Les questionnaires du PSAC et de Grade que reçoivent des enseignants pour la correction les laissent pantois. Certains estiment que le fait d’avoir rabaissé le niveau de difficulté des examens, dans l’espoir que le plus grand nombre réussisse, a eu l’effet inverse. Ils trouvent cette démarche dangereuse, car une fois au secondaire, l’élève n’a pas acquis les notions d’apprentissage de base.
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Après avoir corrigé les questionnaires du Primary School Achievement Certificate (PSAC) et de Grade 9 (Forme III), des enseignants en ressortent perplexes. Ils constatent un nivellement par le bas qui, au lieu de permettre au plus grand nombre de réussir, a l’effet inverse. « En analysant les questionnaires du PSAC (Grade 6), je constate que ce qui est demandé est très basique. À mon humble avis, ce programme aurait dû être destiné aux écoliers de Grade 4. Le niveau de difficulté des questionnaires a été rabaissé pour permettre à un plus grand nombre d’élèves de réussir. Sauf que c’est loin d’avoir l’effet escompté. C’est la qualité qui en souffre », explique Dewanund Bheekharry, ex-enseignant du primaire qui est à la retraite depuis 2015.
Afin d’étayer son argumentaire, il prend l’exemple de la rédaction française ou anglaise. Il rappelle que s’il était autrefois demandé aux élèves de rédiger une histoire à partir d’un thème spécifique, la donne a changé. « Ils ont aujourd’hui des images et un canevas à partir desquels travailler », précise-t-il. Idem, dit-il, pour les examens d’histoire-géo et de sciences qui sont divisés en deux et sur deux années. Autre exemple qu’il cite : les questions de mathématiques qui sont posées de façon directe, évitant ainsi à l’élève de fournir plus d’efforts.
L’effort découragé
Ce nivellement par le bas, poursuit Dewanund Bheekharry, est loin d’être anodin et peut, au contraire, être lourd de conséquences, surtout quand les élèves atteignent le School Certificate et le Higher School Certificate. Il arrive qu’après six années d’études au primaire, plusieurs enfants ne puissent pas écrire leur nom et prénom et ne sachent pas compter.
Vinod Seegum, président de la Government Teachers’ Union (GTU), montre du doigt la notation. « Le fait d’avoir ramené la notation de ‘A’ à 75 points tue l’effort chez l’enfant. Il se dit qu’il n’est pas obligé de répondre à certaines questions pour obtenir la notation maximale. C’est pour cette raison que l’élève n’essaie même pas de faire une rédaction ou de répondre à une question de mathématiques. »
Si Vinod Seegum approuve la mise en place du Nine-Year Continuous Basic Education, il estime toutefois qu’il faudrait revoir le système de notation en donnant un « A » à ceux qui décrochent entre 85 et 100 points et un « B » à ceux qui obtiennent entre 75 et 85 points. Autre situation que déplore le président de la GTU : le fait que la correction soit de plus en plus souple. Selon les directives reçues, les fautes grammaticales et les accords de verbe ne sont pas pris en compte au moment de la correction des épreuves. « En tant qu’ancien enseignant, je peux vous dire que je regrette que les petits détails ne soient pas pris en compte, puisque cela aura assurément un impact sur la performance de l’enfant lorsqu’il sera au secondaire. C’est aussi la raison pour laquelle beaucoup d’élèves échouent en anglais », concluent-ils.
L’étape du secondaire
Une fois au secondaire, les élèves découvrent un nouvel environnement. Ils entrent dans la cour des grands. À quoi occupent-ils leur temps ? Soondress Sawmynaden, recteur du Dr Maurice Curé State College, dit constater que la plupart perdent leur temps en restant scotchés sur leurs smartphones. « Ils restent trop longtemps sur leurs téléphones portables, parfois plus de deux heures. Ce qui est néfaste pour eux. Certains arrivent en classe fatigués », explique-t-il.
