Qui guériront leurs maux à eux ? Des centaines de médecins malgré leurs longues années d’études n’arrivent toujours pas à décrocher un emploi. Si le chômage des médecins fait actuellement polémique, il s’agit d’une vieille énigme qui selon les événements n’est pas prête à être résolue. Autopsie de la situation…
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Triste bilan pour de nombreux diplômés en médecine. Après plusieurs années d’études, des heures à assimiler des théories médicales et des séances de pratique, sans oublier les grosses sommes d’argent dépensées, ils pensaient que leurs efforts allaient enfin être récompensés.
Toutefois, le revers de la blouse blanche leur laisse un goût amer : des centaines de médecins se retrouvent au chômage après leurs études et se retrouvent dans des situations très difficiles.
Sur les 460 candidatures obtenues, la Public Service Commission (PSC) a récemment procédé au recrutement de seulement 60 médecins, laissant les autres postulants dans le flou total. Paradoxalement, nos hôpitaux sont toujours débordés et les médecins y exerçant se disent surmenés. Parviendrons-nous un jour à trouver une solution qui convienne à tous ?
[panel contents=" Le nombre des médecins continue à augmenter. En effet, on compte à présent 1 716 médecins généralistes et 787 spécialistes enregistrés auprès du Medical Council (MC). Selon le Dr Keshaw Deepchand, le Registrar du MC, trois demandes d’enregistrement en tant que médecin généraliste sont actuellement à l’étude. Par ailleurs, l’article 23 de la Medical Council Act stipule qu’il faut passer un examen du Postgraduate Medical Education Board, avant d’être enregistré en tant que spécialiste. Six médecins attendent d’être enregistrés par ce panel. Par ailleurs, pour l’année 2014, 2 804 étudiants se sont inscrits pour des études en médecine dans des universités locales et internationales." label="La liste s’allonge…" style="info" custom_class=""]
Pour le Dr Waseem Ballam, président de la Medical and Health Officers’ Association (MHOA), le problème du chômage des médecins est bien plus complexe qu’on le pense. «Tout commence par la facilité d’accès aux études de médecine. De nos jours, il est possible d’étudier dans des universités reconnues, sans pour autant débourser une somme d’argent colossale comme c’était le cas auparavant. Ce qui a eu pour conséquence un nombre accru d’étudiants optant pour la médecine », explique-t-il.
Or, ajoute le médecin, personne ne s’est jamais attardé sur le placement de ces derniers après leurs études. « Il n’a jamais eu de régularisation sur le nombre d’étudiants qui optent pour la médecine et aujourd’hui on se retrouve avec des centaines de médecins au chômage », indique le président de la MHOA. Pour notre interlocuteur, la situation est certes préoccupante mais pas désespérée.
Des solutions existent
Il existe, selon lui, des moyens pour ‘absorber’ les médecins chômeurs. « Au niveau de notre association, nous avons fait état, à plusieurs reprises, de la situation dans laquelle travaillent les médecins affectés dans les hôpitaux. Certains sont contraints de travailler 31 heures d’affilée. C’est tout simplement inhumain de travailler dans de telles conditions ! Pourtant, la solution existe. En instaurant un ‘shift system’, les médecins auront moins de charge sur leurs épaules. Cela va réduire le taux de chômage et diminuer le nombre de plaintes pour négligences et erreurs médicales », lance le Dr Wasseem Ballam. Dr Patrick How de la Private Medical Practioners’ Association (PMPA) préconise, pour sa part, le concept de ‘médecin de famille’, qui a fait ses preuves dans plusieurs pays. Selon la World Organization of Family Doctors (WOFD), plus de 500 000 médecins de famille travaillent dans environ 130 pays. C’est un concept que l’on dit efficace. Pourquoi ne pas l’instaurer à Maurice, s’interroge le Dr How. « Cela peut aider à diminuer la pression dans les hôpitaux publics, qui pourront davantage prodiguer un service de santé de qualité. Dans les pays où ce système a été instauré, les médecins ont un meilleur suivi des patients, qui souffrent de maladies telles que l’hypertension et le diabète. En ce qui nous concerne, ce concept pourrait être un moyen d’endiguer le chômage des médecins », affirme-t-il.Pas de place dans le privé
