Faits Divers

Maria Christiana Chéry égorgée - Le présumé meurtrier : «Je l’ai tuée par accident»

Christiana Chéry, habitante de La Tour Kœnig, a été lacérée au cutter à la gorge et à l’abdomen par Mohammud Bilal Elahee. Arrêté, ce chauffeur de taxi marron a raconté à la Major Crimes Investigation Team comment il a tué la jeune femme, mère d’une fille de trois ans.

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Le meurtre de Maria Christiana Chéry, âgée de 27 ans, a été élucidé au matin du vendredi 17 février par les limiers de la Major Crimes Investigation Team (MCIT). Le suspect Mohammud Bilal Elahee, 24 ans, en présence de son homme de loi, Hisham Oozeer, a avoué avoir tué la victime dans un champ de canne non loin du Medine Business Park le jeudi 9 février.

Cet habitant de Quinze Cantons, Vacoas, un chauffeur de taxi marron, raconte, dans sa déposition, qu’il a connu Christiana Chéry il y a quelques mois, alors qu’il faisait des « courses » pour elle. Depuis, dit le jeune homme, il a noué une relation avec elle et ils sont devenus très proches.

Le jour du drame, explique Mohammud Bilal Elahee, Maria Christiana Chéry l’a contacté pour lui demander de passer la récupérer dans l’après-midi à La Tour Kœnig. C’est ce qu’il a fait. La jeune femme a alors pris place dans la voiture et ils se sont dirigés vers Cité Richelieu, Petite-Rivière. Selon Mohammud Bilal Elahee, Maria Christiana Chéry est « partie acheter sa dose de drogue avant de retourner dans la voiture ».

Aveux

Le jeune homme, toujours dans cette même déposition, a expliqué qu’ils devaient se rendre à Flic-en-Flac. Mais il soutient que Maria Christiana Chéry lui a ensuite demandé de s’arrêter près d’un champ de canne à Medine. Il allègue que celle-ci devait « consommer sa dose dans le champ » lorsqu’une dispute a éclaté entre eux. Mohammud Bilal Elahee affirme qu’il lui a dit qu’elle devait cesser avec « cette vie ».

« J’ai des sentiments pour elle et je voulais faire ma vie avec elle. Monn dir li mo kontan li e arete avek sa lavi ki li amene la », affirme Mohammud Bilal Elahee aux enquêteurs.

Retour sur ce jour fatidique du jeudi 9 février. Le jeune homme relate, dans cette déposition qui constitue ses aveux, qu’il commençait à faire nuit lorsque la dispute a éclaté. Dispute qui a dégénéré. Le jeune homme dit avoir alors sorti un cutter de sa poche.

« Lors de la dispute, la lame est passée accidentellement au niveau de sa gorge. Li ti pe lite e nou finn tonbe. Lam la inn pas lor so tandon », raconte-t-il. Il avance que c’est Maria Christiana Chéry qui lui avait offert ce cutter il y a quelques mois. Selon sa version à la police, elle lui aurait dit qu’il était préférable de garder cette arme tranchante vu qu’il faisait des « courses » nocturnes pour elle. « Mo ti pe al kit li kot enn ban ‘dimoun’ », explique Mohammud Bilal Elahee.

Le chauffeur a avoué à la police qu’il a ensuite laissé le corps de la victime sur place. Il dit avoir lavé la lame avant de la jeter, non loin, dans un bassin à Beaux-Songes. Il a ensuite repris le volant pour rentrer chez lui pour dormir.

Mohammud Bilal Elahee dit avoir composé le numéro de Christiana Chéry le lendemain. Mais son téléphone était éteint. Samedi, c’est la mère de la jeune femme qui a appelé Mohammud Bilal Elahee pour lui demander où se trouvait sa fille. Car il était la dernière personne à l’avoir vue. Comme elle ne donnait plus signe de vie depuis le jeudi 9 février, ses proches se sont mis à sa recherche. En vain.

Violente dispute

Mohammud Bilal Elahee a, lui aussi, aidé les proches à chercher la jeune femme, bien qu’il savait qu’elle était déjà morte dans le champ de canne. Les proches de Maria Christiana Chéry gardaient l’espoir de la retrouver car ce n’était pas la première fois qu’elle quittait sa maison et ne donnait pas signe de vie pendant plusieurs jours. Mais au fil des jours, l’espoir s’amenuisait. C’est ainsi que dimanche, ils ont fait une déposition au poste de police de La Tour Kœnig pour signaler sa disparition.

