Economie

Pilier économique: l’immobilier perd-il son attrait ?

Alors que les Smart Cities ont dominé l’actualité pendant des mois, voilà qu’on entend d’abord le président du Board of Investment (BoI), et ensuite le Premier ministre dire que l’immobilier n’est pas une priorité. Sir Anerood Jugnauth soutient que le pays ne peut se contenter des projets immobiliers pour assurer la croissance alors que Gérard Sanspeur veut promouvoir plutôt le manufacturier et l’informatique. Le redécollage économique et le « miracle économique » promis reposaient essentiellement sur le développement des Smart cities. Ces villes futuristiques étaient présentées comme la solution à tous nos problèmes, à tel point que le peuple commençait à s’y habituer. Le Budget de l’année dernière a fait la part belle aux Smart cities, sous le thème « Maurice : un vaste chantier de développement. » En effet, 13 méga-projets furent annoncés à travers le pays, nécessitant 7 000 arpents et des investissements de l’ordre de Rs 120 milliards et avec un potentiel de création d’emploi pour des milliers de personnes.

Types d’emploi

Bien que la création des milliers d’emplois par les Smart cities fût annoncée à plusieurs reprises, on n’a jamais expliqué quels types d’emplois allaient être créés. Gérard Sanspeur, Chairman du BoI et récemment nommé comme Special Adviser, se demande ce qui se passera une fois les bâtiments construits. Il prône plutôt la promotion des secteurs productifs, à l’instar du manufacturier et la technologie informatique, tout en encourageant des projets à haute valeur ajoutée. Le Premier ministre a, quant à lui, affirmé que « l’immobilier est un développement trop facile pour en faire que des profits. Je ne le considère pas comme du développement réel. » Il s’adressait à la presse après une rencontre avec le gratin du secteur privé, dans le cadre des consultations prébudgétaires. Il a exhorté le secteur privé à se concentrer sur des activités productives qui généreront une valeur ajoutée plus élevée et créer de la richesse nationale.

La spéculation

Le développement foncier encourage la spéculation et fait monter le prix des terrains et maisons. Les terrains situant dans les parages de grands projets luxueux, à l’instar des projets Real Estate Scheme ou Property Development Scheme, connaissent une flambée de prix. De la même façon, les terrains situés dans les alentours des futurs Smart cities sont pris d’assaut par des investisseurs et autres particuliers, dans l’espoir de les revendre à plus cher par la suite. La spéculation décourage l’utilisation des terres à des fins agricoles et contribue à l’abandon de ces terres. Cela a un impact sur la production vivrière et les prix des commodités.

La concurrence

Les petits entrepreneurs et contracteurs du secteur du bâtiment attendent l’ouverture de grands chantiers pour pouvoir bénéficier des sous contrats. Le secteur de la construction a affiché une certaine morosité pendant ces dernières années et les acteurs du secteur attendent impatiemment la relance. Des petits entrepreneurs déplorent, cependant, que des contracteurs étrangers, posant comme des ‘investisseurs’ aient pu obtenir des permis de résidence chez nous pour exploiter le marché local. Ces contracteurs étrangers raflent des opportunités locales, privant ainsi nos petits contracteurs de leur gagne-pain. Pire, le travail de certains pseudo-investisseurs étrangers laisse à désirer et ils ne payent pas les sous-contractants comme il se doit. Nous y reviendrons.

Dettes

Selon le dernier relevé de la Banque de Maurice sur le niveau d’endettement des principaux secteurs économiques, le secteur de la construction était endetté, au 29 février 2016, à hauteur de Rs 85,9 milliards. Cela représente un peu plus de 25 % du crédit total alloué par les institutions financières au secteur privé.

Arvind Nilmadhub: « l’immobilier fait vivre d’autres secteurs »

