Interview

Nikesh Patel consul honoraire du Rwanda: «Un génocide peut survenir à tout moment»

Le génocide rwandais, survenu en 1994, a marqué l’histoire. Le Rotary Club de Port-Louis et le Lions Club d’Ébène ont commémoré ce triste événement cette semaine, en présence de Nikesh Patel, consul honoraire du Rwanda à Maurice. Il invite les Mauriciens à se rapprocher du Rwanda. Comment êtes-vous devenu consul honoraire du Rwanda ? Je suis d’origine ougandaise. J’ai 51 ans. Quand j’avais sept ans, ma famille a été expulsée du pays sur ordre du général Idi Amin Dada. Nous sommes partis vivre en Grande-Bretagne. En 1994, trois mois après le génocide rwandais, je mets les pieds au Rwanda. Là, j’ai eu le choc de ma vie. Le pays était à genoux. Je fais partie de ceux qui ont activement soutenu le Rwanda dans sa reconstruction et son développement. Cela m’a valu la citoyenneté rwandaise. Et en 2012, par reconnaissance, le gouvernement rwandais m’a nommé consul honoraire à Maurice, car je suis marié à une Mauricienne depuis 16 ans et je suis père de deux fils, nés à Maurice. Je vis à Maurice depuis 2010. Je dois néanmoins préciser que je suis dans l’attente d’une acceptation de ma nomination par le gouvernement mauricien. De quelle façon le génocide rwandais a-t-il marqué l’histoire ? Ce génocide a laissé des traces sur le continent africain et dans le monde. Il faut rappeler qu’environ un million de personnes ont perdu la vie en l’espace de trois mois. Ces meurtres ont été perpétrés à coups de machette. C’est le génocide le plus rapide de l’histoire. Cependant, il ne faudrait pas associer les génocides uniquement à l’Afrique. C’est un phénomène mondial, qui peut arriver à tout moment et dans n’importe quel pays. Il ne faut pas oublier l’extermination des juifs et des tziganes par les nazis, le génocide au Cambodge sous Pol Pot de 1975 à 1979 et même celui perpétré actuellement en Syrie. Il faut des campagnes d’information pour évoquer les conséquences désastreuses des génocides. Ce n’est donc pas un hasard si le thème, cette année, pour commémorer les 22 ans du génocide rwandais est Fighting genocide ideology. Pourquoi un tel thème ? Un génocide met un pays à genoux en un temps record. C’est le chaos total. J’ai vu le désastre que cela peut causer. D’où ma volonté de tout mettre en oeuvre pour qu’il n’y ait plus de génocides. Comment arrive-t-on à cet objectif ? Par l’éducation. On doit pouvoir expliquer au monde que, dans le passé, des gens assoiffés de pouvoir ont voulu éradiquer des ethnies ou groupes particuliers. Il faut aussi dire qu’il existe toujours des têtes brûlées qui veulent atteindre ce même objectif... C’est tout de même surprenant de voir la rapidité avec laquelle le Rwanda s’est relevé. À quoi attribuez-vous cela ? Il a fallu tout recommencer à zéro. Le pays s’est relevé grâce à la volonté du gouvernement d’alors, sous la férule du président Paul Kagamé. Ce fut un défi monstre. Depuis, le Rwanda est devenu une véritable success story. Nous avons tendance à associer les pays d’Afrique au chaos, mais le Rwanda doit servir de modèle pour le reste du monde. Pourquoi cette commémoration à Maurice ? C’est le nombre de Rwandais domiciliés à Maurice qui nous a poussé à y commémorer ce triste événement. La cérémonie (qui s’est déroulée vendredi, ndlr) était ouverte aux membres du public et comprenait une présentation des événements de 1994. Puis, il y a eu un forum-débat sur le génocide. Où en est le Rwanda aujourd’hui ? Il se classe parmi les cinq premiers pays émergeants en Afrique, derrière le Botswana et le Kenya. Le Rwanda est un pays où il fait bon vivre. En termes de croissance et de réduction de la pauvreté, des développements remarquables ont été enregistrés depuis 2000. Valeur du jour, le pilier central de l’économie est le tourisme, mais le Rwanda est un gros exportateur de thé, de café et de minéraux. De plus, il est devenu une véritable terre d’adoption depuis le génocide. C’est le moment pour Maurice et le Rwanda de se rapprocher. Qu’en est-il du nombre d’étudiants rwandais à Maurice ? C’est peu après 2012 que le pays a commencé à accueillir des étudiants rwandais. À ce jour, il y en a près de 40 qui étudient à Maurice. C’est un bon début, mais il y a encore beaucoup à faire. J’espère que l’accord bilatéral signé par les deux pays en 2001 sera un élément catalyseur pour plus d’échanges culturels, économiques et éducatifs. Cet accord n’existe-t-il pas que sur papier ? Les relations bilatérales entre le Rwanda et Maurice existent bel et bien. Les deux gouvernements doivent maintenent se fonder sur l’accord, afin de construire quelque chose de concret qui sera bénéfique pour les deux nations. Il y a beaucoup à faire en vue de rapprocher Maurice des autres pays africains. Un accord bilatéral est beaucoup plus qu’une simple signature sur un document.
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800 000 tués en trois mois

D’une durée de cent jours, le génocide rwandais fut le plus rapide de l’histoire avec le plus nombre de morts par jour. Entre avril et juillet 1994, quelque 800 000 hommes, femmes et enfants, principalement des Tutsis, ont été massacrés au Rwanda, selon l’ONU. Les causes de ce génocide furent multiples : outre l’accumulation de haine entre les castes hutue et tutsie au fil des années et l’enchaînement d’événements déclencheurs, d’autres causes ou responsabilités, intérieures ou extérieures, ont été évoquées par les différentes commissions d’enquête.
 

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