Le mercredi 8 septembre, Mamode Goburdhun a rejoint le cercle très restreint des centenaires de Maurice. Un évènement et une bénédiction pour son fils Shafi Udin qui, à cause des règles barrières, n’a pu accueillir toute sa famille à son domicile à L’Escalier. Mais les plus proches ont pu goûter au traditionnel briani servi pour l’occasion.
« Mon père a connu des hauts et des bas dans sa vie professionnelle, mais il a toujours assuré ses responsabilités, il a été exemplaire. C’est la bénédiction divine et sa probité qui lui ont permis de vivre jusqu’à cent ans. Il a vécu en parfaite harmonie avec ma mère, qui est décédée à 87 ans », dit son fils Shafi Udin, qui s’occupe de lui. Tout le monde, au sein de la petite famille de Shafi Udin, son épouse Zahina et ses deux enfants Zainoorah et Safwaan, est aux petits soins pour le centenaire.
L’ainé d’une fratrie de six enfants, Mamode Goburdhun vient d’une modeste famille de Camp-Diable. Après le Std VI, il effectue des petits boulots, comme de nombreux enfants de sa région, avant de s’inscrire à l’apprentissage de tailleur chez Nursoo, à Port-Louis.
« C’était une école très réputée à cause des cours sur le style de Paris. À l’époque, c’était une référence à travers l’île », raconte son fils. Fort d’un diplôme de cette école, Mamode Goburdhun a installé son atelier à L’Escalier, où il a eu pignon sur rue.
« Ses clients venaient essentiellement pour des fêtes comme les anniversaires, les baptêmes, fiançailles, Eid et Divali. Grâce à ses contacts, il avait aussi des clients étrangers en vacances. Durant le concours Sugar Time, il confectionnait les jupes pour des danseuses de séga et des chemises à fleurs », ajoute-t-il.
Planteur de légumes
Cependant vers la fin des années 70, son métier est durement frappé par la crise économique et la clientèle s’est tarie, l’obligeant à se reconvertir en planteur de légumes.
« Afin de tenir le coup, il a travaillé chez lui et chez des parents, il a été très courageux, il savait qu’il avait une famille à nourrir. »
« Jusqu’à l’âge de la retraite, il a travaillé pour joindre les deux bouts. Mais, il a aussi pu voyager, pour des pèlerinages à la Mecque, Singapour, Rodrigues ou pour rendre visite à mon frère en Angleterre », explique-t-il
La fierté d’avoir ce père centenaire donne aussi à réfléchir à l’ensemble de sa famille. « Alors que des personnes plus jeunes disparaissent et d’autres peinent à vivre à cause des maladies, la longévité de mon père ressemble à un miracle, dont seul le Tout-Puissant a le secret. Il est né prématurément et n’a pu être allaité au sein. Mais sa mère a alors formulé le souhait qu’il vivre jusqu’à cent ans ! », fait observer Shafi Udin.
Un quotidien réglé comme du papier à musique
Mamode Goburdhun se réveille vers 5 heures, fait ses prières et prend son petit-déjeuner : du thé au chocolat, des céréales ou du pain avec du beurre et de la gelée. Vers 9 heures, il mange un morceau de gâteau, avant de se reposer.
« Pour le déjeuner, il mange ce que nous avons préparé. Il a une préférence pour le chutney de pommes d’amour grillées et parfois des dalpuri. À 3 heures, il prend le thé et le soir, nous mangeons en famille, rien de très spécial. Le soir, avant de se coucher, il fait ses prières et prend des médicaments prescrits par le médecin de la Sécurité sociale. ». Depuis quelque temps, à la suite d’une opération, sa vue tend à baisser et il ressent davantage la fatigue, fait observer son fils. « Mais nous faisons tout pour qu’il ne s’ennuie pas. Grâce à un fauteuil roulant pliable, nous l’emmenons visiter la famille, voir la mer ou au Mall de Plaisance. Il s’émerveille de voir tous ces grands magasins de luxe qui contrastent avec les commerces de son époque », précise-t-il.
Mamode Goburdhun et la pandémie
La situation de la pandémie de Covid-19 à Maurice et à travers le monde ne laisse pas insensible Mamode Goburdhun. Il suit la situation à la télévision. Lorsqu’il va visiter sa famille, le fait de porter un masque le rend conscient de la dangerosité de la pandémie à Maurice, explique son fils. « Nous ne lui cachons rien, sans trop le fatiguer quand même. Il sait que des gens meurent de ce virus. Ce qui ne le laisse pas indifférent, il s’inquiète pour nous. »
Les souvenirs de ‘lavi lontan’
Avec l’accord de son frère qui réside en Angleterre, Shafi Udin s’occupe de son père depuis 1987. « Mon père a été malade, et comme je me trouvais chez mon frère en Angleterre, nous avons discuté et conclu qu’il serait mieux qu’il reste chez moi », explique Shafi Udin.
Comme tout le monde travaille chez lui, il s’occupe personnellement de son père. « J’ai travaillé un peu comme tailleur aux côtés de mon père, puis j’ai exercé comme planteur comme lui. Comme je suis à la retraite, je fais de sorte qu’il ne manque de rien. Mais il est calme, je n’ai pas de problème avec lui. Puis, il me raconte comment il a vécu », confie-t-il. Ce dernier ne se lasse jamais d’écouter les souvenirs de ‘lavi lontan'. « Il me parle de l’époque quand il prenait le train à Union Vale. Il sait qu’il y a aujourd’hui le métro. La compagnie du Metro Express m’a assuré qu’elle organisera une sortie en métro dès que possible. Ce sera extraordinaire pour lui de faire ce voyage », dit-il.
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