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Pierres précieuses : les ruses de la contrebande du diamant à Maurice

Le commerce du diamant et des pierres semi-précieuses a sa face cachée, comme tout autre business.  Cette industrie a, elle aussi, un commerce parallèle avec ses faux diamantaires, ses escrocs, ses contrebandiers. Des trafiquants opèrent dans l’ombre et échappent aux autorités régulatrices. Pleins feux cette industrie qui génère des revenus considérables. 

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Quelques bijoutiers laissent entendre « qu’il y a un trafic de diamants à Maurice ». Les pierres faisant l’objet de ce trafic « proviennent principalement d’Inde, de Dubayy et d’Afrique du Sud ». Selon eux, les trafiquants emploient diverses astuces pour introduire ces pierres dans le pays. La dernière ruse pour dissimuler les pierres non-déclarées, font-ils ressortir, est  l’utilisation des boules de gomme (chewing-gums) déjà mâchés. C’est ainsi que le diamant, qui est introduit dans le chewing-gum, reste dans la bouche du passeur... Les contrebandiers, disent-ils, passent à travers les filets des douanes. à Maurice, « le manque de scanneurs spécialisés dans le port et à l’aéroport » joue en faveur des trafiquants impliqués dans le trafic de ces pierres précieuses.

Dans les années 90, poursuivent-ils, les trafiquants incrustaient les pierres précieuses dans leurs ceintures. Soumis au détecteur de métaux de la douane, ils n’étaient nullement inquiétés, car les pierres dissimulées dans les ceintures n’étaient pas visibles, même à travers les scanneurs à rayons X à l’aéroport. D’autres ruses ont également été exploitées. Certains trafiquants faisaient sertir leurs bijoux des pierres qu’ils portaient autour du poignet et au cou.

Un représentant de l’industrie du diamant basé dans les hautes Plaines-Wilhems concède également qu’il existe bel et bien un trafic de diamants dans le pays. Notre interlocuteur avance même qu’il y a « un blanchiment de pierres sales à Maurice ». Selon notre interlocuteur, cela se ferait en exploitant les diamants déjà raffinés, « étant donné que le certificat de Kimberley régularise uniquement la commercialisation de diamants bruts ». Mais ces pierres proviennent-elles de pays en guerre et sont-elles blanchies à travers de faux papiers ?

«On peut mettre des diamants dans une poche, dans une feuille de papier, ou encore dans des paquets de cigarette et partir avec sans être inquiété.»

« C’est un fait. Des pierres, originaires de tous les gisements du monde, atterrissent à Maurice. Si certaines pierres sont importées alors qu’elles sont déjà raffinées, il y a des diamants qui entrent à Maurice à l’état brut. Et sans aucun certificat de Kimberley, attestant le lieu d’origine de la pierre, entre autres. Une fois à Maurice, les diamants bruts sont expertisés, puis raffinés au noir », explique l’expert en pierres précieuses, spécialisé dans les diamants.

Selon notre interlocuteur, les pierres couramment importées dans le pays sont des diamants transparents (diamants blancs) en raison de leur éclat et de leur pureté. « On peut mettre des diamants dans une poche, dans une feuille de papier, ou encore dans des paquets de cigarette et partir avec sans être inquiété. Aucun scanneur ne pourrait détecter les pierres, car elles sont faites en carbone. L’or, qui est un métal, a tendance à déclencher l’alarme, mais pas les diamants ! » dit-il.

L’Assay Office balaie toute les spéculations entourant un trafic de diamants sur le sol mauricien. « Aucun cas suspect concernant un éventuel commerce de diamant n’a été répertorié à ce jour », dit-on. L’organisme souligne toutefois qu’en vertu de la Jewellery Act de 2007, tout diamant raffiné peut être commercialisé sans certificat d’authenticité, à savoir le certificat de Kimberley, dont Maurice est signataire depuis 2003.

En dix ans 5 585 carats de diamants importés pour être taillés et raffinés

Diamants et autres pierres précieuses sont expertisés, puis raffinés au noir à Maurice, affirment des orfèvres et des commerçants engagés dans ce secteur. Ces activités illicites, qui dominent un marché parallèle des pierres semi-précieuses, échappent au contrôle des régulateurs et des autorités douanières, affirment bijoutiers et contrebandiers. L’Assay Office rejette toutes ces allégations. « Aucun cas suspect concernant un éventuel commerce de diamant n’a été répertorié à ce jour », affirme l’organisme.

Le budget 2016/2017 fait mention de la mise sur pied d’une plate-forme favorisant la transaction du diamant et autres pierres précieuses entrant dans le pays. Il est à noter que la mesure budgétaire n’a pas encore été appliquée.

Maurice a importé, au cours de ces 10 dernières années, 5 585 carats de diamants pour être taillés et raffinés. Alors que l’exportation de ces pierres rares se chiffre à 5 069 carats pour la même période. Selon la douane, les diamants traités à Maurice proviennent principalement d’Afrique du Sud, d’Inde, de Dubayy et d’Amérique. Une fois taillées, les pierres sont envoyées vers leurs expéditeurs  en Belgique, Angleterre et ailleurs pour être écoulées sur le marché étranger.

