Pétrolier en feu, opérations de sauvetage de dizaines de marins: deux tankers, norvégien et japonais, ont été la cible ce jeudi d'une attaque d'origine indéterminée en mer d'Oman, en plein Golfe, une région déjà sous tension du fait de la crise entre les Etats-Unis et l'Iran.
Cet incident dans un passage maritime stratégique mondial a immédiatement fait grimper les prix du pétrole. Il constitue un nouvel avertissement dans les tensions régionales, un mois quasiment jour pour jour après des attaques contre quatre navires, dont trois pétroliers, au large des Emirats arabes unis, acte pour lequel Téhéran a été montré du doigt par Washington.
Le président américain Donald Trump "a été briefé sur l'attaque (...) Le gouvernement américain (...) continue à évaluer la situation", a déclaré Sarah Sanders, porte-parole de l'exécutif. De son côté, le chef de l'ONU Antonio Guterres a averti que le monde ne pouvait pas se permettre un conflit majeur dans le Golfe.
Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a dénoncé "une évolution dangereuse" au Moyen-Orient devant le Conseil de sécurité de l'ONU qui doit d'ailleurs se réunir à ce sujet, selon des diplomates.
La Ve Flotte américaine basée à Bahreïn a indiqué avoir reçu deux "appels de détresse" dans la matinée émanant de pétroliers en mer d'Oman.
L'Iran a indiqué de son côté avoir secouru 44 membres d'équipage de deux pétroliers après des appels de détresse.
A Oslo, les autorités maritimes ont parlé d'une "attaque", faisant état de trois explosions à bord d'un pétrolier norvégien.
Incidents suspects
Battant pavillon des îles Marshall, ce pétrolier, "Front Altair", propriété du groupe norvégien Frontline, a été "attaqué" entre les Emirats et l'Iran, "à 06H03 locales", ont-elles annoncé dans un communiqué. Elles ont précisé qu'aucun membre d'équipage n'avait été blessé.
Le Front Altair, un tanker de 111.000 tonnes, est en flammes et des secours sont sur place, ont-elles ajouté.
Ultérieurement, la TV d'Etat iranienne Irib a montré des images spectaculaires d'un navire au milieu duquel s'élevait une épaisse colonne de fumée noire.
Le second navire, le Kokuka Courageous, un méthanier, a essuyé des tirs mais l'équipage de 21 membres a été sauvé, et sa cargaison de méthanol est intacte, a affirmé son opérateur japonais, Kokuka Sangyo.
Allahmorad Afifipour, directeur de l'Autorité portuaire et maritime de la province d'Hormozgan, dans le sud de l'Iran, a indiqué que le feu avait été éteint à bord du bateau japonais mais que l'incendie sur le navire norvégien n'avait pas encore été maîtrisé.
L'Iran a exprimé ses "inquiétudes" après des "incidents suspects".
"Quarante-quatre marins ont été sauvés (...) par une unité de secours de la Marine (iranienne) de la province d'Hormozgan et transférés au port de Bandar-é Jask", a écrit l'agence officielle Irna.
Les deux incidents ont eu lieu à une heure d'intervalle à 25 mille nautiques et 28 milles nautiques de Bandar-é Jask, selon elle.
Alors que le Premier ministre japonais Shinzo Abe effectue une visite historique en Iran pour tenter d'atténuer la tension entre Téhéran et Washington, la République islamique a jugé hautement suspecte la survenue de ces "attaques".
"Le mot suspicieux ne suffit pas à décrire ce qui transpire apparemment" de ces "attaques" contre des "tankers liés au Japon survenues" au moment même où M. Abe rencontrait le Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a réagi sur Twitter le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif.
Les cours mondiaux du pétrole ont grimpé dès l'annonce d'un "incident" en mer d'Oman par un service d'information sur la navigation commerciale géré par la Royal Navy britannique.
Vers 13H30 GMT (15H30 à Paris), le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en août grimpait de 2,28 dollar (+3,84%), à 62,25 dollars. Le baril de WTI pour livraison en juillet montait de 1,86 dollar (+3,68%), à 53,00 dollars.
"Le Royaume-Uni et ses partenaires sont en train d'enquêter", a ajouté l'United Kingdom Marine Trade Operations (UKMTO) sur son site internet.
Appels à la retenue
Ces attaques interviennent sur fond de tensions croissantes entre Téhéran et Washington autour du nucléaire iranien.
Les Etats-Unis ont quitté unilatéralement l'an dernier l'accord international de 2015 conclu à Vienne puis rétabli et renforcé des sanctions contre la République islamique.
En recevant le Premier ministre japonais, le Guide suprême iranien a rejeté jeudi tout dialogue avec Donald Trump qui "ne mérite pas qu'on échange des messages avec lui".
Le 12 mai, quatre navires --deux saoudiens, un émirati et un norvégien--, dont trois pétroliers, avaient été endommagés par des "actes de sabotage", attribués à l'Iran par l'Arabie saoudite et les Etats-Unis.
Capital Economics a vu dans ces "attaques" le "dernier signe d'une aggravation des tensions géopolitiques dans la région".
Evoquant "un risque important (...) d'un conflit pur et simple", ce centre de réflexion a estimé que "cela nuirait gravement aux économies de la région et pourrait avoir des effets indirects majeurs sur l'économie mondiale".
La cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a appelé à éviter toute " provocation" dans la région.
Mme Mogherini "renouvelle son appel à la retenue maximale", a déclaré sa porte-parole, Maja Kocijancic.
A Paris, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a également appelé "l’ensemble des acteurs concernés (...) à la retenue et à la désescalade".
Le Foreign Office a estimé "vital le respect de la liberté de la navigation", qualifiant les attaques d'"inacceptables".
L'Organisation maritime mondiale, institution spécialisée de l'ONU spécialisées dans les réglementations maritimes, a également condamné la double attaque.
Son secrétaire général Kitack Lim a appelé les Etats à "trouver une solution durable pour assurer la sécurité du transport maritime".
Agence France-Presse
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