Plus de six ans après les attentats jihadistes du 13 novembre 2015, les pires jamais commis en France, la cour d'assises spéciale de Paris a condamné mercredi soir Salah Abdeslam, le seul membre encore en vie de commandos qui ont fait 130 morts, à la perpétuité incompressible, la peine la plus lourde du code pénal.
Des commandos islamistes avaient ouvert le feu sur des terrasses de café et de restaurants, attaqué la salle de spectacles du Bataclan pendant un concert et trois kamikazes s'étaient fait exploser aux abords du Stade de France pendant une rencontre de football opposant la France et l'Allemagne.
L'Etat islamique avait revendiqué ces attaques.
Mercredi, les cinq magistrats professionnels ont suivi les réquisitions du ministère public, qui avait demandé cette sanction rarissime à l'encontre du seul accusé du box jugé comme co-auteur des attaques de Paris et Saint-Denis, près de la capitale, qui ont "épouvanté et "sidéré" la France.
La perpétuité incompressible, également appelée "perpétuité réelle", rend infime la possibilité pour celui qui y est condamné d'obtenir une libération. Elle n'avait jusque-là été prononcée qu'à quatre reprises.
Salah Abdeslam, en polo kaki dans le box, est resté impassible à l'énoncé du verdict, rendu au terme de 148 jours d'audience, ce qui en fait le plus long procès de l'histoire judiciaire française.
Ses avocats, Mes Olivia Ronen et Martin Vettes, avaient plaidé vendredi contre cette perpétuité incompressible, une "peine de mort lente".
"Je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur", avait soutenu Le Français de 32 ans dans ses derniers mots à la cour lundi matin, réitérant ses excuses "sincères" aux victimes.
La cour a considéré que son gilet explosif était "défectueux", remettant "sérieusement en cause" les déclarations de l'intéressé sur son "renoncement".
"Se reconstruire en groupe"
Dans la salle d'audience spécialement construite pour ce procès, et qui n'avait jamais connu une telle affluence, seuls des murmures ont accueilli la condamnation du principal accusé à cette peine extrêmement rare.
De nombreuses parties civiles, qui s'étaient serrées sur les bancs de bois clair, se sont étreintes après le verdict. D'autres avaient les larmes aux yeux.
"Le chemin face à cette horreur a été de se reconstruire en groupe, et pas individuellement. On avait besoin de se serrer les coudes et d'entendre ce que la justice avait à nous dire après six ans et demi", a réagi Arthur Dénouveaux, président de l'association de victimes Life for Paris et rescapé du Bataclan.
Les magistrats professionnels ont condamné les 19 coaccusés de Salah Abdeslam, écartant la qualification terroriste pour un seul d'entre eux, Farid Kharkhach.
Mohamed Abrini, l'"homme au chapeau" des attaques de Bruxelles, qui était également "prévu" dans les commandos du 13-Novembre, a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de vingt-deux années.
Le Suédois Osama Krayem, le Tunisien Sofien Ayari et le Belgo-marocain Mohamed Bakkali ont été condamnés à trente ans de réclusion assortis d'une sûreté des deux tiers.
Le Pakistanais Muhammad Usman et l'Algérien Adel Haddadi, les deux "opérationnels contrariés" qui auraient dû faire partie des commandos selon l'accusation, mais qui ont été bloqués sur la route du retour de Syrie, ont écopé chacun de 18 ans de réclusion.
Plus de 2.600 parties civiles
Les trois accusés qui comparaissaient libres ont été condamnés à des peines d'emprisonnement assorties du sursis et ne retourneront pas en prison.
Les peines prononcées vont de deux ans d'emprisonnement à la perpétuité.
"Les peines sont assez lourdes. Ils ne sortiront pas tout de suite de prison. On va savourer, je ressens beaucoup de soulagement. 10 mois de procès, ça aide à se reconstruire. C'est fini, ça va faire un vide", a commenté Sophie, une rescapée du Bataclan à la sortie de la salle d'audience, les larmes aux yeux.
Six accusés étaient jugés en leur absence, dont cinq hauts cadres de l'Etat islamique, présumés morts, parmi lesquels le commanditaire présumé des attentats, le Belge Oussama Atar.
L'ancien président François Hollande, qui était en poste au moment des attentats, a salué la fin du procès "exceptionnel" et "exemplaire".
"Les coupables ont été jugés dans le respect du Droit. La France a fait valoir que notre démocratie peut être ferme sans remettre en cause ses règles et ses principes", a estimé l'ancien chef de l'Etat, qui avait témoigné à la barre de la cour d'assises spéciale de Paris en novembre dernier.
Six ans après une nuit de terreur qui a traumatisé la France et après un procès-fleuve marqué par les récits glaçants des rescapés ou proches à la barre - sur plus de 2.600 parties civiles - les avocats de la défense avaient mis la cour en garde contre la tentation d'une "justice d'exception" guidée par l'émotion.
Du commando de dix terroristes kamikazes du 13 novembre 2015, seul Salah Abdeslam est encore en vie. Les neuf autres sont morts, tués soit en déclenchant leurs ceintures explosives le soir de l'attaque, soit par les tirs des forces de l'ordre.
AFP
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