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Pour Facebook, la publication d'un mémo interne tombe particulièrement mal

La publication d'un mémo interne sur les objectifs et les méthodes de croissance de Facebook arrive particulièrement mal pour le réseau social qui se débat déjà dans l'affaire Cambridge Analytica. Rédigé par un cadre dirigeant, Andrew Bosworth, surnommé "Boz" par ses collègues, le mémo s'interroge de manière très directe sur la finalité et les conséquences des efforts mis en œuvre par le réseau social pour connecter le plus d'utilisateurs possibles. Révélé par le magazine internet Buzzfeed, il a vite été répudié et par son auteur et par les responsables du groupe.

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"Il est possible que cela coûte des vies en exposant les personnes au harcèlement", s'interroge notamment le "Boz Memo" rédigé en 2016. "Il est possible aussi que quelqu'un meure dans une attaque terroriste coordonnée à travers nos outils", souligne encore le texte. Andrew Bosworth et le patron de Facebook Mark Zuckerberg affirment aujourd'hui que le texte n'était qu'un moyen de provoquer le débat au sein du réseau social. Mais les retombées sont assez négatives alors que la réputation du groupe est déjà mise à mal par l'exploitation à des fins politiques des données des utilisateurs par Cambridge Analytica.

David Carroll, professeur de médias à la New School Parsons, s'est indigné dans un tweet que le mémo traduit "une attitude arrogante éhontée" de la part de Facebook. "Ce qui est incroyable est que les dirigeants ont osé avoir cette conversation sur leur mur Facebook", s'indigne Jennifer Grygiel, professeur à l'université de Syracuse et qui étudie les réseaux sociaux.

"Il a fait preuve d'un manque de jugement et de talent de communicateur et cela en dit long sur la culture de Facebook", ajoute-t-elle en évoquant l'auteur du mémo. Selon elle, ce genre de débat demande "une discussion approfondie" et doit se tenir avec comme principe la protection des utilisateurs du réseau. "Quand ces groupes élaborent de nouveaux produits et services, leur tâche est d'évaluer les risques, pas seulement de les identifier, et d'assurer la sécurité du public", juge-t-elle.

Andrew Bosworth, considéré comme faisant partie du cercle des conseillers proches de Mark Zuckerberg, écrit notamment dans son mémo que "la triste vérité est que nous voulons tellement connecter les gens que tout ce qui nous permet de le faire plus souvent est de facto +bon+". Il a admis après la publication du texte qu'il ne souhaitait que susciter le débat. "Je ne suis pas d'accord avec le texte aujourd'hui et je ne l'étais pas non plus quand je l'ai écrit", a-t-il même affirmé.

Mark Zuckerberg, pour sa part, a indiqué que lui-même et beaucoup d'autres à Facebook "désapprouvaient fortement" plusieurs des thèmes évoqués dans le mémo. Jim Malazita, professeur de science et de technologie à l'Institut polytechnique Rensselaer estime que le mémo n'est pas très surprenant dans un environnement où chacun travaille de son côté et qu'il place le débat dans un contexte où le fait de connecter les gens ne peut avoir que des aspects positifs. "Par là même, ils ferment déjà la porte à un bon nombre d'autres débats possibles", juge-t-il.

M. Malazita souligne que la plupart des diplômés en technologies informatiques considèrent que celles-ci sont par essence "bonnes", sans se soucier de leur aspect éthique. "Ce n'est pas qu'ils ne s'en préoccupent pas, mais même quand ils sont conscients de l'aspect social, il y a une limite à comment ils l'observent en pratique". Mais Joshua Benton, directeur du département de journalisme Nieman à l'université de Harvard, prévient qu'il est trop facile de faire porter au seul Facebook la mauvaise utilisation du réseau social.

"Je ne défends pas souvent Facebook mais ces techniques de communication doivent être développées même si certaines personnes les utilisent à des fins néfastes. On aurait pu dire la même chose du télégraphe, du téléphone de l'email, des SMS, de l'iPhone etc", rappelle-t-il. Patrick Lin, directeur pour les questions éthiques et les sciences nouvelles à l'institut polytechnique de l'université de Californie ne perçoit pas "de preuves que la culture de Facebook n'est pas éthique même si un responsable placé au bon endroit peut empoisonner tout le puits".

"Je pense que la plupart des employés de Facebook veulent faire le bien et sont de plus en plus gênés de la façon dont le produit final est élaboré", note-t-il. Des réponses au mémo publiées par le site internet The Verge montrent que de nombreux employés étaient choqués ou mécontents du "Boz Memo" mais que certains ont aussi défendu son auteur. Pour certains, Facebook pourrait aussi être la cible d'espions ou "d'agents perturbateurs" cherchant à mettre le groupe dans l'embarras.

GETTY/AFP/Archives/ JUSTIN SULLIVAN

 

 

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