Economie

Panama Papers: ce que vous devez savoir

Depuis le dimanche 3 avril, l’affaire des « Panama Papers » apporte chaque jour des révélations. Des dirigeants politiques, des sportifs, des célébrités ou des hommes d’affaires se retrouvent éclaboussés par cette fuite de documents, qui provient d’un cabinet d’avocats panaméen. Ces millions de fichiers permettent de lever le voile sur un vaste système d’évasion fiscale à l’échelle planétaire. Le Défi Economie explique l’essentiel. Les « Panama Papers » défrayent la chronique mondiale. Pour ceux qui ne comprennent pas, il s’agit de la plus grande fuite de données à ce jour. Près de 380 membres du Consortium international des journalistes d’investigation, dont des journalistes de l’émission « Cash Investigation » (France 2) et du Monde pour la France, ont enquêté durant des mois sur 11,5 millions de fichiers provenant de la firme Mossack Fonseca, un cabinet d’avocats panaméen spécialisé dans la domiciliation de sociétés dans des paradis fiscaux. Ces fichiers, parmi lesquels se trouvent des contrats, des courriels ou encore des registres, révèlent l’existence de pas moins de 214 488 structures offshore administrées ou créées par ce cabinet entre 1977 et 2015. Ces sociétés auraient été utilisées par des milliers de ressortissants de la quasi-totalité du monde pour échapper à l’impôt. Parmi eux, des célèbres sportifs, des hommes d’affaires ou encore des hommes politiques.

Quel est le rôle du cabinet Mossack Fonseca ?

Mossack Fonseca est une firme d’avocats et de financiers fiscalistes spécialisée dans la mise en place de montages financiers pour les entreprises et les particuliers. Contre rémunération, elle monte des sociétés-écrans et fournit des prête-noms pour ses clients désireux de rester discrets. Avec plus de 500 employés revendiqués sur son site, Mossack Fonseca est actif dans le monde entier, et possède plus de 40 antennes en Europe, en Chine, ou encore en Amérique du Sud. L’entreprise a été créée en 1977 par Jürgen Mossack, fils d’un ancien officier de la Waffen-SS, selon les renseignements américains, et Ramon Fonseca Mora, que Le Monde décrit comme proche « depuis toujours des milieux politiques, y compris sous la dictature ».

Légal ou illégal ?

En fait, il n’est pas interdit d’avoir recours à des sociétés sans activité économique réelle dans des paradis fiscaux. Mais cela ne peut se faire qu’à des conditions très précises : l’entreprise ne doit pas détenir de compte bancaire et ne doit pas toucher de revenus de la part de cette structure. Autant dire que cela n’a qu’un intérêt limité. Mettre en place un tel dispositif est, en revanche, beaucoup plus avantageux pour dissimuler sous un enchevêtrement de sociétés reliées les unes aux autres ses avoirs au fisc, voire pour blanchir de l’argent à la provenance douteuse. Ce qui est bien évidemment complètement illégal. Néanmoins, toutes les personnes citées dans les « Panama Papers » n’ont pas forcément agi dans l’illégalité et elles bénéficient de la présomption d’innocence. Parmi les milliers de noms qui ressortent des fichiers issus du cabinet Mossack Fonseca se trouvent des chefs d’État, dont certains en activité, des hommes politiques, des figures du sport connues dans le monde entier, ou encore des milliardaires appartenant au classement des personnes les plus riches du globe. Les données révèlent, entre autres, que la vedette du FC Barcelone Lionel Messi, déjà mis en cause dans une affaire de fraude fiscale, est copropriétaire avec son père de Mega Star Entreprises, une compagnie basée au Panama. Le Français Michel Platini serait, lui aussi, passé par Mossack Fonseca pour administrer une société panaméenne en 2007, année où il a été désigné président de l’UEFA. Des compagnies et personnalités mauriciennes figurent également sur la liste.

