Mesures «populaires» : l’impact sur l’électorat et les finances publiques 

Le chapelet de mesures populaires déjà mises en pratique et celles qui seront annoncées durant les prochains mois auront un impacte aussi bien sur l’électorat que sur les finances publiques. C’est ce qui ressort de l’émission Au Cœur de l’Info, présentée par Nawaz Noorbux et Jugdish Joypaul, sur Radio Plus, hier. 

L’historien et politologue, Jocelyn Chan Low, estime que la population, historiquement, a toujours attendu beaucoup de l’Etat, à travers l’Etat providence. Si ce concept a permis d’apporter une stabilité au pays, Jocelyn Chan Low est d’avis que les politiciens ont aussi compris qu’un élargissement de ce concept est un moyen de garantir une victoire aux élections. Il a entre autre cité l’éducation et le transport gratuit, annoncé par Ramgoolam père et fils respectivement, ainsi que la hausse de la pension de vieillesse tel qu’avait annoncé, cette fois, Jugnauth père et fils. « Tout gouvernement qui a tenté de faire le contraire, comme le gouvernement MMM-MSM en 2005 avec la pension, a perdu les élections », indique Jocelyn Chan Low. 

Toutefois, Jovelyn Chan Low fait remarquer qu’il est désormais question non pas d’une mais d’une série de mesures. Cela s’expliquerait, selon lui, par le fait que la population, pour la grande majorité – 70% selon un sondage effectué – n’a plus d’allégeance à un parti politique traditionnel. « Le gouvernement a donc décidé d’agir sur cette culture mauricienne et annoncer plusieurs mesures, qui a d’ailleurs déjà commencé à travers les allocations de CSG, la hausse du salaire minimum et la compensation salariale, entre autres », souligne l’historien qui est d’avis que la population est, une fois de plus, en attente de l’expansion de l’Etat providence. 

Le journaliste et observateur, Alain Gordon Gentil, dit toutefois ne pas partager l’avis à l’effet que la formule gagnante pour un parti politique aux élections se cantonnerait à des promesses électorales. « Si je commence à penser de cette façon, cela voudrait dire que j’ai un mépris pour la population. (…) Je crois plutôt qu’il y a confusion entre l’Etat providence et le ‘bribe’ electoral », dit-il. Alain Gordon Gentil ajoute qu’il trouve aucun problème à ce qu’une bonne partie de la population n’a pas d’allégeance politique et qu’elle se base sur un programme électoral pour décider à qui attribuer ses votes. 

Sur le plan économique, Vinay Ancharaz, économiste, dit s’interroger sur la capacité du gouvernement à financer le chapelet de mesures déjà annoncé et celles qui le seront au courant de cette année électorale. « Est-ce que l’Etat providence dans sa forme actuelle est soutenable ? C’est une grande question », estime-t-il. Selon l’économiste, la croissance économique mise en avant par le gouvernement pour justifier ce qu’il qualifie de « largesse » ne tiendrait pas la route. S’il concède que le Produit Intérieur Brut (PIB) du pays a certes augmenté pour passer à Rs 651 milliards en 2023, Vinay Ancharaz estime que serait en termes nominal seulement mais qu’en réalité, la hausse du PIB serait de 1,2% seulement. L’économiste concède aussi qu’il ne dispose pas de « réponse claire » si le gouvernement a les moyens de financer les mesures annoncées mais que, selon lui, le pays serait rentré dans un spiral inflationniste. « Et cela va se poursuivre », entrevoit-il. 

L’autre économiste présent sur le plateau, Ganessen Chinapen, se veut pour sa part plus rassurant. Il indique qu’il y a un travail qui a déjà démarré en ce sens par le gouvernement. « Il y a un Think Tank qui se penche sur une planification du pays en général ainsi que pour différents secteurs individuellement, de même que sur les défis que le pays doit faire face, comme le vieillissement de la population », dit-il. Une situation qui, selon l’économiste, provoque un débalancement démographique et qui pourrait se révéler être un « time bomb » à l’avenir et engendrer un problème de soutenabilité.