La Criminal Investigation Division (CID) de Port-Louis Sud avait obtenu des renseignements selon lesquels Mohammud Bilal Elahee est la dernière personne à avoir été aperçue en compagnie  la victime. Un témoin les a vus en train de se disputer violemment à La Tour Kœnig.

Le mercredi 15 février, la CID a procédé à l’arrestation de Mohammud Bilal Elahee. Interrogé, il a affirmé ne rien savoir sur la disparition de la victime. Le lendemain matin, il a comparu devant la cour correctionnelle de Port-Louis sous une charge provisoire de séquestration.

Mais dans l’après-midi, un nouveau développement est intervenu dans l’enquête. Un vigile a découvert le corps d’une femme dans un champ de canne à Médine. Les proches de Maria Christiana Chéry en ont été informés. Ils ont identifié le cadavre de la jeune femme déclarée missing. L’autopsie, pratiquée par les Drs Maxwell Monvoisin et Prem Chamane, a attribué le décès à une slash wound to the neck et à un coup infligé avec une lame à l’abdomen. Une seringue a été aussi découverte dans les vêtements de la victime.

La MCIT a pris le relais de l’enquête. Soumis à un feu roulant de questions par les enquêteurs de cette unité, Mohammud Bilal Elahee n’a pas tardé à cracher le morceau.

Et en fin d’après-midi du vendredi 17 février, une équipe de la MCIT et des membres du Groupe d’intervention de la police mauricienne (GIPM) se sont rendus à Beaux-Songes où ils ont vainement tenté de retrouver l’arme du crime. Les recherches se poursuivront ce samedi.

Une reconstitution des faits est prévue ce week-end à Médine. Bilal Elahee devra indiquer aux limiers de la MCIT comment il a agressé la femme avec laquelle il voulait faire sa vie. Ce samedi, il sera présenté devant la Bail and Remand Court sous une accusation provisoire de murder. L’enquête est placée sous la supervision de l’assistant surintendant de police (ASP) Gérard Dieudonné.

Témoignages de sympathie sur Facebook

Après cette tragique disparition, nombreux sont les internautes à avoir posté des messages de sympathie sur le profil Facebook de Christiana Chéry, qui se présente comme une pole dancer. « Rip our dear friend Christiana Maria. I met you 4 times and you will be in my heart sweetie ! Nobody deserves to be killed », peut-on lire ou encore « Repose en paix fam mo sagrain fr leker fermal kan mne tan sa. Courage à la famille…» Ses amies du Strip Club, quant à elles, ont mis du noir sur leur profil ou la photo de la victime en signe du deuil qui les afflige.


Marlène : «Elle m’avait dit que Bilal la harcelait»

Marlène et Berty, les parents.

Maria Christiana Chéry, 27 ans, projetait de se rendre à La Réunion avec sa fille de trois ans et pour convoler en justes noces avec un gendarme.
Sa mère adoptive Marlène, anéantie après cette terrible nouvelle, dit ne conserver que de bons souvenirs de celle qu’elle a élevée pendant toutes ces années. « Ma fille ne se droguait pas ni ne faisait de strip-tease », insiste-elle.

Assise dans le salon, elle peine encore à croire ce qui s’est réellement passé. Marlène Chéry n’avait qu’une seule fille : Christiana était toute sa vie. « Christiana est née à Rodrigues. Ses parents rencontraient des difficultés et nous l’avons adoptée quand elle avait quatre ans », nous dit-elle.

C’est à rue Andreanum, La Tour Kœnig que la petite est venue s’installer avec ses nouveaux parents. « Li ti kontan sote ek grinp partou. Li ti tirbilan », se souvient-elle. Véritable boute-en-train, nous explique Marlène, Christiana était appréciée dans le voisinage.

« Zot tou ti konn li ti baba », lâche-t-elle en larmes, avant de poursuivre : « Li ti enn bon zanfan rien à dire. » Sa scolarité, c’est à la Old La Tour Kœnig Government School que la petite a fait ses études au niveau primaire. En secondaire c’est au Medco de Cassis qu’elle s’est retrouvée. « Elle a étudié jusqu’au School Certificate avant d’arrêter », ajoute Marlène.

