Interview

Pramode Jaddoo: «Il n’y a pas de partage équitable du gâteau national»

L’économiste, Pramode Jaddoo
Il est impératif de tout mettre en œuvre pour que Maurice réalise une croissance de 4 % voire 4,5 % en 2017 et 2018, estime Pramode Jaddoo. L’économiste recommande aussi que le Repo Rate soit maintenu à 4,4 % jusqu’à 2017. Dans son dernier rapport, la Banque mondiale tire la sonnette d’alarme sur la distribution inégale des fruits de la croissance à Maurice. Qu’en est-il vraiment ? Cela fait des années qu’il y a une distribution inégale de la richesse. Nous voyons d’un côté un petit groupe qui s’enrichit rapidement alors que la grande majorité des Mauriciens a du mal à grimper l’échelle salariale. Il n’y a donc pas de partage équitable du gâteau national. Ce qui ne fait qu’accentuer l’écart entre les riches et les pauvres. Il est important de souligner que les pauvres se trouvent dans toutes les régions de l’île, urbaine comme rurale, et viennent de toutes les communautés et non de certains groupes sociaux seulement.Il faut donc des mesures pour diminuer l’écart entre les riches et les pauvres. Des efforts forts louables ont été faits en ce sens, mais ce n’est pas suffisant.
La Banque mondiale note également une disparité flagrante entre les salaires de la Fonction publique qui ont grimpé de 23,5 % contre seulement un taux de 7 % dans le privé. Comment expliquez-vous un tel écart ? Dans la Fonction publique, il y a le rapport PRB. Ce qui fait que les fonctionnaires grimpent plus rapidement l’échelle salariale. Dans le privé, par contre, il y a  différents systèmes. Il y a des entreprises qui paient largement leurs employés alors que d’autres, de par leur taille, leur capacité de payer et leur organisation, ne peuvent augmenter énormément les salaires. Il est donc frustrant pour les travailleurs du privé de voir des gens qui assument les mêmes responsabilités qu’eux toucher plus d’argent  dans le secteur public.
[blockquote]« L’inflation est un danger permanent. Actuellement, les légumes pèsent lourd dans le panier de la ménagère »[/blockquote]
Plusieurs institutions ont livré en ce début d’année leurs prévisions sur la croissance attendue à Maurice en 2016. Il sera de 3,8 %, selon la Banque de Maurice et  MCB Focus et de l’ordre de 3,9 % d’après Statistics Mauritius. Vos commentaires ? Il y a  un consensus que le taux de croissance doit être plus élevé. Il l’aurait certainement été s’il n’y avait pas ce temps de réflexion de la part du secteur privé en termes d’investissement et de création d’emplois quand il y a eu le changement de régime et la politique de redressement, qui s’en est suivi avec la fermeture des entreprises BAI dans le sillage. Il faudra donc s’attendre à un taux variant entre 3,5 % et 3,9 % en 2016. Ce qui est assez raisonnable étant donné le contexte au niveau local, mais aussi au niveau mondial. N’oublions pas que l’Europe n’est toujours pas sortie d’affaires et que la Chine a des difficultés économiques. Il faudra, toutefois, que l’économie mauricienne rattrape le retard encouru pour que nous puissions atteindre une croissance raisonnable de 4 % voire 4,5 % en 2017 et 2018. Pour cela, il faudra mettre au plus vite sur les rails les nouveaux secteurs productifs annoncés par le gouvernement. Il faudra aussi accélérer la collaboration public/privé. L’heure est à l’union et non à la rivalité. La Banque de Maurice a laissé la semaine dernière le taux directeur inchangé à 4,4 %. Vous étiez également pour le statu quo… En effet, parce que nous avons toujours un problème d’excès de liquidités. Une hausse ou une baisse du taux directeur allait affecter les opérations économiques. Le comité de politique monétaire a donc pris une sage décision en optant pour le maintien du Repo Rate. Il faudrait que ce statu quo dure jusqu’à  2017, quand l’économie serait sur la voie de la relance et que l’investissement aurait refait surface. Y a-t-il des risques que l’inflation grimpe cette année ? L’inflation est un danger permanent. Des augmentations des prix, des baisses au niveau de la production mondiale, des pénuries causées par des catastrophes naturelles ou encore des changements au niveau des cours de devises peuvent causer des surprises.Actuellement, les légumes pèsent lourd dans le panier de la ménagère. Il faudrait sérieusement songer à diversifier nos sources d’importations ou encourager massivement la production locale des produits agricoles et non agricoles.
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