Trois ans après la proposition d’introduire la castration chimique pour les cas de viol, ce projet fait toujours l’objet de discussions, a indiqué la ministre Koonjoo-Shah au Parlement. Dans cet entretien, Me Lovena Sowkhee porte un regard critique sur les lois actuelles sur le viol à Maurice.
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Comment sont réglementés et sanctionnés les actes de viol à Maurice ?
Le viol est un délit défini par l’article 249 de notre Code pénal. Il se réfère à une relation sexuelle avec pénétration, mais sans consentement.
Il faut savoir que la loi a été amendée à plusieurs reprises afin de durcir la peine pour ce délit. C’est un acte extrêmement ignoble. D’où l’intention du législateur de punir sévèrement ce délit.
Aujourd’hui, une personne coupable de viol risque une peine minimum de dix ans de prison. La loi prévoit jusqu’à 40 ans de prison pour le viol à Maurice. Cela dépend des circonstances.
Comment le système judiciaire traite-t-il les affaires de viol ?
Auparavant, la cour intermédiaire pouvait infliger jusqu’à 10 ans de prison. Toutefois, la loi a été amendée, permettant ainsi à cette instance d’infliger des peines pouvant aller jusqu’à 40 ans de prison pour le délit de viol.
De plus, le Directeur des poursuites publiques a la discrétion de décider si un procès pour viol se tient devant un juge aux Assises, avec ou sans jury, notamment dans le cas d’un viol collectif. Lorsqu’une victime de viol témoigne en Cour, la poursuite peut demander que son témoignage se fasse à huis clos, en particulier pour les enfants victimes d’abus sexuels, qui sont maintenant pris en charge par le Children’s Court.
Il faudrait revoir l’encadrement afin de mieux mettre à l’aise les victimes»
Quel est le délai pour juger une affaire de viol ?
Le problème de notre système actuel est que souvent, entre la date à laquelle le délit a été commis, voire rapporté, et la date à laquelle la victime témoigne en Cour, des années se sont écoulées. Cela peut avoir une incidence sur le témoignage de la victime qui ne parvient pas à se souvenir de certains événements. De plus, ce délai peut également influencer la sentence à imposer à l’agresseur.
Avec la mise sur pied du Children’s Court, les sanctions sont-elles les mêmes lorsque les victimes sont mineures ?
Les sanctions et pénalités sont les mêmes.
Quelles sont les mesures à prendre pour améliorer le cadre juridique et l’efficacité de la loi ?
Il faut revoir certaines infrastructures. Bien que désormais il soit possible d’écouter la victime dans une salle différente de celle de l’agresseur, l’espace dédié aux victimes au niveau de la salle abritant la Bail and Remand Court est petit, sans aucune fenêtre. On aurait pu, et on aurait dû, améliorer cela. Il faudrait revoir l’encadrement afin de mieux mettre à l’aise les victimes.
De plus, ces dernières n’ont pas d’avocats commis d’office pour les assister dans leurs déclarations à la police, ce qui entraîne souvent des déclarations sommaires de l’incident. En Cour, se pose la question de savoir pourquoi la victime a omis de dire certains faits dans sa déposition.
Les peines actuelles pour le viol sont-elles suffisamment dissuasives ?
Le problème ne réside pas dans les sanctions applicables ou la loi, selon moi. Cependant, je pense qu’il faut réfléchir à l’introduction de la castration chimique pour les violeurs qui récidivent, comme c’est le cas pour certains pédophiles. Sinon, je me pose la question de savoir si les policiers qui recueillent les dires d’une victime de viol ont la formation nécessaire pour lui parler.
La quantité d’affaires qui arrivent en Cour ne reflète pas la situation réelle, et par extension, les statistiques sur les cas de viol»
Quelles sont les failles, selon vous, dans le système actuel ?
Beaucoup de victimes n’arrivent pas à briser le silence après un viol. Souvent, les agresseurs sont des proches de la famille, ce qui fait que les victimes ont souvent peur de dénoncer les cas, par crainte du stigmate que cela va leur causer en cas de dénonciation.
Il n’est pas normal que certains cas de viol prennent deux ou trois ans à aboutir à un procès. La quantité d’affaires qui arrivent en Cour ne reflète pas la situation réelle, et par extension, les statistiques sur les cas de viol. Selon les chiffres mondialement reconnus, une fille sur cinq est victime d’abus sexuel et un garçon sur treize l’est.
Que proposez-vous pour remédier à la situation ?
Je suggère qu’il faut réduire le temps que met la police à boucler une enquête dans une affaire de viol. Le commissaire de police devrait envoyer une directive aux postes de police du pays pour que ce genre d’affaire soit traité avec la célérité nécessaire.
En ce qui concerne les violeurs qui ont purgé leur peine ou qui sont remis en liberté sous caution, je suggère l’imposition du bracelet électronique. Il faut pouvoir suivre leurs mouvements, à l’instar des pédophiles, pour veiller à ce qu’ils n’approchent pas certains endroits, comme les écoles. Il n’est pas possible, pour l’heure, de mettre un policier pour surveiller chaque violeur en liberté. De plus, il faut que l’unité chargée de recueillir la déposition de la victime soit spécialisée dans l’affaire.
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