Interview

Preetee Jhamna Ramdin: « Il prendra du temps avant de rallier nos petites entreprises et l’Afrique »

Plus que jamais, Maurice se doit d’être au premier rang des partenaires commerciaux sur le continent. Dans l’interview qui suit, Preetee Jhamna Ramdin, responsable des Finances et du volet sur l’investissement sur l’Afrique du Groupe Swan, survole les réalités du continent voisin, mais surtout les opportunités d’affaires qu’il y existe.

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« L’Afrique est la région du monde où l’accès aux télécoms se développe le plus. »

L’investissement et les campagnes promotionnelles en Afrique sont absentes du Budget 2016-2017. Comment l’expliquez-vous ?
L’Afrique n’est pas nommément citée, mais le continent fait partie des stratégies d’investissement extérieures du gouvernement mauricien, notamment à travers l’enveloppe promotionnelle destinée à l’air corridor. Cela dit, il ne doit pas être du ressort de l’État de rechercher des opportunités d’affaires et de développer des partenariats en Afrique, c’est au secteur de le faire. Le gouvernement intervient au niveau des relations macroéconomiques. Nous devons exploiter notamment notre avantage du bilinguisme et nos coûts concurrentiels, nos liens historiques avec certains pays africains pour établir ces partenariats.

Par comparaison à quels pays, nos coûts sont-ils concurrentiels ?
Je peux citer en exemple l’Afrique du Sud.

L’Afrique est-il, dans les faits, ce continent vraiment de toutes les promesses ?
Absolument, à condition d’y aller aujourd’hui et de créer des partenariats sur les court et long termes. Il ne suffit pas de se fonder uniquement sur des études réalisées sur certains pays où l’on souhaite investir, il faut aussi aller sur place pour se rendre compte de leurs réalités. Il faut identifier les partenaires locaux, établir des liens avec les hommes/femmes d’affaires engagés dans les activités qui sont viables. Lorsque les projets sont réalisés en partenariat local, leurs chances de réussite sont supérieures que lorsqu’ils sont menés individuellement. Il faut aussi, à ce niveau, la participation des gouvernements, notamment pour la signature des accords bilatéraux et l’établissement des cadres juridiques. Quant à la croissance en Afrique, elle n’est pas une chose abstraite, évidemment, elle varie d’un pays à l’autre, mais il suffit de se rappeler que le taux de croissance du continent africain est plus attrayant.

Faut-il plus de vols vers l’Afrique afin d’être davantage présent en Afrique ?
Oui, les nouveaux vols sur Maputo et Dar-es-Salaam vont dans la bonne direction. Dans l’immédiat, des vols quotidiens sur ces destinations précises ne sont pas nécessaires, mais il faut revoir la fréquence et les destinations desservies.

Est-ce que les perspectives de croissance sont-elles égales partout en Afrique ?
Non, elles varient d’un pays à l’autre, le continent africain n’est pas un bloc monolithique. Mais, de manière générale, ce sont des populations qui ont besoin de s’éduquer, d’un meilleur service de santé et qui aspirent à vivre mieux. Il leur faut des services. Puis, il y a une résurgence de la classe moyenne qui attire des investisseurs. Lorsqu’on voit Shoprite s’exporter en Afrique, cela signifie qu’on veuille répliquer ce modèle hors de l’Afrique du Sud. Puis, il ne faut pas oublier que l’Afrique a une population nombreuse et jeune et ce continent est en pleine transition démographique – en particulier grâce à un meilleur accès aux soins et une réduction importante de la mortalité infantile.

Il existe quand même la crainte de l’abandon des terres vers une vie urbaine, qui n’offre pas des conditions de vie idéales…
Je ne crois pas que cette crainte est fondée. L’exploitation de la terre sert de transition dans le processus de développement des bases économiques élargies. La terre sert toujours de moteur primaire de développement, mais l’Afrique a besoin de basculer dans le secteur manufacturier.

L’année dernière, le Budget mettait l’accent sur les perspectives qu’offre l’Afrique pour les PME mauriciennes. Mais le marché africain ne semble toujours pas réussir à celles-ci. Pourquoi ?
Que ce soit pour les PME ou dans notre propre activité, il faut prendre en considération les besoins des pays ciblés. Au niveau des PME, il prendra du temps avant que la Smeda arrive à rallier nos petites entreprises et l’Afrique. Il faudrait revoir le mode opératoire en Afrique, avec une stratégie qui s’articule sur deux pôles : d’abord en regroupant les PME, puis en s’appuyant sur des négociations d’État à État. Les opportunités sont énormes en Afrique : main-d’œuvre importante et surtout besoin et consommation suivant la courbe démographique. Mais, il faut se donner du temps pour connaître ce marché très contrasté et ses décideurs. Il faut tenir en ligne de compte certains faits qui tiennent à la colonisation, c’est-à-dire, la réalité culturelle et ethnique qui peut être exacerbée dans certains pays. Il faut respecter ces particularités à tous les niveaux.

Est-ce que les opérateurs mauriciens connaissent-ils ces réalités ?
À la Swan et chez certains gros opérateurs, on a appris à les appréhender, parce qu’il y a eu des expériences sur le terrain, l’identification des marchés, de leurs opérateurs. On s’est posé la question de l’innovation, de la définition de notre offre et comment l’ajuster en fonction des pays ciblés. On s’est posé des questions très pointues avant de définir notre stratégie en Afrique, en évaluant la faiblesse et la force de certains marchés visés. C’est un exercice qui prend beaucoup de temps et qui exige d’être sur place.

Avant de se lancer dans l’aventure, mieux vaut connaître les réalités locales. Il faut avoir une vision très claire et décomplexée du contexte africain. L’expertise locale n’est pas anodine, car chaque pays a ses spécifiés et à Maurice, nous ne sommes pas habitués à faire face à ce genre de choses. Mois, j’ai eu la chance d’avoir travaillé dans de nombreux pays africains, chacun avec ses réalités. Mais, il ne faut pas se voiler le visage : le taux de pénétration d’assurance-vie est faible en Afrique, la population n’en a pas les moyens, car elle a d’autres priorités. Mais en Afrique du Sud, l’activité de l’assurance-vie a un marché prometteur.

Est-ce que les opérateurs font-ils confiance aux Mauriciens ?
Oui, l’île Maurice est régulièrement citée en exemple pour son essor économique, en dépit de l’absence de ressources naturelles. Les bonnes notes que lui décernent les agences de notation sont également une référence. Sa stabilité politique, économique et sociale est également mise en exergue. Auparavant, l’île Maurice était perçue à travers les prismes de sa pluri-culturalité, jugée en fonction de ses communautés. Aujourd’hui, c’est le Mauricien qui passe avant sa communauté, il n’est plus typé.

Quelle est, selon vous, l’activité économique qui peut rapidement se développer durant les prochaines années ?
Elles sont nombreuses, parmi lesquelles, je placerai les moyens de communication par les smartphones en premier. Car, la téléphonie mobile est en phase directe avec tous les développements, notamment dans le processus d’urbanisation, et elle agit sur elles de manière très dynamique. S’il est un domaine où l’Afrique n’a pas un retard aussi prononcé que dans d’autres, c’est celui des télécommunications. Ce secteur a fait l’objet de nombreux investissements publics ou privés, avec pour résultat que l’Afrique est la région du monde où l’accès aux télécoms se développe le plus. On comprend, dès lors, que tout le monde, que ce soit Huawei ou Coca, veut être présent en Afrique.

 

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