Interview

Nadirah Nazeer, candidate du Conservative Party, au Canada : «Au Canada, la politique est une question de performance et non une affaire de famille»

Nadirah Nazeer, avec ses trois garçons.

Pour la première fois au sein de la diaspora mauricienne, une Canadienne d’origine mauricienne, Nadirah Nazeer briguera un siège au parlement fédéral du Canada. Elle a été investie par le Conservative Party, adversaire direct du Liberal Party, dirigé par l’actuel PM canadien, Justin Trudeau. Dans une interview accordée à Le Dimanche/L’Hebdo, elle parle de son engagement politique et de la campagne sur le terrain, entre autre.

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Nadirah NazeerPourquoi avez-vous choisi de vous engager en politique ?
En fait, cet engagement remonte à une dizaine d’années lorsqu’une amie m’a demandé d’agir comme sa directrice de campagne pour des élections législatives. À un moment, on m’a même offert une investiture, mais le moment était mal choisi. Mes fils étaient encore petits et je n’étais pas prête. Les gens oublient souvent que l’engagement politique est destiné à servir la population, il faut un investissement total. Je n’aurais pas pu, à ce moment-là, être au service de la population comme elle le souhaitait. Aujourd’hui, je sens que je réunis toutes les forces et la liberté totale pour me jeter dans l’arène politique

Quelles sont les qualités chez vous qui, selon vous, vous ont valu cette investiture ?
Je suis une personne qui aime les engagements, les combats et les défis. Par-dessus tout, il faut aussi une véritable cause qui vaille d’être défendue. Cette cause, elle est incarnée par Andrew Scheer, le leader du Conservative Party, qui veut réduire les taxes, dont la taxe carbone imposée par le gouvernement de Justin Trudeau, créer des emplois, proposer une politique d’immigration plus juste et améliorer la vie des Canadiens. Je ne voulais pas assister au changement, je voulais y contribuer.

Comment organisez-vous votre campagne sur le terrain ?
Tous les soirs, je fais du porte-à-porte, en compagnie des volontaires et je parle aux citoyens de la localité Beaches- East York, où je suis candidate. Les gens, peu importent leurs opinions, écoutent mais lorsqu’on s’adresse aux personnes qui partagent nos opinions on s’assure qu’elles viennent voter.

Et comment obtenez-vous le financement de votre campagne ?
Le financement provient des dons, des levers de fonds durant des dîners. L’argent recueilli, qui sert à financer les activités, est plafonné à 60 000 dollars par candidat. Je n’ai pas encore obtenu toute cette somme mais j’ai la chance d’avoir Peter MacKay, l’ex-ministre des affaires étrangères,  qui est mon invité d’honneur. Il participe à ma première activité de lever de fonds, mais pour le reste, dans les prochains mois, je vais y aller seule.

À Maurice, la politique est une affaire de famille, comment cela se passe au Canada ?
C’est une question de performance et de bilan, de respect des promesses et d’honnêteté. Pas une affaire de famille.

D’où étiez-vous à Maurice ?
Je suis originaire de Baie-du-Tombeau, mon père avait une société engagée dans l’import-export. J’ai fréquenté le collège Muslim Girls, et plus tard  à 30 ans, je me suis mariée selon  la tradition et je suis venue au Canada avec mon mari. Il faut dire que l’année 2019 a mal commencé pour moi, à cause du décès d’une de mes deux sœurs ainées, mes deux frères sont l’un à La Réunion, l’autre en France. Mais comme je suis une personne très positive, je me suis fait une raison et j’ai jeté toutes mes forces dans cette campagne électorale. J’ai le soutien inconditionnel de ma sœur Homerah Purahoo et ma nièce, Lujaine Purahoo, de même que mes proches et amis à Maurice et au Canada. 

Comment avez-vous fait pour vous intégrer au Canada ?
J’ai fait comme dit le proverbe : «  À Rome, fais comme les Romains ». Le fait de parler l’anglais a facilité mon intégration,  mais il fallait un effort supplémentaire, comme la participation aux festivals locaux,  me faire inviter à des événements, intégrer la communauté et me porter volontaire pour certaines activités. Comme il neige au Canada, j’allais aussi skier. Puis je me suis  inscrite aux cours de zumba, de kickboxing et de yoga. C’est vrai que les premiers mois étaient difficiles, je n’avais personne, je restais à la maison pour effectuer les tâches ménagères. Puis,  j’ai commencé par travailler comme caissière avant d’entamer des études en Business Management. Aujourd’hui et depuis 21 ans, je représente les produits d’une très grosse compagnie engagée dans l’IT, classée parmi les 500 au monde, ce qui m’amène à voyager un peu partout et je présente une émission de télévision intitulée Tag Talk with Nadirah Nazeer, où j’essaie de promouvoir une société meilleure. Mes invités sont issus des milieux de la santé mentale, entre autre, et je reçois aussi des personnes qui prêchent la tolérance et qui visent à améliorer la société. Je viens de siéger sur le conseil d’administration de Zonta International, une organisation qui a pour objectif de donner plus de pouvoirs aux femmes. J’aide aussi les étrangers qui viennent d'émigrer au Canada. C’est un pays formidable où les étrangers de toutes les nationalités sont bien accueillis. Si on travaille dur, toutes les opportunités s’ouvrent à vous. C’est mon cas, moi qui ne vient pas d’une ‘Star College’ à Maurice. En 29 ans de vie dans ce pays, je n’ai jamais ressenti de geste raciste ou entendu de propos racistes à mon endroit.

Depuis votre arrivée au Canada, quelles sont les mutations que ce pays a connues ?
La vie est devenue plus chère, la technologie a refaçonné le style de vie des Canadiens. C’est vraiment incroyable de voir comment le monde a changé durant ces trente dernières années. Mais, ce qui n’a pas changé, c’est l’hospitalité des Canadiens vis-à-vis des étrangers, la chaleur avec laquelle ils les accueillent. Cette attitude fait partie de leur gène, on peut toujours compter sur leur politesse, leur soutien. Cela se voit lorsque vous observez  la contribution du Canada sur la scène internationale.

Quelles seraient vos priorités si vous êtes élue ?
Il faudrait d’abord que je démissionne de mon job, car la loi le stipule. Comme c’est la ligne de mon parti, sur le plan national je vais contribuer à promouvoir la stabilité et la croissance économique. Sur le plan local, la priorité sera d’être à l’écoute de mes mandants. Mais ce qui me tient à cœur, c’est le dossier de l’immigration. Compte tenu de ma propre histoire, je souhaite me pencher sur ce sujet avec une voix forte et honnête.

Comment voyez-vous l’Île Maurice, du point de vue canadien ?
Je suis revenue à Maurice en 12 occasions et vus de l’extérieur, les changements ici m’apparaissent dans une perspective différente : les paysages me fascinent toujours, de même que les montagnes, sans parler des plats mauriciens. Bien entendu, l’hospitalité n’a rien perdu de son côté légendaire. Et bien entendu, à chaque visite, je me réjouis de revoir ma famille et mes amis.

Est-ce qu’un drame comme la tuerie en Nouvelle Zélande, pays sans problème, peut-il arriver au Canada ?
Jamais, la notion de tolérance et de respect à l’égard de l’autre est tellement enracinée au Canada que l’évocation d’une telle idée serait balayée d’un revers de main.

 

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