Quantum Global : cinq des comptes gelés listés dans les Paradise Papers

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Cinq des comptes bloqués à Maurice figurent dans les Paradise Papers. L’argent du fonds souverain de l’Angola a été dissimulé à Maurice à travers la société gérée par l’ami du fils de l’ex-président de ce pays africain.

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Cinq des premiers 25 comptes bancaires du Suisse Jean-Claude Bastos de Morais, gelés par la Cour suprême mauricienne, figurent en bonne place dans les Paradise Papers dévoilés l’an dernier par le Consortium international des journalistes d’investigation (CIJI). Il s’agit de ceux de QG Africa Infrastructure 1 L.P., QG African Hotel L.P., Capoinvest Ltd, Sun Ocean Holdings Ltd et de Sunjuice Holdings Ltd, apprend-on de notre confrère suisse Tages Anzeiger.

Dans son édition du mardi 10 avril, Christian Brönnimann a largement écrit sur les Paradise Papers et le patron de Quantum Global quant aux soupçons de blanchiment des milliards de dollars du Fundo Soberano de Angola (FDSEA). Le journaliste rappelle qu’au moins deux tiers de l’argent angolais confié à Jean-Claude Bastos de Morais à travers Quantum Global sont demeurés sur les comptes en banque mauriciens alors qu’ils devaient être investis.

En Suisse aussi Jean-Claude Bastos de Morais explique qu’il ignore toujours de quoi les autorités mauriciennes l’accusent en gelant ses comptes. Selon le CIJI, il aurait obtenu la gestion des fonds du FDSEA, de par ses liens avec José Filomeno dos Santos, dit Zenú, le fils de l’ex-homme fort angolais José Eduardo dos Santos. Chose que nie Jean-Claude Bastos de Morais avec véhémence.

Limogé du FDSEA en janvier, ayant transféré 500 millions de dollars de la Banque centrale de l’Angola sur les comptes d’une de ses sociétés à Londres, Zenú dos Santos vient d’être inculpé de blanchiment, de fraude et d’entente délictueuse pour une entreprise criminelle, rapporte le Financial Times. Même sort réservé à Valter Filipe da Silva, ex-gouverneur de l’établissement, pour cette transaction conclue pour prétendument permettre à l’Angola d’obtenir des prêts pour le sortir du rouge.

Le quotidien zimbabwéen The Herald a révélé cette semaine les déclarations du ministre des Finances angolais à l’effet que Zenú avait prévu de détourner 1,5 milliard de dollars du FDSEA. Un faux document du Crédit Suisse a été utilisé pour virer les 500 millions de dollars à Londres, mais l’argent a été bloqué par la National Crime Agency britannique qui a senti le coup fourré.

Mieux comprendre l’affaire

José Eduardo dos Santos - L’ex-président (1979-2017) et Zenú dos Santos ex-responsable du Fundo Soberano de Angola

Fonds souverain de l’Angola

Le fonds souverain de l’Angola, le Fundo Soberano de Angola (FDSEA), a été mis sur pied le 17 octobre 2012. Remplaçant le Fundo Petrolifero de Angola qui a été le second plus grand fonds souverain de l’Afrique subsaharienne, il a débuté ses opérations avec 5 milliards de dollars. Censé améliorer la vie des habitants de cet état d’Afrique de l’Ouest riche en diamants et en pétrole qui a connu la guerre civile entre 1975 et 2002, le fonds a plutôt profité au clan de l’ex-président José Eduardo dos Santos. Il a dirigé cette ancienne colonie portugaise de 1979 à 2017 et a placé son fils préféré, José Filomeno dos Santos, dit Zenú, à la tête du FDSEA. Zenú dos Santos a été limogé en début d’année par le remplaçant de son père, João Lourenço, lorsqu’il a appris que l’ancien Trader avait viré 500 millions de dollars sur les comptes d’une de ses propres sociétés à Londres et favorisé Jean-Claude Bastos de Morais. C’est à partir de là que Luanda a approché Maurice pour bloquer les comptes de l’hommes d’affaires et de ses sociétés offshore qui ont obtenu la gestion de 85 % de l’argent du FDSEA.

Jean-Claude Bastos de Morais

Né d’un père angolais et d’une mère suisse, Jean-Claude Bastos de Morais est un ami et partenaire en affaires de longue date de Zenú dos Santos. Ce qui pourrait expliquer pourquoi les fonds du FDSEA lui ont été confiés sans appel d’offres à travers son groupe, Quantum Global. Son nom est ressorti dans les Paradise Papers révélés l’an dernier par le Consortium international des journalistes d’investigation (CIJI) car il est l’une des rares personnes condamnées au pénal pour crime économique à gérer des milliards de biens l’État. Il a été reconnu coupable de multiples gestions déloyales le 13 juillet 2011 par le tribunal de Zoug, en Suisse. Avec un partenaire, il contrôlait une société qui a effectué des versements illégaux et dont une partie leur était versée. C’est ainsi que le CIJI s’est interrogé sur le fait que la Financial Services Commission n’ait rien trouvé à redire en lui octroyant des permis d’investissements dans l’offshore mauricien. Pour la gestion du FSDEA, il encaisse plusieurs dizaines de millions de dollars par an depuis 2014.