Les réactions

La plupart de ceux concernés, tant à Maurice qu’à l’étranger, disent que ces sociétés sont « totalement inactives, et n’ont jamais eu de fonds ou de comptes courants ouverts ». D’autres expliquent qu’ils n’ont jamais travaillé avec cette firme au Panama. À noter que la liste des sociétés et personnalités mauriciennes concernées qui a été circulée, est la même liste qui avait surgi lors des ‘swiss leaks’ récemment.

La suite ?

La justice panaméenne s’est saisie du dossier, et en France, le parquet national financier a ouvert lundi une enquête préliminaire pour « blanchiment de fraudes fiscales aggravées », estimant que les systèmes d’évasion fiscale mis au jour étaient « susceptibles de concerner des résidents fiscaux français ». À Maurice, la Financial Intelligence Unit (FIU) et la Financial Services Commission (FSC) comptent se pencher sur la liste des compagnies mauriciennes citées dans les « Panama Papers. » Il se peut que la Mauritius Revenue Authority (MRA) leur emboîte le pas. En Islande, l’affaire a carrément provoqué une crise politique majeure. Des milliers de manifestants en colère ont défilé dans les rues du pays après la révélation des placements offshore du Premier ministre, qui a démissionné.

Qu’est-ce qu’une société offshore ?

Au sens littéral, il s’agit d’une société « extraterritoriale ». En pratique, il s’agit d’une société créée dans un pays dans lequel le bénéficiaire économique final n’est pas résident et qui est dirigée hors du pays dans lequel elle est immatriculée. Elles sont souvent utilisées dans des pays où la fiscalité est avantageuse. La société offshore est une forme de société écran, qui présente toutes les caractéristiques d’une société réelle (elle est immatriculée par exemple), mais dont l’apparence ne correspond pas à la réalité. À Maurice les entités offshore sont plus connues comme « Global Business » et sont régies par la loi.

Est-il permis d’être propriétaire d’une société offshore ?

Tout le monde peut créer une société dans un pays où il n’est pas résident fiscal. La création d’une société offshore n’est pas illégale en soi. Si une personne est bénéficiaire de cette société offshore, elle doit déclarer les profits tirés des activités de cette société et s’assurer de respecter les obligations légales et réglementaires existantes dans son pays de résidence et dans le pays dans lequel la société est établie. Si la création d’une société offshore n’est pas illégale, ces sociétés sont utilisées, dans la grande majorité des cas, à des fins frauduleuses : pour faire de l’évasion fiscale par exemple ou pour dissimuler l’identité du bénéficiaire économique réel voire des opérations frauduleuses. Pour créer une société offshore, on recourt la plupart du temps aux services de comptables, de sociétés spécialisées ou d’avocats établis dans les pays concernés. Dans le cadre de certains montages financiers, sont souvent utilisées plusieurs sociétés intermédiaires pour renforcer l’opacité du schéma. À Maurice, ce sont les Management Companies qui gèrent les sociétés offshores. Les Management Companies sont régies par la Financial Services Commission.

Dans quels pays est-il possible d’ouvrir une société offshore ?

Créer une société offshore est possible dans tous les pays du monde, où le bénéficiaire économique n’est pas résident. Par exemple, un Français peut créer une société offshore en Italie, au Luxembourg ou à Maurice. Le secteur des services financiers est un secteur important de l’économie mauricienne. En général, ces sociétés sont créées dans des pays où la fiscalité est plus avantageuse que dans le pays de résidence du bénéficiaire économique. Compte tenu du renforcement de la coopération internationale et de l’entrée en vigueur de nouveaux traités en matière de fiscalité, les sociétés offshore sont de plus en plus constituées dans des pays où le système juridique est opaque. Selon la liste publiée par la Commission européenne en juin, 30 juridictions sont encore considérées comme des paradis fiscaux. De son côté, le Forum Global sur la transparence et l’échange d’informations fiscales - sous l’égide de l’OCDE - compte 127 membres, classés selon leur degré de coopération financière.
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