Interview

Protection des témoins - Me Samad Golamaully: «Il faut y avoir des sauvegardes»

Me Samad Golamaully
L’avocat est catégorique : il faut un système pour une protection renforcée des témoins. Pour Me Samad Golamaully, il faut mettre sur pied des sauvegardes pour assurer qu’il n’y ait pas d’abus. Il parle aussi de revoir des lois archaïques. Dans sa Newsletter d’avril, le Directeur des poursuites publiques (DPP), Me Satyajit Boolell, plaide pour une protection renforcée des témoins. Votre avis ? Je suis d’accord avec le DPP. Un accusé, qui a beaucoup à perdre, surtout quand il court le risque d’une peine de prison très longue, peut être tenté de prendre des mesures extrêmes pour veiller à ce que les témoins à charge ne témoignent pas en Cour contre lui. Il y va de menaces à l’intimidation à l’élimination physique. Le risque est réel. C’est la raison pour laquelle un programme sous le système de protection des témoins est essentiel. Même après que le témoin a témoigné devant un tribunal, le risque demeure. L’État doit même envisager d’octroyer au témoin une nouvelle identité et assurer son immigration vers un pays ami. Le Royaume-Uni et les États-Unis ont de très bons systèmes que nous pouvons adopter. Bien sûr, nous devons nous assurer que le système ait des sauvegardes pour éviter des abus.
Quelle est l’importance et l’utilité d’un témoin à charge dans un procès pénal ? Souvent, la seule preuve réelle disponible contre un accusé est celle d’un témoin en l’absence d’éléments, comme l’ADN ou autres preuves scientifiques. Au tribunal, sans preuves, nous ne pouvons condamner une personne. Notre constitution évoque qu’une personne est innocente jusqu’à preuve du contraire.
[blockquote]« Que cela concerne l’accusé, la victime ou un témoin, notre système est obsolète et nécessite d’être renforcé complètement. » [/blockquote]
Le DPP évoque également, dans sa Newsletter, la recevabilité du témoignage d’un témoin décédé. N’est-ce pas là une preuve par « ouï-dire » (hearsay) ? Cela nécessite tout un débat. Notre système est tel que les avocats doivent toujours avoir la possibilité de contre-interroger un témoin en Cour. En outre, celui qui préside le procès doit avoir la possibilité d’analyser le comportement d’un témoin et sa façon de témoigner devant lui. C’est le seul moyen de tester la véracité de son témoignage. Et, souvent, lors du contre-interrogatoire du témoin, des contradictions sont notées. Ce qui rend ainsi son témoignage douteux. À mon avis, si jamais, nous permettons des preuves de « ouï-dire » devant un tribunal, cela doit être dans des cas exceptionnels et seulement quand c’est soutenu par d’autres preuves. Actuellement, une déclaration faite par une personne consciente et qui sait que sa mort est imminente sur ce qu’elle croit être la cause ou les circonstances de sa mort, peut être présentée comme preuve devant un tribunal dans certains cas, même après sa disparition. On constate souvent que des témoins se désistent et refusent de déposer en Cour. Quelles en sont les causes ? C’est vrai. Mais, ce n’est pas nécessairement qu’il est dicté par des motifs sinistres. Souvent, un témoin dépose devant une Cour de justice sans dire quoi ce soit pour incriminer la personne qui fait face à un procès. Nous, les avocats, nous voyons des cas où le témoin refuse de déposer devant un tribunal parce qu’il a fabriqué sa déclaration ou que celle-ci est mensongère ou a été fait sous contrainte. Il y a des cas où, au moment de déposer devant une Cour, le témoin réalise le mal qu’il est en train de faire et les préjudices qu’il est en train de causer à la personne qui fait l’objet de poursuites au pénal et aux membres de sa famille. Il a des remords, soit il dépose en disant la vérité, soit il refuse de témoigner. Et que risque une personne qui refuse de témoigner ? Et quelles en sont les conséquences pour le procès ? Il existe des exceptions. Par exemple, un témoin ne peut témoigner contre son conjoint ou s’incriminer lui-même. Il faut préciser qu’un témoin est obligé de témoigner lorsqu’il est convoqué par une cour. Ainsi, en refusant, il risque de commettre un outrage et encourt d’une peine d’emprisonnement. Que dit notre législation sur l’intimidation d’un témoin ? Comme le DPP l’a souligné, dans sa Newsletter, une personne qui intimide ou menace un témoin encourt une peine maximale de cinq ans de prison et d’une amende ne dépassant pas Rs 100 000. Si un individu est en liberté conditionnelle pour un procès et qu’il interfère avec un témoin, il pourrait être maintenu en détention policière jusqu’à la détermination de son procès. Par ailleurs, la caution qu’il a fournie pour retrouver la liberté provisoire est placée dans la caisse de l’État qui l’a récupérée parce qu’il a enfreint un délit tout en étant en liberté provisoire. Quels sont les manquements dans notre système ? Que cela concerne l’accusé, la victime ou un témoin, notre système est obsolète et nécessite d’être renforcé complètement. Il y a beaucoup de failles dans notre système qu’il en faudra des pages entières pour les citer toutes. Les avocats privés et ceux qui travaillent pour l’État sont d’accord que nous avons besoin de revoir notre système de contre-interrogatoire d’un témoin et notre système de justice pénale. Le plus tôt sera le mieux. Cela nécessitera également un vaste débat et de consultation, mais il y a urgence. Par exemple, la charge provisoire, la liberté provisoire, la détention prolongée l’indemnisation des victimes, la protection des témoins, certaines lois archaïques, tous doivent être revus.
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