Quantum Global

Trois des cinq milliards du capital du FDSEA ont été placés dans sept fonds d’investissement spécialement créés par Quantum Global à Maurice. Le groupe qui emploie une vingtaine de personnes dans l’île perçoit 2 % à 2,5 % du capital par année, ce qui équivaut à un revenu annuel de 60 à 70 millions de dollars depuis 2015. Techniquement, pas plus de 10 % du capital d’un fonds souverain n’est confié au même gestionnaire. Quantum Global travaille avec les cabinets d’Appleby à Maurice et aux îles Vierges britanniques. Raison pour laquelle les Paradise Papers recèlent de centaines de documents à propos d’opérations concernant Jean-Claude Bastos de Morais et ses sociétés. Le Consortium international des journalistes d’investigation révèle que plusieurs investissements avec l’argent du FDSEA ont été injectés dans ses projets personnels, notamment la construction d’un port en eaux profondes dans la province de Cabinda et d’une tour futuriste sur un terrain qui appartient au Suisse à Luanda.


L’AfrAsia Bank rassure sur sa capacité à gérer

Qu’en est-il des comptes de Quantum Global ? La direction de l’AfrAsia Bank dit ne pas être en mesure de commenter au vu des lois de confidentialité régissant les relations banques-clients. Cependant, elle confirme avoir reçu un ordre de la Cour pour geler les comptes de Quantum Global et qu’elle fournit toutes les informations requises par les instances régulatrices. L’AfrAsia Bank dit collaborer avec les autorités.

Avec la MCB, la SBM et la Barclays, l’AfrAsia est l’une des quatre principales banques commerciales du pays. En sus des règlements généraux applicables aux banques, l’instance régulatrice qu’est la Banque de Maurice impose davantage de conditions à ce quatuor.

Dans les mieux concernés, on fait ressortir que si l’AfrAsia Bank peut tenir de telles pressions, c’est parce qu’elle est également guidée par des directives de la Banque centrale, surtout en matière de gestion de liquidités, comme stipulée dans le Guideline on Liquidity Risk Management, un document mis à jour en octobre 2016.

Le premier principe de ce document est d'expliquer la gestion de risques dans les banques : « A bank is responsible for the sound management of liquidity risk. A bank should establish a robust liquidity risk management framework that ensures it maintains sufficient liquidity, including a cushion of unencumbered, high quality liquid assets, to withstand a range of stress events, including those involving the loss or impairment of both unsecured and secured funding sources. »


L’économie reste intacte en cas de retraits

La même question s’est posée quand Maurice et l’Inde ont ratifié un nouveau traité fiscal. Notre économie pourra-t-elle soutenir un retrait massif de fonds d’investissement suivant leur départ vers d’autres cieux ?

Des organisations internationales et locales ont souligné l’existence de risques pour les banques, d’où des directives pour être parés à toute éventualité. Le retrait massif n’a pas eu lieu.

Dans le cas de Quantum Global, mention est faite de la somme de Rs 17,5 milliards. La finalité est que cette somme soit rapatriée vers l’Angola si toutes les étapes sont franchies. Selon une source du monde financier, aucune secousse ne serait ressentie au vu des parois étanches entre l’offshore et le secteur financier local.


Bastos de Morais exige de la transparence des régulateurs

Le Chief Executive Officer de Quantum Global, Jean-Claude Bastos de Morais, sort de son mutisme pour défendre le groupe dont il est le fondateur. Dans un communiqué en date du jeudi 12 avril, il affirme que la suspension des licences d’opération de sept fonds par la Financial Services Commission (FSC) porte préjudice au bon déroulement de ses activités.

« Il est difficile de nous défendre contre des actions prises par les autorités lorsque la raison d’être de ces actions n’est pas claire. Cela, en dépit de nos demandes répétées pour des explications. L’absence d’une procédure équitable et la précipitation pour nous sanctionner ont eu un impact négatif important sur les opérations de Quantum Global. Cette situation a affecté nos employés, nos clients, nos partenaires et les projets d’investissement importants que nous pilotons en Angola et à travers l’Afrique. Cela va à l’encontre des principes de base de la justice », a expliqué Jean-Claude Bastos de Morais.

Il a ajouté qu’en sa qualité d’investisseur important à Maurice, Quantum Global s’attend à ce que le régulateur des services financiers non bancaires suive les procédures et lui donne l’occasion de se défendre. « Nous souhaitons aussi que la FSC soutienne tout investisseur voulant expliquer son cas en toute transparence, afin de prouver qu’il n’y a aucune maldonne », a-t-il conclu.


Me Marc Hein : « J’ai conduit ma présidence avec honnêteté »

JurisTax Ltd est citée comme étant la Management Company associée à Quantum Global. Les projecteurs ont été braqués sur Me Marc Hein qui a été président du conseil d’administration de la Financial Services Commission (FSC) pendant deux ans.

Dans un courriel, il donne des explications. En voici un extrait : « J’ai été nommé président de la FSC en mars 2012 en précisant que j’occuperai ce poste pour une période de deux ans seulement. À ma nomination, j’ai transféré à un trust indépendant toutes mes actions de compagnies qui étaient détentrices de licences octroyées par la FSC afin de garder mon indépendance et mon objectivité. Il est donc évident que je n’avais aucun lien direct ou indirect avec la Management Company JurisTax Ltd pendant toute ma présidence. Je n’étais donc ni actionnaire, ayant transféré mes actions, ni directeur de cette Management Company. Je suis parti de mon plein gré de la présidence de la FSC pour me consacrer à plein-temps à mes activités professionnelles en mai 2014, après une période de deux ans, tel que je l’avais souhaité. Je pense avoir conduit ma présidence avec honnêteté et professionnalisme. »

 

 

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