Interview

Me Neelam Ramsaran-Jogeea : «La CDU peut enlever un enfant maltraité de ses parents»

Me Neelam Ramsaran-Jogeea

Il existe des lois à Maurice pour protéger un enfant de tout abus. Selon l’avocate Neelam Ramsaran-Jogeea, l’enfant peut être aussi enlevé de ses parents  par la CDU suite à un ordre émis par la cour.

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Quels sont les moyens pour protéger un enfant contre les mauvais traitements ?
En 1989, le premier texte international juridique sur les droits fondamentaux de l’enfant, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE), fut consacrée et elle a été ratifiée par presque tous les pays du monde.

Maurice a ratifié la Convention en 1990. Les droits principaux protégeant l’enfant sous la CIDE sont notamment le droit à la vie, à la santé, au bien-être, au développement, à l’éducation, à l’égalité et à la protection contre l’exploitation, entre autres.

En outre, la protection de l’enfant est prescrite par la Child Protection Act, la Domestic Violence Act et la Juvenile Offenders Act.

Les parents ont également l'obligation de protéger leur enfant des dangers physiques, sexuels et émotionnels. Un parent qui ne protège pas son enfant commet un délit et peut encourir une amende et en cas de récidive, il peut être passible d’une peine de prison.

Un enseignant ou un membre du personnel scolaire peut aussi protéger l’enfant contre la maltraitance et il a le devoir légal, selon l’article 11 de la Child Protection Act de signaler les cas de violence sur l’enfant immédiatement au ministère de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille.

La Brigade pour la protection des mineurs, les enquêteurs de la CDU ou encore ceux du Bureau de l'Ombudsperson for Children doivent intervenir et fournir une prestation de services complète pour une assistance immédiate et un suivi à l’enfant qui subit des mauvais traitements.

Lorsqu’un médecin examine un enfant et aperçoit que celui-ci est victime de maltraitance, qu’en est-il de la levée du secret médical ?
Un cas d’abus sur un enfant divulgué de bonne foi par un médecin dans l’exercice de ses fonctions, n’est pas passible de poursuite. Selon l’article 11 de la Child Protection Act, tout personnel médical et paramédical a une obligation légale de signaler les cas de violence sur les enfants immédiatement au ministère de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille.

De plus, d’après un protocole du ministère de la Santé introduit en 2009, lorsqu’un médecin soupçonne que l’enfant qu’il examine a été victime de violence physique, d’abandon ou de négligence, il doit le faire passer un examen médical complet, incluant une radiologie. Il doit, par la suite, aviser la CDU et ne pourra signer la décharge de l’enfant sans l’aval de celle-ci.

Un parent peut demander de l'aide à la CDU si son enfant échappe à son contrôle. »

A-t-on une obligation de dénoncer qu’un enfant est victime de mauvais traitements ? Où peut-on rapporter le cas ?
Selon l’article 39A du Code Pénal, une personne qui s’abstient de porter assistance par action personnelle ou en provoquant un secours à une personne en péril sans entraîner de risque pour lui, ni pour les tiers, commet un délit. Cette personne risque une amende maximale de Rs 10 000 et une peine d’emprisonnement ne dépassant pas deux ans.

La maltraitance physique ou verbale contre un enfant peut être rapportée à la CDU qui a pour objectif de veiller à ce que les droits de l’enfant soient respectés.

Le cas peut aussi être rapporté au bureau de l’Ombudsperson for Children ainsi qu’à la police notamment la Brigade pour la protection des mineurs ou la Police Family Protection Unit.

Qu’encourt une personne jugée coupable de maltraitance ?
L’article 13 de la Child Protection Act prévoit que toute personne qui maltraite un enfant ou l’exposant à un danger commet un délit et qu'elle est passible d’une amende maximale de Rs 25 000 et d’une peine d’emprisonnement ne dépassant pas cinq ans.

Dans le cas où un enfant est victime de maltraitance, les autorités peuvent-elles demander que la garde de l’enfant soit enlevée à ses parents ? Qu’advient-il de l’enfant ?
Dans le cas de maltraitance, négligence, d'abandon ou si l’enfant est exposé à des dangers, la CDU peut faire la demande d’un Emergency Protection Order devant une cour de district. Cet ordre autorise la CDU à avoir accès à des lieux spécifiés dans l’ordre pour rechercher l’enfant, le retirer et le diriger dans un endroit en sécurité.

L’assistance de la police peut être sollicitée pour accompagner les officiers de la CDU. La CDU peut convoquer toute personne pour témoigner afin d’établir si l’enfant risque ou souffre de maltraitance, de négligence ou d’abandon. L’enfant recevra des traitements médicaux si nécessaire et il sera ensuite installé dans un endroit en sécurité.

Les parents peuvent-ils s’opposer à cette démarche ?
Les parents ne peuvent s'opposer à ce que leur enfant soit pris en charge par la CDU. Ils devront attendre 72 heures après l’émission de  l’Emergency Protection Order pour faire une demande devant la cour pour que l’ordre soit annulé.

Afin d’établir le meilleur intérêt de l’enfant, le magistrat peut ordonner une enquête auprès du Probation Service sur la situation familiale de l’enfant, son comportement général et son dossier scolaire.

Si le magistrat trouve que l’enfant sera toujours exposé à des dangers d’abandon, de négligence ou de maltraitance, il restera sous la charge de la CDU et sera renvoyé vers un lieu de sécurité (shelter ou residential care institution) jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 18 ans ou pour une durée que la Cour jugera appropriée.

Evidemment, les parents auront le droit de visiter l’enfant sous la supervision des officiers de la CDU.

Un parent peut demander de l’aide à la CDU ou au bureau de l’Ombudsperson for Children si son enfant échappe au contrôle parental.

Une enquête sera ouverte par ces institutions et elles feront aussi l’intermédiaire entre les parents et l’enfant. L’enfant sera encadré par des psychologues et des Enforcement Officers qualifiés.

Pensez-vous que nos lois sont assez dissuasives pour combattre la maltraitance d’enfant ?
Les délits criminels à l’encontre des enfants incluent un large éventail de fautes sous la Child Protection Act et le Code Pénal. La CDU a un rôle exclusif en ce qui concerne la protection des droits des mineurs. Bien que Maurice ait ratifié la CIDE, il n’a cependant pas force de loi alors que dans d’autres pays, elle est automatiquement intégrée dans leur loi.

Je pense qu’être enlevé de sa famille est déchirant, car tout enfant aussi maltraité qu’il puisse être aime ses parents et veut rester avec eux.

Bien que l’État prenne des mesures pour éliminer toute forme de violence envers les enfants, investir dans la prévention et la sensibilisation est essentiel. Aider les parents à développer leurs compétences parentales et promouvoir une bonne éducation préventive des enfants sur la violence sont primordiaux.

 

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