Pourquoi utiliser les deniers publics afin de moderniser la Central Water Authority, pour ensuite remettre cet organisme au secteur privé ? C’est la question que pose Radhakrishna Sadien, président de la Government Services Employees Association, l’un des fers de lance contre la privatisation des organismes publics.
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Vous menez campagne contre la privatisation de la Central Water Authority (CWA). Pourquoi êtes-vous contre ?
« La population n’accepterait une hausse des tarifs que si elle obtient un service impeccable. »
L’expérience a établi que la privatisation a apporté son lot de misères parmi la population car elle provoque dans son sillage des augmentations de prix qui affectent surtout la classe moyenne et les plus pauvres. Prenons l’exemple du timbre-poste dont le prix a connu une hausse vertigineuse au cours des années suivant la privatisation de la Mauritius Post Ltd. Il en sera de même pour l’eau avec la privatisation de la CWA. Il suffit de voir ce qu’il s’est passé dans certains pays, comme la France et l’Argentine, pour comprendre que la privatisation d’un secteur aussi essentiel que l’eau sera catastrophique pour le pays, la motivation première du secteur privé étant le profit. Après avoir privatisé l’eau, ces pays l’ont ensuite remise sous contrôle de l’État.
Mais l’État ne peut investir massivement dans la modernisation des organismes publics sans, en retour, imposer une taxe sur la population et se voit donc contraint de faire appel à des partenaires stratégiques. Qu’en pensez-vous ?
Je maintiens fermement qu’un secteur essentiel comme l’eau ne doit pas tomber entre les mains du secteur privé. Tout comme il investit massivement dans le secteur de la santé pour assurer un service de traitement pour les plus démunis, le gouvernement doit trouver un moyen d’investir dans l’eau pour assurer une distribution d’eau équitable à la population. J’ai cité des pays où le gouvernement a repris sous son contrôle la distribution de l’eau. Cela dit, j’espère que le gouvernement ne suivra pas aveuglément les diktats de la Banque mondiale. Le devoir premier d’un gouvernement n’est-il pas de défendre les intérêts de la nation ? D’ailleurs, le Premier ministre sir Anerood Jugnauth a bravé les consignes de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) en 1983 et le pays s’en est bien sorti. Rien ne l’empêche de rééditer cet exploit en 2016.
Mais où trouver les sources de financement pour cette modernisation du secteur eau ?
L’eau est un droit naturel et le gouvernement doit obligatoirement faire provision chaque année dans son budget pour la modernisation de la CWA et ainsi garder l’eau sous son contrôle pour le bien-être de la population. On comprend que c’est un projet qui va prendre des années. D’ailleurs, l’État a déjà voté une somme de Rs 3,4 milliards pour le remplacement de 180 km de vieux tuyaux. En outre, les automobilistes contribuent à travers une taxe de Rs 4 par litre d’essence pour le remplacement de ces tuyaux datant de plus d’un siècle, où plus de 50 % de l’eau traitée se perd à travers les fuites.
Dans le dernier budget, on parle d’investissements du gouvernement dans la technologie sans tranchée (trenchless technology). Va-t-on utiliser les fonds publics en vue de moderniser la CWA pour ensuite la remettre entre les mains du secteur privé ? L’État doit aussi investir davantage dans le captage d’eau de pluie, dont une grosse partie se perd dans la nature. Je pense aussi qu’il faut sensibiliser davantage la population au gaspillage d’eau. Pour ce qui est de l’imposition d’une taxe, je ne pense pas que les consommateurs s’y opposent, s’ils obtiennent un service impeccable et que le secteur eau ne tombe pas entre les mains du secteur privé.
On parle d’une hausse des tarifs d’eau qui pourrait dépasser 30 %. Vos commentaires ?
Il faut comprendre que la population n’accepterait une hausse des tarifs que si elle obtient un service impeccable, ce qui n’est pas le cas actuellement. Je pense aussi qu’une augmentation de cette envergure serait catastrophique pour les petites bourses et la classe moyenne qui sont déjà écrasées par les tarifs de toute à l’égout. D’ailleurs, il convient de rappeler que le manifeste de l’Alliance Lepep en 2014 ne faisait pas état d’une privatisation de la CWA ou d’une hausse des tarifs d’eau. Nous mènerons dans les prochains jours une campagne nationale contre la privatisation de la CWA, avec le soutien de la Public Services International.
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