Une autre solution serait de travailler dans le privé ou d’ouvrir son propre cabinet. Cela peut être une option mais elle est loin d’être la meilleure, apprenons-nous. Selon les médecins du privé, l’herbe n’y est pas plus verte ailleurs. « Nous ne sommes pas mieux lotis que ceux du public et la situation est dramatique », affirme le président de la PMPA. Selon lui, le service de santé privé souffre également de nombreux maux. « Il n’y a pas de travail dans le privé. La situation est très précaire. Nous devons nous rendre à l’évidence que le service de santé public étant gratuit, uniquement 2% de la population vont vers les médecins privés. L’ouverture et la gestion d’un cabinet médical ne sont malheureusement pas à la portée de tout le monde. Cela implique de nombreux frais que les médecins ne parviennent pas à couvrir, compte tenu du manque de patients », indique-t-il. Quant à la situation dans les cliniques privées, Dr Dawood Oaris, président de l’association des cliniques privées souligne que ces établissements ne peuvent pas, faute de moyens, employer plus de médecins. Le nombre de recrutement annuel y est ainsi très restreint. Il déplore aussi le fait que les autorités mauriciennes ne demandent pas l’avis des médecins expérimentés pour remédier à ce problème. « Nous avons de l’expérience dans le domaine et nous pouvons aider les autorités à trouver une solution pour endiguer le chômage des médecins. Il est triste que nous soyons exclus dans la prise de décisions », dit-il. [padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1]Dr Baboo Servansingh: « Le Medical Council n’est pas impliqué dans le processus de recrutement »
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"2538","attributes":{"class":"media-image alignleft wp-image-3222 size-full","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"250","height":"300","alt":"Dr Baboo Servansingh"}}]]« La priorité aurait dû être donnée à ceux qui attendent d’être embauchés depuis plusieurs années », fait ressortir Dr Baboo Servansingh, président du Medical Council. Toutefois, il ajoute que le conseil n’est pas impliqué dans le processus de recrutement, mais que son travail est d’assurer que les pratiques médicales se font dans le respect des lois en vigueur. « Il faut beaucoup de patience quand on postule pour être médecin dans le service public. Je suis moi-même passé par ce processus de recrutement en 1985, où uniquement 15 candidats ont été retenus sur 200 postulants. Mais la situation a beaucoup changé depuis et il y a de l’espoir », dit-il.Anil Gayan: « L’Afrique peut absorber notre surplus de médecins »
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"2707","attributes":{"class":"media-image alignright size-full wp-image-3575","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"250","height":"300","alt":"Anil Gayan"}}]]Le ministre de la Santé, Anil Gayan, s’est attardé sur la question des médecins chômeurs dans l’émission Le Grand Journal, sur Radio Plus, jeudi. Interrogé sur les solutions qui seront proposées par son ministère pour pallier ce problème, le ministre a de nouveau souligné qu’il existe d’autres horizons à prendre en considération. « Les médecins ne doivent pas se focaliser sur la fonction publique. L’État ne peut malheureusement pas embaucher tous les médecins chômeurs. Toutefois, lors de mes rencontres avec les experts africains, nous nous sommes rendu compte que l’Afrique est un continent qui peut ‘absorber’ notre surplus de médecins. La majorité des médecins sont sud-africains et ces derniers sont essentiellement anglophones. Or, il y a une demande pour les médecins francophones. Ce qui représente une aubaine pour nos médecins. J’invite tous ceux qui sont intéressés par cette proposition à aller de l’avant », a-t-il soutenu. N’est-il pas paradoxal d’envoyer des médecins en Afrique alors que nos hôpitaux sont débordés de patients ? À cette question, le ministre répond que le ministère n’est pas impliqué dans le processus de recrutement. « C’est la PSC qui est autorisée à recruter des médecins. En ce qui concerne la situation dans les hôpitaux, nous travaillons sur un projet de décentralisation. Le ministre ne peut pas intervenir dans les décisions de la PSC », a-t-il ajouté. Dans une précédente émission, Anil Gayan avait fait comprendre qu’il y a en ce moment un besoin de médecins spécialisés dans des domaines tels que la neurochirurgie. « Il n’y a pas de relève. C’est pour cette raison que nous avons souvent recours à l’expertise étrangère sur une base temporaire », a-t-il dit.Entre frustration et colère