Nadeem Jannoo, le porte-parole de l’association des bijoutiers, avance que le marché du diamant a « chuté » ces cinq dernières années. Cela, dit-il, en raison de l’érosion  du pouvoir d’achat des consommateurs. Les Mauriciens ne dépensent plus trois mois de salaires pour acheter des bijoux sertis de diamants. Ils sont poussés vers l’or, dit-il, en raison de son prix plus abordable. « Il fut un temps où le marché du diamant était florissant. Mais tel n’est plus le cas depuis pas mal de temps. Les pierres les plus prisées étaient les diamants blancs, en raison de leur pureté et de leur couleur », laisse entendre le bijoutier, qui se dit également expert en gemmologie. Selon notre interlocuteur, la plupart des diamants mis sur le marché local sont en provenance d’Inde, d’Afrique du sud, « de certains pays africains » et d’Israël.

« Outre les importateurs officiels de diamants, le pays compte deux usines de polissage et une centaine de bijouteries. Il y a également des diamond dealers, originaires de l’étranger, qui commercialisent des pierres par carat, en tenant compte de leur qualité, sur le sol mauricien. Ces derniers sont principalement originaires d’Inde, soit de la région de Surat, et de la Thaïlande, entre autres », laisse entendre le porte-parole de l’association des bijoutiers. L’Inde, rappelons-le, possède les plus grandes raffineries et tables de tri de diamants au monde. Les pierres taillées en Inde peuvent facilement fournir le marché mondial du diamant à hauteur de 50 %.

Une Bourse du diamant réclamée

Edley Chimon est polisseur de diamants. Ses pierres, dit-il, proviennent principalement de Belgique, d’Afrique du Sud et d’Amérique. Son usine se situe à Floréal. Les diamants qu’il raffine sont destinés uniquement au marché étranger. Il est d’avis qu’une « Bourse du diamant » devrait être instituée à Maurice, à l’instar d’autres pays, comme Dubayy », souligne-t-il.

Cette plate-forme, selon lui, inspirerait confiance aux investisseurs étrangers, propulsant le pays sur la carte du monde. « Une Bourse du diamant s’impose à Maurice. C’est un endroit où tous les acheteurs de diamants du monde entier se rencontrent. C’est un projet qui peut facilement voir le jour à Maurice.Une telle plate-forme viserait à favoriser et à réglementer le commerce du diamant, pour finalement donner un statut à ce marché », souligne Edley Chimon.

Selon les normes internationales

À Maurice, c’est l’Assay Office qui régularise le marché des pierres et autres métaux précieux importés. L’organisme est opérationnel depuis 2000 et fonctionne sous l’égide du ministère de l’Industrie et du Commerce. Selon la Jewellery Act, la commercialisation de diamants, ou de n’importe quelle pierre semi-précieuse, ne constitue pas un délit. Cependant, poursuit l’Assay Office, il est interdit de commercialiser des diamants de faible qualité comme étant des pierres de valeur. Le même principe s’applique pour les pierres synthétiques.

La vente de toute pierre synthétique comme pierre naturelle constitue également un délit. à Maurice, la certification des diamants se fait selon les normes internationales. Soit conformément aux 4 C : Carat – le poids ; Clarity – la pureté ; Colour – la couleur ; Cut – la taille.

Selon la douane, les diamants sont classés sous divers HS codes, à savoir 7101.10, 7102.21, 7102.29, 7102.31 et 7102.39. Les pierres sont exemptées de la taxe douanière, mais les diamants bruts, classés sous les codes 7102.10, 7102.21 et 7102.31, sont contrôlés sous les Consumer Protection Regulations de 1999 (Control of Imports). Ils nécessitent un certificat de Kimberley*, un permis d’importation du ministère du Commerce et une déclaration sur une facture appropriée pour le dédouanement.

Deux étrangers dans le collimateur

Sollicité, la douane soutient que des mécanismes sont mis en place en vue d’intercepter tout éventuel trafiquant de diamants et autres pierres précieuses entrant dans le pays. Les douaniers s’adonnent à des contrôles de routine, « les bagages suspects sont passés au scanneur X-ray et les potentiels trafiquants sont soumis à des fouilles ». Cela, après un exercice de « profiling ».

Tout comme l’Assay Office, la douane soutient qu’aucun cas suspect entourant un éventuel trafic de diamants dans le pays n’a été repéré. Mais une source de la douane avance que les déplacements de deux étrangers, naturalisés mauriciens, « sont surveillés au grain ». Ces derniers, poursuit notre interlocuteur, sont soupçonnés de participer à un trafic de pierres précieuses, incluant des diamants. Ils sont souvent en déplacement en Afrique du sud.

L’accord de Kimberley

Le processus de Kimberley (accord de Kimberley) est un régime international de certification de diamants bruts réunissant gouvernements et industriels du diamant. Le but consiste à éviter toute négociation, sur le marché mondial, concernant l’achat de diamants originaires de pays en conflit.

Ce certificat exige que les diamants soient accompagnés d’un document d’origine imposant un contrôle sur les échanges, l’interdiction de commerce de diamants avec les pays non-signataires, et la publication de statistiques sur la production et le commerce de diamants. L’accord a été signé en janvier 2003 et Maurice compte parmi les pays membres.

En 2007, le processus compte 54 membres représentant 81 pays.

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