Vivre dans l’incertitude. C’est le quotidien de nombreuses familles qui doivent endurer la souffrance psychologique causée par la disparition brutale d’un être cher. Même si les jours, les semaines ou les années passent, elles s’accrochent.
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À Ville-Noire, Mahébourg, chez la famille de Daneshree, 14 ans, portée manquante depuis le lundi 31 juillet, le temps s’est arrêté. Certes, la tristesse est palpable, les proches semblent à bout de force et les parents sont en pleurs, mais tous sont à l’affût du moindre coup de téléphone ou de la moindre visite. « Sak fwa nou tann tapaz nou leker bat for », confie le père de la jeune fille. Cette dernière, ainsi que son cousin Gavi Sunassee, 17 ans, ont disparu et malgré tous les efforts des proches et de la police, ils n’ont pas encore été retrouvés. Les proches des deux adolescents ne cessent de lancer des appels dans les médias et sur les réseaux sociaux pour leur demander de rentrer. « Mama kontan twa, vini mo pa kapav viv san twa. » Ces paroles de la mère de Daneshree ont ému plus d’un. La famille a aussi promis une récompense à tout informateur et les parents espèrent que très bientôt, ils pourront serrer Daneshree dans leurs bras.
L’espoir. C’est aussi le sentiment qui anime la famille Perne. Stephan Perne, 23 ans, est porté disparu depuis le 29 août 2016. Selon ses parents, il est de plus en plus difficile d’endurer cette absence mais ils ne veulent pas perdre espoir. Le jour de sa disparition, le jeune homme était parti à la boutique vers 16 heures et il n’est jamais rentré. Aujourd’hui encore, ils attendent de savoir ce qui s’est passé.
Ces familles unies dans la douleur comprennent aujourd’hui l’espoir qui anime la mère du petit Ackmez, qui ne veut pas baisser les bras. Ce dernier a disparu le 25 janvier 2003 à l’âge de 9 ans dans des circonstances troubles. Aujourd’hui encore, cette disparition n’a pas pu être élucidée même si l’enquête a été relancée à plusieurs reprises.
Selon le Police Press Office, 648 cas de dispartion ont été rapportés depuis le début de l’année. L’inspecteur Shiva Coothen explique, que dans la majorité des cas, les personnes sont retrouvées sous 48 heures : « Les cas les plus fréquents sont les fugues ou ceux de personnes âgées ou malades qui ont des difficultés à retrouver le chemin de leur domicile. »
Soulager les familles
Concernant les autres cas de disparition, souvent les proches qui sont concernés demandent par téléphone ce qu’il en est de l’enquête policière. « Certains passent le reste de leur vie à chercher des réponses. Il arrive aussi qu’ils soient confrontés à des obstacles juridiques et administratifs, par exemple pour demander une indemnité en raison des doutes qui persistent sur le sort de la personne portée manquante. » Dans tous les cas, assure Shiva Coothen, la police fait de son mieux pour retrouver les personnes portées manquantes et soulager les familles inquiètes.
Aider les familles affectées par la disparition d’un proche à gérer l’ambiguïté émotionnelle qui en résulte n’est pas une chose facile. Le psychologue Samcoomar Heeramun explique : « Peu importe le temps passé, les familles qui ne savent pas ce qui est arrivé à l’un des leurs et qui n’ont pas pu lui donner une sépulture digne, ne parviennent pas à se remettre psychologiquement de leur perte et à aller de l’avant. Certaines familles de disparus n’arrivent pas à tourner la page et finissent par s’isoler dans une profonde douleur. Cela nuit fortement à leur bien-être et à leur équilibre psychologique. » Pour ces familles, des questions persistent : ces personnes ont-elles disparu pour un jour, pour quelques jours, ou pour toujours ?
En Cas de disparition
Contacter la police pour venir en aide aux familles
L’inspecteur Shiva Coothen rappelle que la police travaille de concert avec les citoyens : « Il est difficile de mettre un policier à chaque coin de rue. C’est pour cette raison que nous comptons sur la collaboration du public pour nous aider dans notre tâche. Les photos des disparus sont souvent très médiatisées. Plus on réagit vite, plus on a des résultats concrets. » Il demande que toute information au sujet des personnes disparues soit communiquée aux numéros de téléphone suivants : 999, 208 00 34 ou 208 00 35. À savoir que vous pouvez aussi appeler au 148 (appel anonyme).
Samcoomar Heeramun, psychothérapeute : «Dur de s’en remettre psychologiquement»
Comment est-ce que la disparition d’un proche affecte-t-elle la famille ?