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"15823","attributes":{"class":"media-image alignright size-full wp-image-26657","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"300","height":"300","alt":"Arvind Nilmadhub"}}]]L’économiste Arvind Nilmadhub estime que le secteur immobilier a son importance dans l’économie mauricienne. Ce secteur fait vivre d’autres secteurs, selon lui. « Il ne faut pas oublier que le secteur de la construction ne comprend pas que la construction des bâtiments. Il y a aussi divers services associés à l’immobilier et qui donnent du travail à des professionnels également. Je pense, ici, aux architectes, ingénieurs, électriciens, plombiers, décorateurs, ébénistes, charpentiers, arpenteurs, notaires, paysagistes, quincailleries, transporteurs, agents immobiliers, ateliers d’assemblage aluminium, etc. Le gouvernement y trouve son compte à travers les taxes, le ‘Registration Duty’ et, bien sûr, la TVA qui est appliquée lors des transactions. Dans le cas des projets destinés à une clientèle étrangère, notamment les Real Estate Scheme ou Property Development Scheme, les résidents étrangers chez nous créent des emplois pour d’autres catégories de personnes, qui n’auraient pu être absorbées par le secteur des services, la technologie informatique ou le manufacturier. Beaucoup de ces acquéreurs étrangers ne résident pas en permanence chez nous, mais font le va-et-vient régulièrement, contribuant ainsi indirectement à d’autres activités économiques. Le secteur immobilier aide aussi à rehausser l’image du pays à travers ses projets de grande envergure, ses bâtiments intelligents et ses villas de luxe. Mais il faut aussi songer à d’autres choses importantes, comme la fourniture d’eau potable et d’énergie pour faire face à la demande croissante engendrée par ce secteur. Il faut aussi une meilleure planification de l’urbanisme pour éviter des problèmes comme les inondations et promouvoir le bon voisinage. L’immobilier ne se limite pas à la construction de bâtiments. Il y a tant de choses à considérer et revoir. Cela dit, je suis d’accord que notre secteur de l’immobilier est trop voué à la clientèle étrangère, alors qu’on aurait pu venir de l’avant avec des plans de développement immobilier plus adaptés à la clientèle locale. » Pour notre économiste, c’est l’absence des véhicules d’investissements qui encourage la spéculation. « Les Mauriciens considèrent l’immobilier comme un investissement sûr et durable. Or, il faut encourager les gens à investir dans les alternatifs, comme à la Bourse par exemple, à travers la création des Investment Clubs à tous les niveaux : collèges, lieu du travail, etc. Il faut simplifier les procédures et démocratiser l’accès tout en promouvant le ‘financial literacy’. En parallèle, nous devons mettre plus d’efforts sur les secteurs productifs », explique Arvind Nilmadhub.

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Prithviraj Fowdur, économiste et ancien haut cadre du secteur public, se dit d’accord avec l’argument du Premier ministre qu’il ne faut pas dépendre que du secteur immobilier. « Certes, le secteur immobilier a son importance dans la mesure où nous avons besoin des infrastructures nécessaires pour favoriser d’autres secteurs. Mais l’immobilier ne doit pas devenir un secteur en lui-même où l’emphase est mise sur le ‘quick gains’, encourageant dans le sillage la spéculation, mais aussi un urbanisme mal planifié qui ne répond pas nécessairement aux besoins et aspirations du pays. C’est dans le secteur des services qu’on pourra créer davantage d’emplois durables, mais aussi des opportunités d’entrepreneuriat. Il faut se concentrer, par exemple, sur le secteur éducatif, la formation et le manufacturier », propose Prithviraj Fowdur. [row custom_class=""][/row]

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« L’immobilier est un secteur comme les autres et fait vivre beaucoup de personnes. Il y a de grands et petits développeurs, de grands et petits contracteurs tout comme il y a de grands et petits agents immobiliers. Si le secteur génère de* gros profits, cela ne bénéficie pas forcément à tout le monde dans le secteur. C’est bien qu’on concentre davantage sur d’autres secteurs productifs, mais il ne faut pas pour autant tuer le secteur immobilier, un secteur qui a pris des années à arriver là où il est et est générateur d’emplois à tous les niveaux », explique Ameerah Jameer de l’agence Think Property.

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Vidur Ramdin, haut cadre du secteur éducatif, prône un ‘Disaster Management’ efficace dans le développement du secteur immobilier à Maurice. « Il faut repenser l’immobilier. L’immobilier, ce n’est pas seulement des bâtiments, mais aussi tout un système inclusif bien planifié qui comprend le transport, la distribution d’eau, le tout-à-l’égout et l’énergie, voire le mode de vie quotidien des Mauriciens. Nous avons fait l’expérience des inondations. Ces événements nous forcent à mieux planifier l’urbanisme. Dans le cadre des Smart cities, il est primordial de considérer la topographie des lieux et aussi la vulnérabilité de l’environnement immédiat. Il faut identifier les risques et voir comment les mitiger. »
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