Ah ! Que le monde est petit car, par un concours de pure circonstance, j’ai retrouvé une amie d’enfance, comme chercher une aiguille dans une botte de foin et ce, à l’autre bout du monde, ici, à Toronto ! Ah ! Que le monde est grand, à la mesure d’un souhait enfin réalisé !
Publicité
Il y a un dicton créole qui dit : « Montagne na pas zoine, mais dimoune zoine ! » Cette expérience, je l’ai vécue à Toronto, le samedi 30 septembre, lors d’un déjeuner organisé au Dragon Restaurant du Chinatown, sis à la croisée de deux principales avenues Dundass et Spadina, par la Mauritius Chinese Association of Ontario. C’est une association de personnes du troisième âge regroupant les expatriés sino-mauriciens de Toronto et de ses régions limitrophes : Scarborough, Makham, Brampton et Richemond Hill, entre autres, villes qui se trouvent dans un rayon de 50 kilomètres. C’était à l’occasion de la célébration marquant le Festival de la Moisson d’automne et de la Lune.
Par hasard
Ce jour-là, je me trouvais comme par hasard sur la même table des invités comprenant mon ami Claudius Sin Pit Shing et son épouse Liliane, le couple Lee Cheong, le couple Yeung Yam Wah, dont la mère nonagénaire, une ancienne voisine de Mare-Gravier, décédée il y avait quelques mois, et trois autres invitées, dont je ne me rappelle plus de les noms, sauf que l’une d’elles est la sœur aînée de l’épouse de l’ancien Chef juge, Bernard Yeung Sik Yuen. Faut-il se rappeler qu’il y a encore trois semaines, Claudius, un retraité de l’industrie des lunettes, n’était encore qu’un ami virtuel sur la page Facebook et un membre assidu, comme moi, du blog Amateurs in the Garden ? Le maître de cérémonie pour ce déjeuner, Georges How, nous a rappelés, lors de son discours de circonstance, que les membres de l’exécutif de l’association et lui se creusaient les méninges depuis quelques jours pour satisfaire tous les invités par un « sitting arrangement », qui ferait l’unanimité de tous les invités. On avait prévu une douzaine de tables et on s’attendait à quelque 120 invités.
Je ne m’attendais pas à ce que le 30 septembre soit mon jour de chance et j’en ai fait part à l’assistance, quand on m’invita à adresser quelques mots aux invités, comme j’étais venu rejoindre les autres expatriés sino-mauriciens pour faire l’expérience de la vie torontonienne. Et ainsi, j’ai confié à l’assistance, et ce dans un grand éclat de rire de tous les invités présents, qu’en sortant du déjeuner, j’allais miser 3 $ canadiens au jeu du loto, le Lottario, dont le jackpot pour le tirage du 30 septembre était de 1,2 M de dollars. À 11 h 30 du matin, ce 1er octobre, je n’ai pas encore vérifié les résultats de ce tirage auprès d’une grande surface, Le Metro, sise au rez-de-chaussée du complexe College Park, Yonge Street, en plein centre de Toronto, là où mes deux enfants habitent. J’irai le faire dès que j’aurais posté cette petite chronique sur Facebook et sur le blog Amateurs in the Garden, que je tiens tant à partager aux facebookers mauriciens.
Moment inoubliable
Ce fut pour moi un moment inoubliable quand un invité, je crois Georges How, me présenta au couple Lee Cheong. À ma grande surprise, je fus en présence de Rosemay Lee Pak Cheong, cette amie d’enfance que je n’avais pas revue depuis - tenez-vous bien ! - 65 ans ! C’était en 1952, j’avais alors sept ans, Rosemay et moi, nous fréquentions la même institution scolaire primaire, la Montagne Blanche Church of England Aided School. Un jour, notre enseignant de classe de seconde, un certain Monsieur Théodore, nous avait pris en photo. Avant que mon introducteur prononça le nom de la dame, je laissai éclater cette phrase : « Eski to pa Rosemay Lee Pak Cheong e ki to ti pe abit Sans-Souci. To ena enn ser ene Madeleine e enn frer Bouboulle ki ena enn lanvi leksi lor enn lazou. » Rosemay, stupéfaite, jeta un regard furtif vers son époux et secoua la tête en signe d’acquiescement. Pour moi, cette rencontre fortuite, 65 ans après, constitue une « red letter day », dans le long cheminement de la vie d’un septuagénaire qui possède des souvenirs indélébiles qui, de temps à autres, refont surface et qui demandent à être exorcisés pour être canalisés dans une série de chroniques « down memory lane ». Le besoin de les partager avec d’autres personnes témoigne de cette solidarité envers les hommes qui partagent un même destin commun : vivre en amitié !