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"2708","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-3576","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"350","height":"577","alt":"M\u00e9decins"}}]]Ces médecins au chômage depuis des années sont amers lorsqu’ils pensent à leur situation. La peur des représailles et, surtout, la honte font qu’ils se confient sous le couvert de l’anonymat… Kevin, 33 ans, est le premier à nous ouvrir son cœur. C’est un jeune homme plein d’espoir qui rentre au pays, il y a deux ans, après avoir terminé sa spécialisation. « Je ne savais pas que les choses allaient être ainsi », lâche-t-il, amer. Le pire, ajoute notre interlocuteur, c’est qu’il ne peut rien faire pour sa famille. « J’ai honte de moi. Mes parents ont financé mes études et, aujourd’hui, quand ils sont à la retraite, je ne peux rien faire pour eux. C’est ma femme qui doit s’occuper de nous. Il m’arrive même de penser que ceux bénéficiant d’une assistance sociale sont mieux lotis que moi », avoue Kevin. Il soutient que se lancer dans le privé n’est pas une solution, car il peut ne pas avoir des clients pendant des jours. « Quand on a une famille sous sa responsabilité, il est préférable de travailler dans le service public pour avoir un salaire fixe. J’ai soumis ma candidature à deux reprises, mais en vain », déplore le médecin. Kevin se dit déçu de la situation des médecins à Maurice. Il avance que « les recrutements ne se font pas dans la transparence ». « Nous avons tous pris part aux mêmes examens. Sur quels critères se basent-ils donc pour choisir les médecins ? Après 12 années d’études, je n’ai pas le courage d’en entreprendre d’autres. Si ma situation ne change pas, je serai obligé de quitter le pays pour aller pratiquer ailleurs », dit-il.Un calvaire
Salim, 31 ans, abonde dans le même sens. « Je n’écarte pas l’idée d’aller travailler à l’étranger, si le gouvernement estime qu’il est impossible de recruter les 400 médecins au chômage », martèle notre interlocuteur. Il dit vivre un calvaire au quotidien. «Demander de l’argent à ses parents retraités est très pénible, alors que c’est mon tour de les aider. J’ai terminé mon internat en 2012 et je suis toujours sur une liste d’attente pour être recruté en tant que généraliste ! », tonne le jeune homme. Ce dernier ne cache pas son amertume et sa colère concernant les procédures de recrutement dans nos hôpitaux publics. « Il y a des médecins qui ont terminé leur internat en décembre 2014 et ont déjà été recrutés ! Il est grand temps que la liste soit rendue publique, car il semblerait que certains médecins ont des affinités politiques. Il serait plus logique de recruter les ‘seniors’. Cela permettra ainsi de réduire la pression et la charge de travail des médecins déjà en poste dans les hôpitaux », soutient-il. Dû à des problèmes financiers, le jeune homme ne peut songer à poursuivre ses études. De plus, ajoute-t-il, « se lancer dans le privé n’aide pas vraiment, car les patients préfèrent aller chez les médecins de renom. Ceux qui ont de la chance ont pu être embauchés dans des cliniques privées, alors que d’autre ont dû carrément opter pour une reconversion professionnelle. La plupart d’entre nous sommes endettés et nous devons nous débrouiller pour que nos parents n’endossent pas ce fardeau seuls », dit-il. C’est justement le problème de Shaheen, 29 ans. C’est sa mère qui se voit dans l’obligation de rembourser le prêt contracté pour payer ses études de médecine. « Je suis issue d’une famille modeste et ma famille a consenti beaucoup d’efforts pour moi. Or, aujourd’hui, ma mère doit rembourser ce prêt seule, car j’attends d’être embauchée depuis 2012. Elle ne peut se permettre de vivre avec tout le confort qu’elle mérite. Je me sens responsable de son état », lance-t-elle, visiblement très gênée de sa situation.Comment rembourser les prêts ?
Notre interlocutrice se dit chanceuse d’être toujours célibataire. Elle se demande comment allait-elle s’en sortir si elle avait une famille à charge. En attendant d’être embauchée par l’état, Shaheen pratique dans le privé. « Je connais certains médecins chômeurs comme moi qui travaillent dans des quincailleries et des boutiques d’électroménagers pour subvenir aux besoins de leur famille. Ce n’est pas évident de travailler dans le privé, avec le nombre de médecins sur le marché. Il y a des semaines où je n’ai pas de client. C’est une lutte perpétuelle pour les médecins chômeurs », lance-t-elle. Shaheen dit avoir soumis sa candidature cette année encore. « Lors du récent recrutement, j’ai rencontré certaines personnes qui m’ont dit « si to pa ale guet ministre cuma moi, b to pou pren pension lacaz meme ». C’est révoltant , conclut-elle. [padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1]
Transparence lors des entretiens
Comme les précédents interlocuteurs, Sheila a terminé ses études il y a plusieurs années et attend d’être recrutée depuis quatre ans. Pour cette dernière, il faudrait plus de transparence lors des entretiens. Un examen d’entrée serait idéal, affirme-t-elle. « Les récentes interviews n’ont duré qu’environ cinq minutes et les questions posées ne pouvaient déterminer les compétences des candidats. Il serait mieux de faire passer un examen aux postulants. Ainsi, le recrutement sera basé sur la compétence et la méritocratie », affirme-t-elle. <Publicité
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