Elle affirme n’avoir jamais eu de soucis avec sa fille. « J’entends beaucoup de choses sur Christiana. Je tiens à préciser que tout ce que vous entendez n’est pas vrai », précise-t-elle. Christiana avait beaucoup d’amis, dit-elle. « En apprenant sa mort, ses amis sont passés à la maison. Je ne les connais pas, car je ne les ai jamais vus », poursuit Marlene.

«Il était louche»

En ce qui concerne Muhammad Bilall Elahee, le suspect dans cette affaire de meurtre, Marlène soutient n’avoir jamais eu confiance en lui. « Il avait l’air louche. J’avais déjà demandé à ma fille pourquoi il fallait que ce soit cet homme qui la véhicule à chaque fois. Tout récemment, elle m’avait confié qu’il la harcelait. Me nimport kouma li ete, pa ti bizin touy li . »

« Christiana avait son franc-parler, mais elle ne se droguait pas, ni n’a été strip-teaseuse. Zame mo pou aksepte sa bann koze la », affirme-t-elle.
 Bien au contraire, lâche-t-elle, la jeune femme, mère d’une fille de trois ans, avait rencontré un Réunionnais et voulait partir vivre auprès de lui. « C’est un gendarme. Elle voulait se rendre à La Réunion », poursuit-elle.

Toutefois pour Berty, 70 ans, l’époux de Marlène, la jeune femme avait des fréquentations douteuses. « Monn dir li fode pa li frekant toutsort kalite dimoun. Toule tan kan mo koz moral ek li, li res trankil », lâche-t-il.


Vicky, Ami et confident : «Christiana aimait la liberté»

Vicky, 31 ans, a du mal à se faire à l’idée qu’il ne verra plus Christiana, sa voisine et surtout son amie d’enfance. « Nous avons grandi ensemble. J’étais son confident et vice versa. Je n’arrive pas à croire qu’elle soit partie de cette façon », lâche le jeune homme.

« Kouma to apele ? » Cette question est restée gravée dans la mémoire de ce père de famille. « C’est la toute première phrase qu’elle m’a lancée quand elle est venue habiter ici il y a une vingtaine d’années. Nous nous parlions par la fenêtre », explique Vicky.

Au fil des années, dit-il, les deux jeunes ont développé une amitié sincère. « Elle aimait être libre. Elle aimait la vie tout simplement », relate-t-il. « Nous nous voyions presque tous les jours et restions des heures à discuter devant la maison », ajoute-t-il.

Fugue

Aux dires de Vicky, la jeune femme avait déjà fugué dans le passé. « Elle m’avait alors expliqué qu’elle devait payer le loyer et subvenir à ses besoins. Elle avait trouvé du travail dans une boîte, le Strip Club. Selon Christiana, elle percevait un salaire décent et elle avait son assurance santé. Son nom de scène était Kate. Mais elle a commencé à avoir de mauvaises fréquentations », explique le jeune homme.

Les deux se sont ensuite perdu de vue pendant quelque temps. « Elle avait rencontré un Réunionnais et était partie le rejoindre pour se marier. Mais elle est rentrée à Maurice à cause de certains problèmes », poursuit le voisin.

Il y a un an, Christiana avait fait la connaissance d’un autre Réunionnais. « Ils projetaient de se marier et Christiana avait entrepris les démarches pour se rendre à l’île sœur avec sa fille. Elle m’avait dit que j’allais recevoir mon carton d’invitation. L’année dernière, elle s’était rendue en France pour un mois et à son retour, elle était toute joyeuse », nous dit Vicky.

Mais elle devait par la suite faire la connaissance du jeune Bilal. « Linn dir mwa enn pastan sa e ki linn fini avek li, me li ti pe kontign vinn rod li lakaz », précise-t-il.

Deux jours avant sa disparition, il se souvient avoir parlé à sa voisine. « Elle m’avait dit de prendre soin de sa fille. Elle m’avait lancé : ‘Mo pe ale’. Je ne pensais pas que c’était la dernière fois que je la voyais vivante », se désole Vicky. « J’ai perdu bien plus qu’une sœur. »

 

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