Cette rencontre a une valeur symbolique, comme c’est le cas de la rencontre historique entre les deux explorateurs anglais, le Dr Livingstone et Stanley, sur le bord du lac Tanganyika, à Ujiji, au milieu du 19e siècle, anecdote que j’avais apprise, adolescent, dans les manuels scolaires, quand Stanley prononça cette phrase restée célèbre dans l’histoire : « Dr Livingstone, I presume ! »
La surprise n’était pas finie, puisque je me suis retrouvé sur la même table que le couple Yeung Yam Wah, dont l’épouse Florence est la cousine germaine de mon épouse. Elle est née Wong Sui Hing et la mienne Wong Sin Wai. J’ai aussi rencontré un ami de classe de la St Andrews School, Philippe Wong Too Yuen, que j’avais perdu de vue depuis qu’il a émigré au Canada à la fin des années 60.
Mister Mauritius
J’ai aussi fait la connaissance d’un ancien Mister Mauritius des années 1960, Martial Chong Ton. J’ai appris qu’il taquinaite toujours la muse, son violon d’Ingres ! Martial dans les années 1960 et 1970, il contribua régulièrement à la page littéraire du journal Le mauricien, qu’anima alors le journaliste Yves Ravat, alors que ce quotidien était dirigé par André Masson. Martial Chong Ton faisait partie de ces jeunes poètes d’alors du Ward 1V de Port Louis, comprenant, entre autres, Joseph Tsang Mang Kin, Jean Georges Prosper, Kenneth Nathanaël et feu Emmanuel Juste. J’avais connu ce dernier quand nous étions collègues au quotidien l’express. Martial m’a demandé ce qu’est devenu son vieil ami Rivaltz Kenneth, autre enfant du Ward 1V. Il fut surpris d’apprendre la disparition de ce dernier l’an dernier, tout comme celle d’Emmanuel Juste.
Coïncidence de taille
Enfin, il m’a fallu être au Canada pour rencontrer cette voisine de Mare-Gravier où j’habitais, Marie-Claire Pun Lai Yuen, lors de ce déjeuner mémorable. Marie Claire, qui a passé des vacances chez son fils et ses petits-enfants en Grande-Bretagne, a fait un petit crochet par Toronto pour voir des proches avant de mettre le cap sur Maurice. Même si nous étions voisins, et que cent mètres séparaient sa maison de la mienne, nous nous rencontrions assez rarement. Comme quoi, la coïncidence est de taille !
Une anecdote similaire à celle que j’ai vécue avec Marie-Claire m’est arrivée, il y a trois ans, à mon retour à Maurice, venant du Canada, en septembre 2014. Ce fut à l’occasion de la cérémonie officielle du changement d’appellation du Centre municipal de loisir de Mare-Gravier, baptisé depuis Centre Municipal Manick. Alors que les invités se trouvaient à table pour déguster une assiette de briani, la conversation tournait autour de notre enfance, quand la vie n’était pas facile. Soudain, une septuagénaire d’origine indienne, assise à côté de moi et habitant à une encablure de ce centre municipal, commença à évoquer son enfance passé à Petit-Paquet, proche village de Montagne-Blanche.
Le déclic
Elle nous conta qu’elle avait fréquenté la Montagne Blanche Church of England Aided School et avait pour enseignant un monsieur Théordore et que le maître d’école, Monsieur Kistoe, avait une infirmité. Il était bossu. Ce fut le déclic. Je lui adressai cette question : « Est-ce que tu n’es pas de la famille Sakoordeep et que ton père Maraz était un chauffeur de taxi ? » Souvent, il faisait le « taxi-train » sur le trajet Montagne-Blanche/Port-Louis. Parfois, mon père, Ak Khee Tsang Kwai Kew, le boutiquier attaché à la boutique Petit-Profit, qui appartenait à la famille Lim Fat, avait recours à ses services quand ma famille allait à Port-Louis chez mes grands parents maternels. Elle me répondit affirmativement. – « Me to bizin konn mwa ! », je poursuivis. « To na pa rapel parfwa to ti peé asize kot mwa dan klas e parfwa mo ti pe asiz kot Rosemay Lee Pak Cheong. » Depuis, Mme Sakoordeep et moi sommes redevenus de bons amis. Maintenant, comme elle aide sa belle-fille, qui a ouvert un snack à la route Royale, Beau-Bassin, j’y vais assez souvent pour déguster une paire de faratas et consommer un bol de halim à l’agneau, profitant ainsi pour lui faire un brin de causette.
This unexpected encounter in Toronto has propelled me to start writing another chronicle which will figure in the collection of chronicles I hope to publish by next year. I have already found a title for it: « Montagne-Blanche, petite bourgade des années cinquante : un voyage à travers le temps. » I send you my greetings from Toronto and wishing you all to take time to read this chronicle.
Roland Tsang Kwai Kew
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !