Rendre justice est une tâche extrêmement noble, mais difficile, explique Me Shameer Hussenbocus. L’homme de loi soutient que notre système légal doit se faire à l’idée qu’il n’est pas infaillible. Notre appareil judiciaire a été crée par l’homme et l’erreur est humaine.
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Rien que pour 2015 et uniquement en matière pénale, 149 exonérations à la suite d’erreurs judiciaires ont été enregistrées aux États-Unis. On parle seulement des cas où de nouvelles preuves ont mené à la libération d’un condamné. Il est incroyable qu’il n’y ait pas une seule erreur judiciaire qui a été officiellement reconnue comme telle, ni une exonération après l’obtention de nouvelles preuves à Maurice. Devons-nous comprendre que notre système légal est parfait ? Loin de là ! Il y a autant d’innocents dans nos prisons et des coupables qui courent toujours. Il y a des cas, comme dans l’affaire Marcelin Azie, où l’erreur judiciaire a été évitée de justesse. Quelles sont les causes de l’erreur judiciaire ? Rendre justice est une tâche extrêmement noble, mais elle est également difficile. En matière pénale, il existe dans un système légal, comme le nôtre, certaines règles et principes qui ont pour but d’assurer le bon fonctionnement de notre système. La présomption d’innocence, les règles concernant la recevabilité des preuves, le droit de se faire représenter par un homme de loi et le droit de faire appel, sont quelques-uns de ces principes et règles. Cependant, malgré toutes ces garanties, il est impossible de rendre notre système judiciaire infaillible et pour cause : notre système légal a été créé par l’homme et l’erreur est humaine. Les magistrats ou les juges ne sont pas les seuls responsables de l’erreur judiciaire ; plusieurs facteurs peuvent intervenir à partir du moment de l’arrestation d’une personne jusqu’au verdict qui résulte d’une erreur judiciaire. Il y a des enquêteurs qui ne sont pas suffisamment formés ou qui manquent de moyens à leur disposition pour mener rondement une enquête. Il y aussi une enquête bâclée ou qui a été faite de mauvaise foi, un témoin qui ment, la pression populaire ou encore négligence de la part de la poursuite ou de la défense. Très souvent, plusieurs de ces causes se retrouvent dans la seule et même erreur judiciaire. Il y a donc les erreurs judiciaires qui sont imputables aux personnes, par exemple, dans le cas où un enquêteur force un accusé à avouer un crime qu’il n’a pas commis ou encore dans le cas où un magistrat se fait induire en erreur par un témoin malhonnête. Il y a aussi les erreurs qui sont imputables à notre système, par exemple, la pression populaire de punir une personne dans les plus brefs délais ou encore l’effet des médias sur un procès. Dans le contexte local, l’affaire L’Amicale est un cas très particulier où presque toutes les causes des erreurs judiciaires, dont nous avons parlé plus tôt, se retrouvent dans le même cas. Ici, nous ne parlons pas d’une personne, mais de quatre individus qui clament leur innocence, voilà presque dix-sept ans. Je pense, toutefois, que la vérité ne tardera pas à éclater dans cette affaire. Pour prendre les mots de l’écrivain et journaliste Émile Zola : « Quand on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle. On verra bien si l’on ne vient pas de préparer, pour plus tard, le plus retentissant des désastres. » Quel autre recours dispose un condamné qui clame toujours son innocence après avoir puisé tous les recours judiciaires possibles, notamment la cour d’appel et le Conseil privé ? C’est difficile de croire que jusqu’en 2013, une victime d’erreur judiciaire, qui se retrouve en prison, n’avait aucun recours légal après avoir épuisé le droit d’appel. Bien sûr, une demande de grâce auprès du Président de la République était possible mais cela, même si fructueux, ne démontrait pas l’innocence du demandeur. En 2013, à la suite de la publication du rapport « Wrongfully Convicted », la « Criminal Appeal (Amendment) Act » a été votée. Cela donne désormais la possibilité à une victime d’erreur judiciaire en matière pénale, qui détient des preuves de son innocence, de saisir la Cour suprême ou la Commission des droits de l’homme. Toutefois, la recevabilité de ces preuves est sujette à des tests beaucoup trop rigides et il nous reste beaucoup de progrès à faire dans ce domaine. Comment rendre notre système judiciaire plus fiable ? La première chose, c’est de reconnaître que notre système n’est pas parfait et d’accepter que nous commettons des erreurs. D’accepter qu’il y ait eu et qu’il y aura des erreurs judiciaires à Maurice. J’ai l’impression que pour beaucoup, Maurice dispose d’une immunité quand il s’agit d’erreurs judiciaires. Tel n’est pas le cas ! Nous avons tous reçu une belle leçon d’humilité des Lords du Conseil privé dans l’affaire L’Amicale quand ces derniers ont reconnu avoir pris une mauvaise décision et sont ensuite revenus sur leur décision. Il n’y a pas de honte à reconnaître notre erreur ! Ensuite, comme tout autre problème, pour essayer de trouver une solution à long terme, il faut s’attaquer à la racine même de ce mal qui ronge notre système. Cela fait des années que l’on parle de l’introduction de la ‘Police and Criminal Evidence Act’, mais il n’y a rien qui se concrétise. Il y a aussi la formation. Ce n’est plus un secret que sans formation, les enquêteurs peuvent souffrir de « vision en tunnel », c’est-à-dire qu’ils interprètent systématiquement tous les faits en fonction de ce qu’ils veulent prouver et oublient les faits qui pourraient disculper un prévenu. Pourquoi donc ne pas investir dans la formation adéquate de nos enquêteurs ?
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