L’incertitude est le mal qui ronge le plus la famille des victimes. Cette incertitude est une source majeure de stress. Elle reste constante, tant que la famille qui ne sait pas ce qui est arrivé à l’un des siens n’est pas satisfaite des réponses obtenues. Elle ne parvient pas à se remettre psychologiquement de sa perte et à aller de l’avant. Et cela, peu importe le temps écoulé.
Bien sûr, il y a aussi un renferment social et émotionnel. Sans oublier le chagrin constant. Par moments, l’espoir refait surface, la famille concernée croyant qu’un jour elle reverra son disparu.
Quels sont les besoins propres aux familles de personnes qui ont disparu ?
Les besoins sont multiples et liés entre eux. Le premier besoin qu’elles expriment est de connaître le sort de leurs proches. C’est une question qui obsède et qui génère une angoisse profonde et continue. Et le besoin de répondre à cet état d’incertitude est crucial.
Parfois, tous les espoirs envolés, elles espèrent au moins retrouver le corps de la victime pour pouvoir mettre des mots sur leur souffrance. Leur souffrance ne se dissipe pas au fur et à mesure que les années passent. À la moindre occasion, cette souffrance reste prête à resurgir. Et cela arrive, car le processus de deuil n’a pas pu se dérouler.
Comment aider les familles des victimes ?
Il est difficile de traiter les problèmes psychologiques et sociaux que rencontrent les familles, avant même qu’elles n’aient obtenu des réponses à leurs questions. Toutefois, le soutien familial, le contact avec d’autres familles dans la même situation peut aider à surmonter cette tragédie.
Perdus en mer : comment faire le deuil ?
La mer continue d’engloutir les hommes et de briser des familles. De nombreux cas sont rapportés tous les ans. Dans la plupart des cas, si les victimes ne sont pas retrouvées saines et sauves, les unités spéciales de la force policière font de leur mieux pour retrouver les cadavres. Certains corps ne sont, hélas, pas retrouvés. Les familles concernées gardent longtemps espoir de revoir leur proche dans les jours qui suivent. Puis, le temps passe, les semaines et les mois s’envolent et elles réalisent qu’il vaut mieux se résigner. Chose qui n’est pas facile. De nombreuses familles ont du mal à faire le deuil sans la dépouille du défunt. De plus, les procédures administratives et légales sont longues.
La famille Auguste en sait quelque chose. Un des siens a disparu le 28 décembre 2010 lors d’une partie de pêche avec deux amis à Pointe-aux-sables. Ce n’est que sept ans plus tard qu’il a été déclaré légalement mort. Après plusieurs mois d’attente et de recherches qui sont restées vaines, l’épouse du disparu a fait une demande pour qu’il soit reconnu mort. Ainsi, la Cour suprême a accédé à sa demande selon les dispositions du Code Civil et les recommandations du ministère public.
À noter que cette procédure est souvent réclamée par les époux et les enfants qui sont souvent confrontés à de nombreux obstacles administratifs tant que le disparu n’a pas été juridiquement déclaré mort. Pour les parents dont les enfants disparaissent, c’est souvent difficile de faire cette demande. La perte d’un enfant reste une douleur trop profonde.
Olesya Pydannah, tarologue : «Je peux aider à retrouver les disparus»
Olesya Pydannah a le don de venir en aide aux familles et aux policiers pour retrouver les disparus. C’est du moins ce qu’elle affirme. Sur sa page Facebook Voyance et Tarologie avec Olesya, elle fait des prédictions quotidiennes et répond aux questions des internautes.
Dans son bureau, à La Marie, où nous l’avons rencontrée, elle explique qu’elle peut aider à situer les personnes qui ont disparu : « J’ai des cartes spéciales, ainsi que d’autres outils. Cela me permet de dire tout d’abord si la personne est toujours en vie. Puis, je commence mes recherches en disant dans quelle partie de l’île se trouve la personne disparue. C’est grâce aux proches que je peux par la suite donner des informations précises en leur posant des questions sur des lieux précis. À ceux qui viennent me voir, je conseille d’apporter des photos. »
La tarologue affirme qu’elle a déjà aidé quelques policiers dans le passé mais ne divulguera pas plus d’informations qu’elle considère confidentielles.
Témoignage
Sheila (prénom modifié), 16 ans : «Pourquoi j’ai fugué»
Elle a déjà été portée manquante l’année dernière. Cette jeune adolescente dont la photo a fait le tour des réseaux sociaux explique pourquoi elle a fugué. « Je n’arrivais pas à m’exprimer à la maison et je voulais que mes parents soient plus présents. J’ai même pensé qu’ils ne m’aimaient pas mais quand j’ai fugué j’ai réalisé que j’avais eu tort. J’ai un peu honte car ma photo a fait le tour des réseaux sociaux et c’est difficile de faire face aux remarques ».
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