Il était là dès le début. Vingt ans après, Nawaz Noorbux, aujourd’hui directeur de l’information, revient sur les événements marquants de l’histoire de Radio Plus, parle de la liberté d’informer dans un paysage démocratique et évoque les prochaines étapes pour la première radio mauricienne.
Radio Plus fête ses 20 ans ce mercredi 13 avril. Quel est votre sentiment ?
Il y a de l’émotion dans l’air ! Vous savez, j’ai rejoint Radio Plus deux mois avant son lancement. Je suis un témoin privilégié de la libéralisation des ondes. J’ai participé à la mise en place de la rédaction avec Jacques Aristide en 2002. Les conditions étaient difficiles. On n’avait pas de journalistes ayant une expérience audiovisuelle, mais on avait la passion et la rigueur au travail. Radio Plus est restée leader sur le plan de l’info pendant près de deux décennies. J’ai un sentiment de grande satisfaction.
Qu’est-ce que les radios privées ont apporté dans le paysage démocratique ? Et quel apport pour le pays ?
Les radios privées ont brisé le monopole de la Mauritius Broadcasting Corporation. Imaginez un instant qu’il n’y ait pas ces radios ! La parole a été libérée en 2002 avec l’avènement des radios privées. Les gens ont eu des plateformes pour s’exprimer et au fil du temps, nous nous sommes aussi donné une mission sociale en venant en aide aux personnes en détresse. La radio a joué ce rôle d’intermédiaire entre les citoyens et les autorités.
Par ailleurs, il y a le « media advocacy ». Dans l’émission « La Voix Maurice », que j’anime chaque samedi en compagnie de Jugdish Joypaul, je prends régulièrement position sur des sujets qui touchent à l’intérêt public. Le dernier en date : le projet de « professional fee » pour les pharmaciens qui a finalement été mis au frigo. Nos différentes émissions sur la perte du pouvoir d’achat des Mauriciens ont sans doute interpellé les décideurs. Le ministre des Finances a déjà pris l’engagement qu’il y aura des mesures spécifiques dans son budget.
Nos émissions apportent aussi un éclairage sur les grands enjeux nationaux, et des propositions sont souvent reprises par la classe politique, notamment dans leurs manifestes électoraux. Parallèlement, certaines de nos innovations ont été très bénéfiques aux auditeurs. Exemple : la traduction en kreol et en direct du discours du budget que Radio Plus a introduite en 2008.
Radio Plus est restée leader sur le plan de l’info pendant près de deux décennies. J’ai un sentiment de grande satisfaction.»
Il y a une perception, surtout de la part de ceux qui dirigent le pays, peu importe quel gouvernement, que les radios privées sont proches de l’opposition. Des amendements ont d’ailleurs été apportés à l’IBA Act récemment pour réglementer davantage leurs activités. Que répondez-vous à cela ?
C’est justement l’erreur fondamentale que font les conseillers au Bureau du Premier ministre. Au lieu de se plaindre de la radio, ils auraient dû préparer une bonne petite équipe qui puisse défendre l’action gouvernementale et participer aux débats contradictoires à la radio. Ils pensent qu’ils partent perdus d’avance dans ces débats. Ils ont tort. La masse silencieuse, qui ne va pas téléphoner à la radio ou mettre un commentaire sur Facebook, suit attentivement ce qui se passe dans le pays et à la radio. Elle a suffisamment de maturité pour faire la distinction entre les critiques constructives et la démagogie. Je suis d’accord que cela fausse le jeu démocratique si un média a un agenda politique. Mais il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. Les amendements à l’IBA Act ont été contreproductifs pour le gouvernement et il risque d’en payer le prix fort s’il ne rectifie pas le tir.
S’il y a un événement que vous devriez retenir de ces 20 années, ce serait quoi ?
J’ai vécu beaucoup de grands événements depuis le lancement de Radio Plus. La crise de la Covid-19 et la guerre en Ukraine en ce moment, on en parlera encore dans 100 ans. Vous imaginez ce qu’on vit en tant que journalistes ! Les élections de 2005 et de 2014 resteront mémorables pour moi, avec des interviews que je juge quasi décisives de Navin Ramgoolam et de sir Anerood Jugnauth à deux jours de ces scrutins. Il y a également eu le face-à-face entre Paul Bérenger et Rama Sithanen en 2006, ou encore l’interview d’Ivan Collendavelloo dans le cadre de l’affaire Saint-Louis. Je n’oublierai jamais le suicide collectif de Béchard Lane à Saint-Paul en 2004, tout comme les inondations meurtrières du 30 mars 2013 et l’accident mortel de Sorèze 34 jours après.
Mais l’événement avec un grand E qui a marqué Radio Plus reste l’arrestation en direct de Dev Hurnam dans nos studios en avril 2007. Comment oublier aussi cette montée d’adrénaline quand vous intervenez en direct du Soccer City de Johannesburg où se tient une finale de Coupe du monde de football ! J’y étais en 2010 et je le raconterai un jour à mes petits-enfants (rires). Je dois aussi souligner que des fois, Radio Plus elle-même a créé l’événement, comme la soirée des Awards à l’occasion des 50 ans de l’Indépendance au SVICC en mars 2018. Il y a certainement d’autres événements encore que j’ai dû oublier.
Radio Plus n’opère pas en isolation mais dans un écosystème au sein du Défi Media Group. La radio bénéficie en termes de convergence de ressources et de talents.»
Est-ce qu’en 20 ans, le rôle et le fonctionnement de la radio a évolué ?
La mission d’une radio est d’informer, d’éduquer et de divertir. La mission sociale est venue s’y ajouter. Je pense qu’une radio comme Radio Plus peut faire encore plus en termes de contribution pour l’avancement du pays à travers des émissions pédagogiques sur la refonte du système. Et ça, on a commencé à le faire depuis un bout de temps maintenant.
Quant au fonctionnement de la radio, on parle depuis quelques années maintenant de radio visuelle. Les gens peuvent aussi nous regarder grâce à l’avènement des nouvelles technologies. Nos émissions en studio mais aussi nos directs sur le terrain sont très suivis sur Facebook. C’est un bon tremplin pour la télévision.
Quel avenir pour Radio Plus ?
La télévision ! On s’y prépare avec les nouveaux studios qui sont déjà en place. Des formations appropriées ont déjà démarré et des professionnels viendront dispenser des cours spécialisés en la matière. Il faut aussi souligner que Radio Plus n’opère pas en isolation mais dans un écosystème au sein du Défi Media Group. La radio bénéficie en termes de convergence de ressources et de talents, et la télévision sera bâtie sur ce même écosystème. L’avenir de Radio Plus s’annonce palpitant. En 2002, on vous disait « Ekout ou pou tande ». Maintenant, on vous dit : « Gete ou pou trouve ».
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !