Interview

Me Neelam Ramsaran-Jogeea : «La capacité de discernement du mineur est déterminante»

Me Neelam Ramsaran-Jogeea 

De jour en jour, des délits graves, notamment des viols, meurtres et attaques à main armée sont commis par des adolescents. Un adolescent a-t-il le même droit qu’un adulte ? Qu’en est-il de son arrestation et de son procès ? L’avocate Neelam Ramsaran-Jogeea fait le point dans un entretien accordé au Défi-Plus.

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Est-ce que la police peut-elle appréhender un adolescent sans la présence d’un adulte ? Pourquoi ?
Quand la police arrête et détient un mineur, elle doit informer le(s) parent(s) ou son tuteur le plus rapidement possible. Elle doit faire part au parent de la raison pour laquelle son enfant a été arrêté et elle doit préciser le lieu où l’enfant est détenu pour que le parent puisse le visiter.

L’interrogation de l’adolescent doit être faite en présence d’un parent. Celui-ci peut aussi retenir les services d’un avocat pour assister l’adolescent. Cependant, si la police a fait tous les efforts possibles pour informer les parents à maintes reprises et que ces derniers n’agissent pas dans un délai raisonnable, elle pourra procéder à l’interrogatoire en leur absence.

L’adolescent peut-il fournir à la police des renseignements personnels sur lui ?
Pendant son interrogatoire, l’adolescent a le droit de garder le silence, de répondre ou de refuser de fournir des renseignements personnels sur lui. Aucune information divulguée sur le nom, l’adresse ou l’établissement scolaire pouvant mener à l’identification de l’adolescent ne doit être publiée. Je dois aussi mentionner que lorsqu’un adolescent est intercepté par la police pour une infraction criminelle, la police peut prendre ses empreintes. La police peut aussi faire une fouille corporelle et le photographier.

Dans le cas des infractions très sérieuses, la police peut effectuer avec l’accord en écrit d’un parent des analyses d’ADN selon le DNA Identification Act 2009.

Si l’adolescent est soupçonné d’avoir commis un délit, est-ce que la police peut l’arrêter ou doit-elle pour cela avoir l’aval du Directeur des Poursuites publiques (DPP) ?
La police peut arrêter l’adolescent sans l’aval du DPP s’il est soupçonné d’avoir commis un délit. Cependant, il ne pourra être poursuivi en cour sans l’aval du DPP. Le DPP doit évaluer tous les facteurs et décider si l’adolescent doit face à un procès. La capacité de discernement du mineur est déterminante en établissant sa responsabilité pénale. Si le DPP est d’avis que l’adolescent de moins de 14 ans n’a pas ce discernement nécessaire selon l’article 44 du Code pénal mauricien, il peut stopper toute poursuite judiciaire.

«Nous n’avons pas une cour de justice spéciale pour les mineurs.» 

Après l’arrestation d’un adolescent, celui-ci peut-il être placé en détention préventive et pour combien de temps ?
Si la police objecte à la remise en liberté de l’adolescent, il peut être placé en détention préventive au Rehabilitation Youth Centre (RYC) ou au Correctional Youth Centre (CYC). Il y restera jusqu’à ce que la police enlève son objection ou jusqu’à une décision de la cour concernant la remise en liberté conditionnelle de l’adolescent.  Toutefois, la détention de l’adolescent dans ces centres ne pourra excéder la date à laquelle il aura eu ses 18 ans. Il sera transféré dans une prison à ses 18 ans.

Comment se déroule le procès d’un adolescent devant un tribunal ? Existe-t-il un tribunal spécial pour les adolescents ?
Le cas d’un mineur est traité avec vigilance par la cour. Il n’est pas jugé de la même façon qu’un adulte. Nous n’avons pas une cour de justice spéciale pour les mineurs. La cour de district se transforme en Juvenile Court. Le procès du mineur se déroule à huis clos et le public n’est pas autorisé à y assister. Le mineur doit être accompagné d’un parent pendant toute la durée du procès.

L’adolescent bénéficie aussi des droits fondamentaux du right to a fair trial, et cela inclut la présomption d’innocence, le droit d’être informé de l’accusation contre lui et le droit de participer à son procès.  Il doit être avisé dans une langue qu’il comprend et peut être assisté par un interprète s’il parle et comprend une autre langue. Il a aussi droit à l’assistance d’un avocat dès le début du procès. Le délai entre la date de l’infraction et le procès en cour doit être raisonnable. Si l’adolescent est jugé coupable par la cour, le magistrat ordonnera un social enquiry report qui sera produit par un officier de la Probation and Aftercare Service afin de formuler une sentence adéquate. Bien que le procès de l’adolescent se déroule à huis clos, le jugement est prononcé en public.

S’il est reconnu coupable à l’issue d’un procès, encourt-il une peine spécifique dans tous les cas ?
La responsabilité pénale est personnelle. Qu’il soit un adulte ou un adolescent, l’accusé a l’obligation de répondre à des infractions commises. Mais l’adolescent ne sera pas sanctionné aussi sévèrement qu’un adulte.La responsabilité pénale n’a aucune limite d’âge, elle fait néanmoins appel à la notion de discernement. L’article 44 du Code pénal prévoit que si l’accusé est âgé de moins de 14 ans et a agi sans discernement, il ne sera pas passible d’une peine d’emprisonnement ou de servitude pénale. Il sera remis à ses parents, ou conduit dans une maison de correction, pour y être élevé et détenu.

D’après l’article 3(4)(b) de la Juvenile Offenders Act, un magistrat ne peut infliger une peine de plus d’un an ou une amende excédant Rs 1 000. Toutefois, cela ne s’applique pas aux délits commis contre l’État, aux cas d’assassinats, meurtres, agressions accompagnées de circonstances aggravantes et agressions avec préméditation.

Si l’adolescent est reconnu coupable, les sanctions sont variées. Le magistrat peut condamner l’adolescent à une peine dans les centres de correction et de réhabilitation, mais pas dans une prison. L’adolescent ainsi que son parent ou tuteur peuvent être ordonnés à payer une amende, des dommages et des frais judiciaires.  L’adolescent peut aussi être ordonné à une période de bonne conduite et dans certains cas, le parent ou le tuteur devra fournir une caution de bonne conduite pour son enfant. Finalement, pour les adolescents entre 16 ans et 18 ans, le magistrat peut convertir leur condamnation en service communautaire.

Qui peuvent consulter un dossier d’adolescent ?
Le magistrat, le bureau du DPP et l’avocat de l’adolescent. Ses parents peuvent aussi faire une demande des documents au bureau de la poursuite.

À quel moment le dossier d’adolescent est-il fermé ?
Le dossier sera fermé si le DPP décide de ne pas poursuivre l’adolescent en cas de problème de discernement. Autrement, le dossier sera fermé à la fin du procès en cour. Mais le Probation and Aftercare Service qui est sous la tutelle du ministère de la Sécurité sociale supervise ces adolescents même après leur libération et les aide à réintégrer la société.

Que se passera-t-il si l’adolescent commet un autre crime pendant que son dossier est ouvert ?
La police pourra objecter à sa remise en liberté et il sera détenu dans un centre prévu par la loi.

 

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