Interview

Mahen Seeruttun : «Le sucre organique est appelé à se développer»

Mahen Seeruttun

Le ministre de l’Agro-industrie est toujours optimiste en ce qui concerne le secteur de la canne à sucre. Car il estime que le pays a besoin de la bagasse pour la production de l’énergie. Selon Mahen Seeruttun, outre les sucres spéciaux, le sucre organique est appelé à se développer.

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« Nous avons fait appel à la BM pour une étude sur la viabilité du secteur sucre sur le long terme »

Le secteur de la canne a-t-il encore sa place à Maurice ?
Quand on parle de ce secteur, cela n’implique pas que le sucre. Il faut maintenant compter sur les énergies, l’alcool et l’éthanol. Des recherches démontrent aussi qu’on peut en tirer du bioplastique. Ce qui est fort intéressant, quand on parle d’environnement. Nous travaillons avec l’Université du Queensland dans ce sens.

En outre, il y a aussi les sucres spéciaux et organiques. Comme il n’y a pas de marché préférentiel, nos sucres spéciaux arrivent à pénétrer d’autres marchés, notamment ceux de la Chine et de l’Inde. L’Afrique représente également un grand marché. Maurice va exporter davantage de sucres spéciaux vers le Kenya.

En considérant tout cela, ce secteur aura toujours sa place ici. Mais ce sera difficile de continuer de soutenir financièrement ce secteur sur le long terme. Ce secteur a grandement contribué au développement du pays. Depuis 2015, il y a eu plusieurs mesures pour aider le secteur sucre. Le gouvernement a une considération pour les stakeholders.

Les planteurs délaissent leurs plantations. Que faut-il faire pour stopper l’hémorragie ?
Plusieurs facteurs ont contribué à cet exode. Cela ne date pas d’hier. Avec l’acquisition des terres pour des projets d’infrastructures (construction des routes et des logements), la superficie des terres sous culture de canne à sucre a diminué. Il faut aussi prendre en considération le vieillissement dans la communauté des planteurs, le manque de main-d’œuvre et l’absence de relève.

Mais ce n’est pas tout. Quand les revenus baissent, les planteurs ont tendance à délaisser leurs plantations. Le sucre se vend maintenant dans un marché libre et le prix est dicté par les gros producteurs. Notre marché domestique est limité. Le pays dépend du marché externe qui est hors de notre contrôle. Et quand les prix baissent, les revenus des planteurs vont aussi connaître une baisse. Le gouvernement est venu avec des mesures, afin d’aider les planteurs : suspension du Cess et annulation de la prime d’assurance au Sugar Insurance Fund Board (SIFB). Le prix de la bagasse a été revu à la hausse. Les petits planteurs perçoivent maintenant Rs 2 500 par tonne de bagasse contre Rs 125 auparavant. Nous avons fait appel à la Banque mondiale pour une étude sur la viabilité de ce secteur sur le long terme.

Les petits planteurs réclament Rs 2 500 par tonne de canne…
Il faut dix tonnes de canne pour une tonne de sucre. Si nous prenons en considération cette demande, il faudra alors payer Rs 25 000 aux petits planteurs pour une tonne de sucre qui se vend actuellement à Rs 8 800. Cela dit, ce n’est pas pour autant que cette requête a été prise à la légère. De concert avec le ministère des Finances, nous explorons toutes les avenues. Il faut des clients pour acheter le sucre à ce prix. Au risque de me répéter, notre marché domestique est limité et nous n’avons aucun contrôle sur le marché international.  

N’est-il pas temps pour une transition complète vers les sucres spéciaux ?
On vient de pénétrer les marchés chinois et indien qui sont importants. Ce sont aussi de gros producteurs de sucre et vont certainement protéger leur marché. C’est un marché niche et rémunérateur. Il y a aussi le sucre organique qui commence à prendre de l’essor. Plusieurs pays se sont lancés dans la production. De grandes enseignes achètent le sucre organique. C’est un créneau que nous explorons. Maurice étant un pays tropical, il faut utiliser des pesticides et il y a des normes à respecter. C’est à coup sûr un secteur qui est appelé à se développer.  

Depuis 2015, on parle de mélanger l’éthanol avec les carburants. Où on est-on avec ce projet ?
Il y a eu plusieurs rencontres avec les importateurs de carburants et la State Trading Corporation. Maintenant il nous faut décider du dosage à ajouter et aussi parvenir à un prix. Nous avons sollicité un consultant qui va tout finaliser et déterminer sa viabilité.   

L’argent du SIFB a été utilisé pour compenser la chute du cours du sucre sur le plan international, alors que les planteurs ne contribuent que très peu…
Le SIFB a été institué pour aider les planteurs de canne quand ils sont affectés par la sècheresse, les cyclones et les incendies. Il y avait un fonds. Comme le secteur faisait face à des difficultés avec la chute du prix (une catastrophe pour les planteurs), il fallait les soutenir. À quoi bon avoir un fonds si nous n’aidons pas les planteurs. Mais ce n’est pas pour autant que nous allons épuiser ce fonds. Nous avons dû déclarer deux ‘event year’ de suite.

Avec le changement climatique, la canne a été affectée. J’ai fait une demande pour une évaluation actuarielle avec les paiements effectués. Nous devons nous assurer que le fonds soit soutenable en cas de catastrophes.

Avec le nouveau projet de loi sur le MSIRI, l’organisme sera le régulateur de produits dérivés de la canne. Pourquoi cela ?
Le Mauritius Sugarcane Industry Research Institute (MSIRI) est un centre de recherche. En 2007/08, il y avait un projet pour regrouper plusieurs institutions et, par la suite, il y a eu la création de la Mauritius Cane Industry Authority (MCIA). Le MSIRI a perdu son autonomie, alors qu’un institut de recherche doit être indépendant. Avec le système actuel, l’organisme ne pouvait faire son travail de façon efficace.

Le MSIRI a une réputation au niveau national et international. Il perdait son identité et c’est la raison pour laquelle ce projet de loi sera présenté. L’ébauche a été préparée et des discussions sont en cours.   

Comment se porte le secteur du thé ?
Depuis 2015, il  a eu une refonte de ce secteur. Il y a une croissance de 7 % par an sur le marché mondial. 600 arpents de terre sous culture de canne qui avaient été abandonnés, ont été repris pour cultiver le thé. Une pépinière a été créée au sein du ministère et nous produisons 100 000 plants. Nous avons 50 arpents sous culture de thé pour louer à des particuliers. D’ici à la fin de l’année, la superficie sous la culture de thé va augmenter. La production en 2018 a connu une hausse. Outre Kuanfu Tea, il y a un autre gros promoteur qui vient de se manifester.

Un mot sur l’Irrigation Authority…
Il y a eu pas mal de problèmes au sein cet organisme, des tiraillements et des allégations. Un comité d’enquête a été institué et a déjà soumis son rapport. Le document fait mention que l’attitude du Top Management doit changer. Il faut promouvoir la bonne gouvernance et revoir les exercices d’appel d’offres. Un comité se penche sur la mise en place de ces recommandations. L’attitude de certaines personnes qui occupent des postes de responsabilité est aussi à déplorer.

 

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