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Opération «récupération» de St Brandon : le « move » du gouvernement jugé «fishy»

Vue à partir de l’île Coco, St Brandon.

Le gouvernement compte tout faire pour « reprendre » St Brandon à Raphael Fishing Co. Ltd. Quitte à amender la Constitution. Sauf que l’opposition affiche son scepticisme quant aux intentions réelles du gouvernement.

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L’Attorney General Maneesh Gobin a déclaré la guerre à Raphael Fishing vendredi, affirmant que le gouvernement compte tout faire pour « reprendre » St Brandon, annulant ainsi les droits d’occupation de la compagnie Raphael Fishing sur une partie de l’archipel. Si besoin est, il compte proposer un amendement à la Constitution, qui nécessiterait une majorité de ¾ pour y parvenir. Or, l’opposition, sans qui une majorité de ¾ n’est pas possible, se montre plus que sceptique sur les intentions réelles du gouvernement, les deux principaux partis en particulier.

Pour apporter un changement à la Constitution, le gouvernement aura besoin de neuf voix en provenance de l’opposition. Seule, la majorité ne compte que 44 voix, alors qu’il lui en faut 53 pour parvenir à ce fameux ¾. Le PTr a 12 députés, le MMM 9, le PMSD 4 et 1 pour le Rassemblement Mauricien. 

Paul Bérenger affirme que la question sera prise lors du bureau politique mauve de lundi. Mais il annonce déjà la couleur : « Maneesh Gobin a montré qu’il est complètement ignorant sur ce dossier. Il veut avoir les votes de l’opposition pour obtenir une majorité de ¾ pou fini St Brandon kouma gouvernman la fini Moris. »

Et de s’interroger : « Est-ce qu’ils veulent détourner l’attention du fiasco du bateau taiwanais qui est toujours calé sur les récifs à St Brandon ou est-ce qu’il a eu un ordre de lakwizinn ? »

De son côté, Arvin Boolell, chef de file du PTr au Parlement, affirme que « Maneesh Gobin rate le coche. St Brandon fait déjà partie intégrale de notre territoire. La question de retrouver la souveraineté sur l’archipel ne se pose même pas. S’il était de bonne foi, il aurait d’abord engagé des discussions avec Raphael Fishing et l’Outer Island Development Corporation (OIDC), un corps parapublic du gouvernement ». 

Il rappelle que c’est « un endroit où il y a un écosystème fragile et immaculé, qu’il faut préserver à tout prix ». Selon Arvin Boolell, Raphael Fishing a jusqu’ici « bien fait » son travail de préservation. « Mais voilà que subitement, le ministre propose un agenda politique et caché pour nous faire croire qu’il va en guerre pour récupérer un territoire ».

Et Arvin Boolell de préciser : « [L’opérateur privé Raphael Fishing] n’octroie pas les permis de pêche pour St. Brandon. Cela se fait au niveau du ministère de la Pêche et de l’OIDC. Puis, pour ériger quelque chose sur l’archipel, il faut déjà impérativement l’autorisation des autorités mauriciennes. »

Avant de pouvoir parler d’amender la Constitution, « il faudrait d’abord entamer des pourparlers avec l’opérateur concerné pour voir si un consensus peut être trouvé ». « Si tel n’est pas le cas, ce n’est qu’alors que l’on peut avoir recours à la voie légale. Et avant de parler de ¾ au Parlement pour amender la Constitution, il faut d’abord dire clairement quelles sont les intentions et discuter avec les partis de l’opposition », martèle le député rouge. 

Il se pose lui aussi des questions. « La question qu’il faut se poser est : est-ce qu’ils veulent faire la même chose qu’ils ont fait avec le Champ de Mars et le Mauritius Turf Club ? Tout prendre pour le donner à quelqu’un d’autre ? »

St Brandon : ce paradis à 415 km au nord-est de Maurice

St Brandon est l’un de ces paradis perdus dont l’on entend extrêmement peu parler. Depuis début décembre, l’archipel est entré dans l’actualité locale avec le naufrage d’un bateau de pêche taiwanais, le Yu Feng no 67.