Il insiste sur l’importance pour les élèves de se concentrer sur leurs études pour obtenir de bonnes notes. « À la maison, il est de la responsabilité des parents de faire un suivi des leçons que leur enfant a apprises durant la journée. Les parents croient à tort que si leur enfant prennent des leçons particulières, le tour est joué. C’est totalement faux », souligne-t-il.
La situation dans les collèges privés est tout autre. La plupart de ces institutions accueillent des élèves avec un niveau inférieur. Ramparsad Mungur, de la Managers Private Secondary Schools Union (MPSSU), donne le profil des élèves qui arrivent dans ces établissements : « Après un examen diagnostique qui se fait à la rentrée des classes, nous pouvons voir que 20 % des élèves viennent avec un score de 50 points, 15 % avec 30 points, 15 % avec 20 points et le reste avec cinq à 15 points. »
Il constate aussi que certains élèves ne peuvent pas écrire correctement bien que sachant les réponses aux questions, car ils n’ont pas eu un bon apprentissage de l’anglais à la base. « L’école primaire mauricienne est comme un train à charbon. Elle est archaïque. Elle n’est pas équipée. Les classes sont restées petites et le nombre d’élèves par enseignant est toujours aussi élevé. Je pense que chaque enseignant devrait avoir un assistant pour le bon fonctionnement de la classe », indique Ramparsad Mungur.
Les Grades 7, 8 et 9 sont, rappelle-t-il, une continuité du primaire. Or, dit-il, souvent les élèves ont raté leur apprentissage des notions de base. « Du coup, les liens entre les notions présentes dans le cursus primaire et celles du cursus secondaire n’existent pas chez les enfants. Ceux qui récoltent 20 points au PSAC ont raté 80 % de leur programme d’études… » Mais Ramparsad Mungur ne veut pas être défaitiste. Il estime qu’il y a toujours des solutions. « La majorité des enfants a besoin d’un rattrapage d’au moins un an avant d’entamer le Grade 7. Il faut équiper les écoles de technologies modernes et surtout former (et forcer) les enseignants à les utiliser. »
Michel Ramsamy, pédagogue : «Les études constituent souvent un combat»
En votre qualité de pédagogue et de vice-recteur du collège Impérial, quel est votre constat de notre situation académique ?
Certains élèves motivés par le désir d’avoir un brillant avenir se jettent corps et âme dans la bataille que constituent les études. Ils se fixent un objectif. Ils font de leur mieux pour l’atteindre. D’autres, en revanche, sont démotivés pour diverses raisons. Beaucoup perçoivent l’école comme un club où ils vont pour rencontrer leur clan et faire pleins de choses, sauf apprendre.
Que proposez-vous pour que les élèves atteignent le niveau requis ?
On doit d’abord les sensibiliser à la responsabilité qu’ils ont vis-à-vis d’eux-mêmes. Une fois sensibilisés, on peut au moins s’attendre à ce qu’ils fassent les efforts voulus. Les études constituent souvent un combat. On se bat pour comprendre ce qu’on n’a pas compris. On livre le même combat pour pouvoir faire ce devoir qu’on trouve difficile. La révision se fait tout le long de l’année, pas seulement la veille des examens.
En général pourquoi nombre d’élèves n’étudient plus ?
Ils ont souvent une mauvaise perception des études. Plusieurs d’entre eux se croient forcés de faire quelque chose qu’ils n’aiment pas. On n’a pas non plus su leur faire prendre du plaisir à étudier. Parfois, il faut le reconnaître, certaines études sont inappropriées pour certains élèves. Ils ne prennent aucun plaisir à le faire. Dans ce cas-là, ce n’est même pas la peine de penser à l’effort. Une des solutions serait de guider les élèves, tout en leur procurant le matériel et l’environnement adéquats pour évoluer.
Que faire pour changer la donne ?
Être à leur écoute. Chercher des solutions à partir des problèmes rencontrés chaque jour. Être à l’écoute des enseignants. Sensibiliser les jeunes à leurs responsabilités. Les amener à comprendre par eux-mêmes quels sont ces responsabilités. Leur donner confiance en eux, tout en les poussant à s’aimer d’abord.
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