Une nouvelle augmentation de la pension de vieillesse est dans l'air. C’est le Premier ministre lui-même qui l’a annoncé la semaine dernière, à l’occasion de la Journée mondiale des personnes âgées. Si la nouvelle a été bien accueillie par nos aînés, elle a aussi donné lieu à des questions et spéculations : à quelle date ? À quel taux ? La réponse se fait attendre…
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L'augmentation de la pension de retraite aura-t-elle lieu en 2019 ? Ou sera-t-elle une nouvelle promesse pour la prochaine échéance électorale ? Et quel sera le quantum ? Aucune indication précise jusqu’ici, mais la revalorisation des pensions aura bel et bien lieu.
Considérée comme une véritable arme électorale, la pension de vieillesse a toujours pesé lourd dans la balance électorale, indépendamment de son impact sur la trésorerie publique. La pension de vieillesse a connu une ascension fulgurante durant les vingt dernières années, d’un montant de Rs 675, en 1995, à Rs 5 000, en 2015. Aujourd’hui, avec les compensations cumulatives des dernières années, un retraité touche un minimum de Rs 5 810 mensuellement. Le nombre de bénéficiaires s’élève à plus de 216 000, alors que le budget pour le paiement de la pension de vieillesse frôle les Rs 17 milliards et atteindra Rs 21 milliards, en 2020. Avec l’effet de vieillissement de la population mauricienne dans 20 ans, le nombre de bénéficiaires sera d’environ 315 000, alors qu’en 2057, le nombre est estimé à plus de 341 000. Par contre, la population active âgée entre
15 et 64 ans connaîtra une baisse drastique de 870 434, en 2017, à 587 244 personnes, en 2057. En d’autres mots, alors qu’en 2017, il y avait 4,3 personnes actives pour soutenir chaque personne âgée, ce taux baissera à 2,4 personnes pour chaque retraité, en 2037 et 1,7, en 2057 !
Une pension à Rs 8 000 ?
L’impact économique sera ressenti à plusieurs niveaux, dépendant du quantum d’augmentation. Si certains acteurs économiques sont d’avis que l’économie ne peut soutenir une hausse substantielle, d’autres maintiennent que l’État peut facilement proposer la pension à, au moins Rs 8 000 mensuellement, si on arrive à réorganiser nos dépenses, éliminer les gaspillages et accroitre l’efficacité. Le côté positif est qu’une hausse importante de la pension augmente le pouvoir d’achat et le bien-être des personnes âgées et crée la demande qui stimule davantage l’économie. Ainsi, les activités économiques bénéficient directement, avec des emplois créés pour d’autres. Mais dans notre contexte, avec un rétrécissement de la population active dans les décennies à venir, il y aura moins de personnes pour travailler, consommer et payer la taxe, ce qui aura une incidence majeure sur les revenus de l’État. Ensuite, une population âgée veut dire un budget conséquent pour la santé. Alors que le pays ambitionne de devenir un État à hauts revenus, cela pourrait être compromis.
En revanche, si l’économie s’ouvre davantage au monde extérieur et s’il y a un influx des travailleurs étrangers pour continuer à faire tourner l’économie, alors le ratio de dépendance diminuera et la croissance maintiendra son cap.
Azad Jeetun : « Soit on réduit nos dépenses, soit on augmente la taxe »
Sollicité pour une réaction, Azad Jeetun, économiste et ancien directeur de la Mauritius Employers Federation (MEF) pense qu’il est tout à fait normal que la pension augmente chaque année, cela a tout le temps été le cas, quel que soit le gouvernement en place.
« Chaque année, la pension est ajustée par rapport à la compensation salariale et il est tout à fait normal qu’elle subisse encore une hausse », dit l’économiste, ajoutant que le Premier ministre n’a pas spécifié de combien la pension augmentera.
« Si c’est une augmentation de routine, par rapport à la compensation, cela n’aura aucun effet majeur sur l’économie. » Cependant, si l’augmentation est substantielle, à ce moment-là, il y aura un impact certain sur l’économie, explique Azad Jeetun. Selon lui, une hausse importante réjouira les pensionnés qui, d’ailleurs, méritent une bonne augmentation parce que le montant actuel de Rs 5 810 est insuffisant. Mais il faut voir comment payer l’augmentation, car le Budget annuel est déjà déficitaire. Valeur du jour, on ne peut augmenter le déficit budgétaire.
« Comment alors combler le déficit additionnel ? Soit on réduit certaines dépenses, soit on augmente la taxe. L’État doit nécessairement générer plus de revenus pour pouvoir payer », dit l’économiste. Il souligne que toute hausse de la pension n’est pas une dépense ‘one-off’, mais cumulative et doit être payée sur plusieurs années.
« L’effet quantitatif est énorme. Mais sans une meilleure croissance, ce sera difficile. » Il rappelle que notre taux de croissance n’a pu dépasser 4 % ces dernières années et il est impératif qu’on s’attaque aux problèmes économiques fondamentaux pour pouvoir booster la croissance, afin de rendre la pension soutenable, surtout dans le contexte du vieillissement de la population mauricienne.
Pierre Dinan : « Le gouvernement a un choix à faire »
L’économiste Pierre Dinan pense que tout gouvernement a un choix à faire. Pour financer une hausse de la pension, il peut soit augmenter les taxes pour générer plus de revenus, soit réduire certaines dépenses, soit alourdir le déficit budgétaire. « La hausse de la pension doit être puisée du Budget et tout déficit doit être financé par un emprunt. Si la dette publique augmente, outre le remboursement, il y a les intérêts aussi à payer, » explique l’économiste. Pierre Dinan soutient qu’indépendamment de la hausse de la pension, le budget global des pensions augmentera dans les années à venir à cause d’une hausse du nombre des bénéficiaires. Il conclut que le Premier ministre semble bien avoir en tête une hausse substantielle de la pension et non pas la hausse annuelle par rapport à la compensation.
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