Le blanchiment d’argent prend de l’ampleur dans notre société. Quelles sont les causes ? Que disent nos lois sur ce délit ? Sont-elles dissuasives ? Comment peut-on améliorer notre système ? Le point avec deux légistes.
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Pour Me Penny Hack, le sujet est vaste. Il indique que Maurice a promulgué plusieurs textes législatifs pour lutter contre le blanchiment d'argent et que notre cadre juridique est aligné sur les normes internationales du Groupe d’Action Financière (GAFI). En théorie, soutient Me Penny Hack, ces lois renforcent les mesures préventives d’une façon générale dans nos institutions financières, les entreprises et les professions non financières.
Ces lois, dit-il, comprennent la Financial Intelligence and Anti Money Laundering Act (FIAMLA) et ses régulations, la Prevention of Corruption Act (PoCA), l’Asset Recovery Act (ARC), la Mutual Assistance in Criminal and Related Matters Act, entre autres.
« L’arsenal législatif a priori est robuste. Le délit de blanchiment à la base concerne deux éléments. Premièrement, le fait qu’une personne s'engage dans une transaction illégale impliquant des biens directement ou indirectement. Deuxièmement, s’il y a des motifs raisonnables de soupçonner que le bien provient ou a été réalisé directement ou indirectement d'un crime. Quand les deux sont réunis, il y a infraction », explique l’avocat.
D’emblée, Me Penny Hack affirme qu’en cas d’un verdict de culpabilité pour blanchiment d’argent, une personne est passible à une amende maximale de Rs 10 millions et d'une peine de servitude pénale de 20 ans. Aussi, le tribunal peut ordonner la saisie des biens de cette personne.
Nos lois sur le blanchiment d’argent sont-elles dissuasives ?
Pour Me Penny Hack, les lois en elles-mêmes sont dissuasives et la personne ou l’homme de paille peut facilement se retrouver en prison et financièrement sur la paille.
Selon Me Muhammad Ibn Saud Peerun, bien que le législateur et les régulateurs aient fait d'énormes efforts pour réduire la faiblesse de nos législations depuis 2014, il s’avère que des astuces de plus en plus ingénieuses sont utilisées par ceux qui blanchissent de l'argent pour contourner la loi. « Afin d’avoir plus de rigueur, il est important que les institutions collaborent davantage et partagent les informations pour mieux lutter contre le blanchiment d’argent », soutient-il. Ce dernier affirme, cependant, que les lois sont seulement efficaces si des enquêtes approfondies sont menées pour traquer les criminels.
Si l’arsenal législatif est robuste, comment expliquez-vous la faillite présente du système ?
« Fondamentalement, le système dysfonctionne quand les institutions créées par ces lois pour lutter contre le blanchiment, sont incompétentes, inefficaces ou même corrompues », soutient Me Penny Hack. Il est d’avis que le système en fait est une symbiose entre les différents acteurs qui doivent agir, communiquer et travailler, comme une ligne de production synchronisée.
« À Maurice, il est devenu clair que la corruption à l’intérieur des corps publics, est en train de se prévaloir, pour ne pas dire est devenue inquiétante, et que le torchon brûle entre les différentes institutions. Notamment entre l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) et la Financial Intelligence Unit (FIU) ou la Financial Services Commission (FSC) ou entre différents départements de la police ».
D’autre part, dit-il, récemment, des différends très graves ont fait surface entre le commissaire de police (CP) et le Directeur des Poursuites Publiques (DPP). Pour Me Penny Hack, la situation est devenue chaotique et hors de contrôle.
Que proposez-vous pour améliorer notre système ?
Pour Me Penny Hack, les inspections du GAFI et de l’Union européenne de notre juridiction ne prennent pas en considération la corruption et le dysfonctionnement à l’intérieur de nos institutions. Ils se concentrent essentiellement sur leurs 40 recommandations et les lois promulguées.
Me Penny Hack est d’avis que la corruption et le dysfonctionnement sont aujourd’hui à la base du blanchiment d’argent à Maurice. Il suggère que le GAFI et l’Union européenne inspectent davantage le niveau de corruption et le dysfonctionnement dans nos institutions, et que cette inspection soit liée à leur liste grise et noire respective.
De son côté, Me Muhammad Ibn Saud Peerun souligne que récemment, Maurice a adopté plusieurs réglementations qui prévoient que des secteurs tels que l'immobilier, la bijouterie, les jeux de hasard, les comptables, ont désormais un devoir de vigilance relatif à la clientèle et de conservation des documents (Customer Due Diligence). Pour l’avocat, ces outils statutaires aideront définitivement les autorités à faire un « Money Trail » beaucoup plus efficace.
Un moyen d’améliorer notre système, selon lui, est d’approfondir la collaboration entre les organismes de renseignements financiers et les institutions. C’est dans le but de lutter contre la corruption et d’harmoniser les législations en matière d’infractions préalables au délit de blanchiment. Il propose aussi d’améliorer l’accès aux informations relatives aux bénéficiaires effectifs de ces actes.
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