leur avons raconté la vie chez nous, ils étaient émerveillés », raconte Ranini.

The Outstanding Young Person

Cette année, elle est récompensée par le Junior Chamber International (JCI) dans le concours The Outstanding Young Person grâce au projet « A-Nou-Fouet-Disang » initié par BMA. Ce projet est né durant le séjour du couple en Thaïlande où Ranini suivait de près ce qui se passait à l’ile Maurice, déjà entrée en confinement en mars 2020. « Patrick et moi nous nous sommes dit qu’il fallait réagir contre l’état de confinement imposé à Maurice, une situation d’enfermement, de huis clos qui agissait sur le système nerveux. Alors nous avons fait des clips pour interagir avec des plaisanteries, des danses et de la relaxation, entre autres. Notre objectif était de remplir le vide occasionné par le confinement. C’est vrai que ça a fini par émuler », confie Ranini.

À la BMA, les objectifs sont très clairs et tentent d’apporter une réponse au désœuvrement, à l’indifférence et l’absence de perspectives chez certains jeunes. « Notre message est fondé sur la thématique ‘aimer la vie’ et ne pas se laisser entrainer par les influences négatives », fait ressortir Ranini. « Au sein de l’association, les membres viennent des régions avoisinantes, mais d’aussi loin que Bel-Ombre. Nous leur disons bien que la boxe thaïlandaise ne sert pas à devenir agressif, mais à contrôler l’ensemble de ses sens, d’où l’accent sur le travail mental. Il y a une technique où nous faisons remonter les émotions afin de les maitriser. Les parents sont aussi invités, certains se rendent compte de la transformation de leurs enfants, mais il y a également des rechutes lorsque certains retrouvent leur milieu ambiant, mais il faut constamment s’adapter, il y a encore du chemin à faire dans un pays comme l’ile Maurice qui subit les chocs de la modernité », dit-elle.

Loin des discours pompeux sans suivi sur le terrain, l’engagement du couple Cundasawmy tient son attrait grâce à la personnalité de Ranini, qui connait les réalités des jeunes issus des faubourgs délaissés. « Je connais moi-même leurs difficultés pour avoir vécu à la Cité Barkly, je connais leur langue et leurs aspirations. Nous ne leur offrons peut-être pas grand-chose, mais je peux leur transmettre mon propre bonheur », conclut-elle.

 

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