Interview

Milan Meetarbhan, ex-ambassadeur de Maurice à l’ONU : «Il n’est pas exclu que les Britanniques ignorent l’avis de la Cour internationale»

Pour Milan Meetarbhan, il n’est pas exclu que les Britanniques ignorent l’avis de la Cour internationale de justice. Il estime que tout dépendra de la stratégie diplomatique que Maurice adoptera. Il se réjouit toutefois du fait que le groupe africain ait tenu parole en soutenant le pays dans son action.

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Le vote de l’Assemblée générale des Nations unies a été qualifié d’historique. Comment le jugez-vous ?
Ce qui est intéressant, c’est qu’on a obtenu le soutien des pays africains et de l’Amérique latine qui ont à cœur les questions liées à la décolonisation. Il est important de noter le score très faible de ceux ayant voté contre la motion, même s’il y a eu 65 abstentions.
Mais l’ampleur du vote n’a aucune incidence sur la suite. L’affaire ira devant une Cour de justice qui se penchera sur les points de droit et non sur le vote. Plusieurs personnes font erreur en disant que l’État mauricien doit porter l’affaire devant la Cour internationale de justice (CIJ). C’est le Secrétaire général des Nations unies qui doit le faire. Pour qu’un État saisisse la CIJ, il faut que l’autre partie donne son accord.

Quelle différence entre les deux procédures ?
Quand ce sont les États qui portent l’affaire devant la Cour, celle-ci a le pouvoir de trancher. Là, ce n’est pas le cas. La CIJ donnera un avis consultatif. Mais Maurice pourra faire valoir ses arguments, comme n’importe quel État-membre.

Combien de temps prendront ces procédures, selon vous ?
D’abord, la Cour doit décider si la question qu’on lui pose relève de ses compétences. Il faut s’attendre à ce que la Grande-Bretagne et les États-Unis cherchent déjà à soulever des objections à ce stade. Quand vous voyez les arguments mis en avant par les Britanniques et les Américains au moment du vote, à savoir qu’il s’agit d’une affaire bilatérale qui ne relève pas d’une juridiction internationale, vous pouvez déjà deviner qu’ils poursuivront avec cette stratégie. Si la Cour décide que la question relève de ses compétences, il faudra écouter les arguments légaux sur le fond pour donner son avis. Donc, cela risque de prendre beaucoup de temps.

Si Maurice obtient gain de cause, comment l’État pourra-t-il utiliser cela ?
L’avis consultatif a essentiellement une autorité morale. La Grande-Bretagne et les États-Unis se retrouveront dans une situation embarrassante. Ce sera à Maurice d’en profiter pour tenter d’amener ces deux pays à négocier. Ce qu’ils n’ont pas accepté de faire jusqu’à présent. C’est à Maurice d’adopter la bonne stratégie diplomatique.

L’État mauricien a déjà subi des menaces de sanctions des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Doit-on s’attendre à de nouvelles tentatives d’intimidation ?
Je ne serais pas surpris qu’ils tentent tout ce qu’ils peuvent pour empêcher que le cas n’aille de l’avant. Ce que nous devons nous demander, c’est s’ils sont si convaincus d’avoir le droit de leur côté, pourquoi aller aussi loin pour empêcher à la Cour d’émettre une opinion ?

On a vu des États violer des résolutions des Nations unies sans être vraiment inquiétés. Quelles sont les chances que les Britanniques et les Américains ne changent pas leur position ?
Vous avez raison. Il n’est pas exclu que les Britanniques ignorent l’avis de la CIJ. Mais cela dépendra de la stratégie diplomatique que Maurice adoptera. Nous sommes un petit pays et il faut en tenir compte. Il faudra d’abord avoir le soutien d’autres pays.

Le vote massif en faveur de la motion est donc de bon augure ?
Le groupe africain a tenu parole. En 2011, nous avions invité l’Union africaine à soutenir toute action de Maurice aux Nations unies sur les Chagos. La motion avait été adoptée à l’unanimité. Nous avions entrepris la démarche parce que nous travaillions déjà sur la résolution pour demander l’avis consultatif de la CIJ. Nous avions progressé avant de décider, sur conseil légal, de mettre les démarches en suspens pour ne pas les compromettre auprès du Tribunal international du droit de la mer. Et en 2015, il y a eu continuité au sommet de l’État sur ce dossier.

 

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