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Marché des devises : pas de répit pour les importateurs

La Banque de Maurice table sur des recettes touristiques de Rs 85 Md pour 2023.

La disponibilité des devises a été un vrai casse-tête pour les importateurs en 2023. 

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Alors que l’année tire à sa fin, les différentes interventions de la Banque centrale sur le marché n’ont, semble-t-il, pas insufflé de véritable vent positif.

Les réserves internationales officielles brutes (GOIR) du pays ont augmenté en un an, passant de Rs 294 milliards en novembre 2022 à Rs 297,2 milliards lors de la période correspondante cette année. Les arrivées touristiques entre janvier et octobre 2023 ont atteint 1 026 771 contre 1 102 660 à pareille époque en 2019. Conformément à la reprise des arrivées de touristes, les données de la Banque de Maurice (BoM) indiquent que les recettes touristiques totalisent Rs 60,79 Md au cours de la période de janvier à septembre 2023, soit une augmentation de 46 %  par rapport à la période correspondante de 2022. Le Gouverneur de la BoM, Harvesh Seegolam, disait à l’issue du dernier Comité de politique monétaire (CPM) que les recettes touristiques devraient s’élever à Rs 85 Md pour 2023, ce qui est nettement supérieur au niveau de 2022 (Rs 64,8 Md).  

Pour autant, le marché des devises ne reflète pas l’amélioration au niveau de la rentrée des devises dans le pays. Suren Surat, CEO de SKC Surat, affirme qu’il n’y a pas de changement concernant l’obtention des devises. « La situation est la même. Il y a une pénurie de devises sur le marché. Certes, nous parvenons à recevoir les devises, mais cela se fait en tranche », concède-t-il. SKC Surat requiert entre 60 à 70 millions de devises (comprenant dollars, euros et rand) par mois pour ses importations. De ce fait, des demandes sont effectuées de façon hebdomadaire auprès des banques afin d’obtenir la somme nécessaire et régler les factures d’importations. Toutefois, Suren Surat soutient que cela reste un vrai défi. « Nous avons de bonnes relations avec nos fournisseurs, mais cela créé des frustrations quand les factures ne sont pas régler comme cela aurait dû l’être », argue le CEO de SKC Surat. 

Un ancien Gouverneur de la Banque de Maurice explique la situation par un problème persistant entre les recettes de devises engrangées par les opérateurs et l’encaissement des fonds par les banques. « Il faut qu’il y ait une double coïncidence des besoins sur le marché des devises. La balance des paiements est également déficitaire et cela influence le marché des devises. La demande pour les devises est supérieure à l’offre », poursuit-il. 

Nouvelle approche de la BoM

Toutefois, du côté de la Banque de Maurice, l’on faisait ressortir lors du dernier CPM que la reprise du marché domestique des changes se poursuit. Le chiffre d’affaires total pour la période du 15 septembre au 27 novembre 2023 s’est élevé à 2,4 milliards de dollars, soit une augmentation de 9 % par rapport aux 2,2 milliards de dollars enregistrés au cours de la période correspondante de 2022. La BoM avait également repris ses interventions régulières depuis le début du mois de septembre 2023. L’objectif était « d’assurer un approvisionnement adéquat en devises sur le marché, compte tenu de la constitution des stocks de fin d’année par les importateurs ». Elle a injecté un total de 100 millions de dollars sur le marché intérieur des changes en novembre dernier. Le 6 décembre dernier, la Banque de Maurice est de nouveau intervenue et a vendu un montant 25 millions de dollars au taux de Rs 44,10 par dollar. Depuis, ses trois interventions qui ont suivi n’ont pas été les mêmes. En effet, le 18 décembre, la BoM a acheté un montant total de 0,6 million de dollars. Ses achats sur le marché des changes, les 19 et 21 décembre, sont de 5,9 millions de dollars et de 1,1 million de dollars respectivement. 

L’ancien Gouverneur de la Banque de Maurice dit ne pas comprendre cette approche. Il se demande d’ailleurs, d’où proviennent les devises vendues par la Banque de Maurice sur le marché intérieur des changes. De son côté, Eric Ng, estime qu’il est important que la Banque centrale vienne expliquer ce changement de politique. « La Banque de Maurice a commencé à acheter des devises sur le marché juste après le dernier CPM. Avant cela, elle vendait des devises sur le marché pour éviter que la roupie ne se déprécie. Cette nouvelle politique favorise donc la dépréciation de notre monnaie locale », argumente l’économiste. Eric Ng est d’avis que la Banque centrale envoie un signal qu’elle arrête d’apprécier la roupie. L’économiste est d’avis que cette politique intervient après que le gouvernement a annoncé la révision du salaire minimum à la hausse. 

Par ailleurs, en attendant que le marché des devises ne trouve un nouveau souffle, ceux qui ont besoin de devises tentent d’autres alternatives que les banques. Un couple s’étant rendu récemment à La Réunion confie au Défi Quotidien que le salut est venu des cartes prépayées. « Il nous a fallu échanger quelques roupies en euro à l’aéroport, car l’immigration de l’île sœur nous demande à l’arrivée que l’on dispose d’une certaine somme d’argent en liquide. Les dépenses ont été payées via la carte prépayée à La Réunion », fait-on comprendre.

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Questions à… 

Roshaan Kulpoo, expert en inclusion financière en Afrique : « L’impact des revenus touristiques est noyé par le problème de liquidité »

Quel constat faites-vous du bilan de la Banque de Maurice concernant les réserves ?
Il faut savoir lire entre lignes lorsqu’on analyse le bilan de la Banque de Maurice. Il y a beaucoup de pertes au niveau de nos réserves internationales. La Banque centrale ne parvient pas à investir le surplus de réserves, faute de compétences. C’est une des faiblesses du régulateur bancaire. La situation est plus qu’une hémorragie maintenant. La Banque centrale est une coquille vide. Il faut une recapitalisation d’environ Rs 35 milliards à Rs 50 milliards.  

Les recettes touristiques de Maurice ont grimpé de 46 % entre janvier et septembre 2023 par rapport à la période correspondante l’année dernière. Qu’est-ce qui peut expliquer que la Banque de Maurice continue d’intervenir sur le marché intérieur des changes ?
Il y a un problème de liquidité pour le moment. Les recettes touristiques ont certes augmenté, mais le besoin de devises à des fins d’importations est important. Par conséquent, l’impact des revenus touristique est vite noyé. 

La dernière fois que la Banque centrale a vendu des devises sur le marché intérieur des changes remonte au 6 décembre. Depuis, elle a acheté des devises à trois reprises sur le marché. Que doit-on déduire de cette approche ?
Il faut s’attarder sur les emprunts en devises de la Banque centrale. Le montant devrait avoisiner les Rs 1,6 milliard. Le remboursement d’une telle somme nécessitera des devises. En effet, la Banque de Maurice ne fait pas que vendre des devises sur le marché, mais en achète également. Est-ce là une manière de manipuler la valeur de la roupie ? Il s’agit d’une opposition entre l’avant et l’arrière en raison du problème de liquidité. Il semble que la Banque centrale s’attendait à recevoir une grosse somme en devises de l’étranger, mais cela n’aurait pas abouti. L’approche adoptée depuis peu n’apparaît pas comme étant très catholique. 
 

 

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