Composé d’une trentaine d’îles et îlots, dont 22 portent un nom, St Brandon compte une superficie totale estimée entre 1,3 km2 et 2 km2, dépendant des mouvements de sable provoqués par les tempêtes. Il se situe à 415 km au nord-nord-est de Maurice et à 985 km à l’est de Madagascar. L’archipel est aussi connu sous le nom d’écueils des Cargados Carajos.

St Brandon est renommé pour ses eaux poissonneuses et peu profondes, qui s’étalent sur environ 2 300 km2 autour des îles. La pêche y est d’ailleurs plus ou moins la seule activité, avec un tourisme limité à quelques dizaines, voire centaines de personnes par an.

L’archipel est administré par l’Outer Island Development Corporation. Toutefois, 13 des ilots ont été louées de manière permanente à Raphael Fishing Co. Ltd depuis 1901. 

Personne n’habite de manière permanente sur St Brandon, mais environ 40 personnes y sont de manière transitoire. Seules quelques îles sont habitables, à l’instar de l’île Raphael, Avocaré, Coco et île du Sud. L’île Raphael, qui est la principale à être habitée, peut accueillir jusqu’à 35 personnes. S’y trouvent aussi une station météorologique et un poste des garde-côtes mauriciens.

L’archipel, outre une grande richesse et diversité en poissons et crustacés, compte 26 espèces d’oiseaux de mer, dont des fous masqués, des sternes fuligineuses, des gygis blanches, mais aussi des tortues vertes, des tortues imbriquées et des crabes de cocotier.

Un « lease » permanent sur 13 de la trentaine d’îles et îlots de St Brandon

Maneesh Gobin a affirmé, vendredi en conférence de presse, que Raphael Fishing Co. Ltd détenait les droits d’occupation sur l’archipel de 
St Brandon. Cependant, l’Attorney General n’est pas tout à fait dans le vrai.

L’archipel compte une trentaine d’îles et îlots de coraux et de sable. Le chiffre n’est pas fixe, car certains apparaissent puis disparaissent, alors que d’autres se forment et se défont au gré des courants et des intempéries.

Raphael Fishing détient un bail permanent sur 13 îlots, à savoir l’île Raphaël, l’île du Sud (ou île boisée), Petit Fou, l’Avocaire, l’île aux Fous (Fous, île Fou), l’île du Gouvernement, Petit Mapou, Grand Mapou, La Baleine, l’île aux Cocos, Verronge, l’île aux Bois et Baleines Rocks.

Selon le site internet de l’Outer Island Development Corporation (OIDC), corps parapublic gestionnaire des îles éparses mauriciennes autres que Maurice et Rodrigues, les baux de 15 autres îles et îlots de St Brandon ont expiré en mai 1992 « et n’ont pas été renouvelés depuis ». Ceux-ci sont « maintenant sous le contrôle direct de l’OIDC ».

En 2008, Raphael Fishing Company a fait appel d’un jugement devant le Privy council dans une affaire contre l’État mauricien et Marie Louis Robert Talbot. Le 30 juillet 2008, cinq Law Lords, en l’occurrence Lord Scott of Foscote, Lord Rodger of Earlsferry, Lord Walker of Gestingthorpe, Lord Mance et Lord Neuberger of Abbotsbury donnent gain de cause à Raphael Fishing et reconnaissent que la compagnie « est le détenteur d’un permanent grant » comme convenu dans un acte de 1901. 

Le montant du bail est de Re 1 par an, payable chaque 2 octobre. Le détenteur du bail était St Brandon Fish & Manure Co. Ltd. Lorsque la compagnie est entrée en liquidation, ses droits et intérêts ont été vendus par le liquidateur à un certain M. Ulcoq, qui les revendra à son tour à Raphael Fishing Co. Ltd. 

Raphael Fishing Company Ltd 

Raphael Fishing Company Ltd est une compagnie mauricienne qui a été incorporée le 7 juillet 1927. La nature de son business est la vente de poissons et de produits de la mer. La compagnie compte environ 80 actionnaires, dont des personnes privées, mais aussi des compagnies.

Le principal actionnaire est Jean Raymond Boulle, avec un peu plus de 2,4 millions d’actions des 8 598 307 actions. C’est un homme d’affaires mauricien basé à Monaco. Il est, entre autres, fondateur de quatre sociétés cotées en Bourse avec des gisements de nickel, de cobalt, de cuivre, de zinc, de titane et de diamants et un des principaux actionnaires d’Omnicane.

 

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