Toute grande lutte a besoin du soutien indéfectible de la communauté. Le projet Love Bridge, initialement lancé par le Curepipe Starlight Sports Club en 2012 pour lutter contre la pauvreté extrême, en est un parfait exemple. Il consiste à accompagner volontairement une famille vulnérable. Coordinatrice, accompagnatrice et bénéficiaires nous en disent le plus grand bien. Décryptage.
« Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson », clamait le philosophe chinois, Confucius. Love Bridge en a fait sa devise. Pour les accompagnateurs de ce projet, la solidarité humaine est une valeur sociale importante. Mais en quoi consiste ce projet et dans quelle mesure vient-il aider nos compatriotes vivant dans l’extrême pauvreté ?
Tout d’abord, un peu d’histoire pour comprendre la raison d’être de Love Bridge. Ce projet social a été initialement lancé par le Curepipe Starlight Sports Club (CSSC) et mis à execution en 2012. L’objectif était de créer une nation mauricienne basée sur le partage et la solidarité, afin d’inciter la communauté à s’impliquer dans la lutte contre la pauvreté.
« Love Bridge est un programme d’accompagnement psychosocial de familles vulnérables par des volontaires, avec le soutien et l’expertise de travailleurs sociaux et de psychologues. Notre interlocutrice ajoute que les bénéficiaires sont familles, dont le revenu mensuel n’excède pas Rs 6 200 », explique la coordinatrice du projet, Sabrina Puddoo.
Au départ, ajoute-t-elle, le projet a démarré avec 15 familles à La Brasserie. « Aujourd’hui, nous en accompagnons 40, dont 16 à Rivière-Noire. Nous comptons aussi 81 accompagnateurs qui aident bénévolement ces familles sur six axes: l’éducation des enfants, le logement, l’emploi et l’employabilité, la santé, la nutrition et le ‘’Life Coaching’’ », indique la coordinatrice.
Rattrapage scolaire
L’objectif principal de ce projet est d’encadrer ces personnes sur le long terme, jusqu’à ce qu’elles deviennent autonomes. « Nous travaillons aussi avec une quinzaine d’organisations non gouvernementales, afin de créer des ponts entre les services disponibles et les personnes vulnérables. Il est à noter qu’il s’agit de les aider à définir leurs priorités et à identifier leurs ressources. Chaque famille a des besoins spécifiques. L’implication financière est à la discrétion des accompagnateurs, elle n’est ni systématique ni prioritaire », fait ressortir Sabrina Puddoo. La coordinatrice du projet mentionne que pendant ces trois ans, plusieurs changements ont été apportés dans la vie des familles accompagnées. « 64 enfants du primaire et du secondaire ont pu bénéficier de rattrapages scolaires. La plupart des familles ont des problèmes de logement, mais ne savent pas vers qui se tourner pour leurs démarches administratives. Les accompagnateurs jouent alors un rôle de facilitateur. Aider ces personnes à sortir de l’isolement dans lequel ils vivent depuis des décennies peut contribuer grandement à leur développement social », affirme notre interlocutrice. [padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1]Helena Fabien, accompagnatrice: « Nous ne faisons pas de l’assistanat »
« Cela fait plaisir de savoir qu’on peut faire quelque chose pour les personnes en difficulté », nous confie Helena Fabien, accompagnatrice. Employée dans une agence touristique, cette dernière soutient les démunis à travers le fonds de la Corporate Social Responsibility (CSR) de son entreprise. Depuis plus de deux ans, son mari et elle ont choisi d’être les accompagnateurs d’une famille à La Brasserie. « Notre bénéficiaire est une famille de six membres. Comme de nombreuses personnes vivant sous le seuil de pauvreté, leur souci principal est le logement. Quand j’ai rencontré mes bénéficiaires pour la première fois, leur volonté de sortir de cette situation m’avait émue. Bien qu’ils vivent dans un espace très limité, il y avait quand même de l’hygiène. Ils voulaient aussi économiser pour un plan de logement. Ce n’est pas de l’assistanat, mais il leur suffit un coup de pouce pour que leurs projets aboutissent », fait-elle ressortir. Et d’ajouter que son mari et elle sont plus que satisfaits quand les démarches qu’ils entament se concrétisent. « Leur fille avait un problème de vue et grâce à l’aide d’une ONG, nous avons pu l’encadrer. Par ailleurs, nous mettons l’accent sur l’éducation des enfants, car nous estimons que c’est la clé de la réussite », dit l’accompagnatrice. Helena Fabien affirme que c’est un lien familial et amical qu’elle a pu créer avec ses bénéficiaires. « Nous sommes très proches. Ce n’est pas le matériel qui prime mais la confiance. Mon enfant s’est aussi lié d’amitié avec eux. Je suis très déterminée à aller jusqu’au bout pour les aider sur tous les plans », conclut notre interlocutrice.Love Bridge Mauritius: Même objectif sur le plan national
En août dernier, le ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo avait confirmé l’octroi de Rs 100 millions pour lancer le projet sur une base nationale pour une durée de 20 ans. Le projet devrait démarrer en 2016. La rencontre avait eu lieu entre le ministère des Finances et le comité national sur la CSR, avec des dirigeants de plusieurs entreprises. L e projet Love Bridge adoptera la même approche que le CSSC, axée sur l’éducation, le travail, l’alimentation, le logement, la santé, le développement d’une attitude positive par rapport à l’autonomisation. Des représentants du Joint Economic Council, de la National Empowerment Foundation, du ministère des Finances formeront le comité national. L’objectif est de permettre environ 8 000 familles vulnérables d’améliorer leur qualité de vie tout en étant autonomes. Love Bridge offre aussi la chance à chaque Mauricien, disposé à s’engager dans la lutte contre la pauvreté, de devenir l’accompagnateur direct d’une famille vulnérable et de cheminer ensemble dans le temps pour s’enrichir mutuellement d’une expérience humaine unique.Témoignages: Des bénéficiaires comblés
Nous sommes allés à la rencontre de cinq familles bénéficiaires, qui s’alignent sur le fait que Love Bridge a apporté de la stabilité et de la joie dans leur famille. Ils nous parlent de leurs accompagnateurs avec beaucoup d’amour et de reconnaissance.Chanda Autmah, 34 ans: « Les piliers de ma vie »
Elle a du mal à retenir ses larmes lorsqu’elle parle de ses accompagnateurs, un « charmant » couple qu’elle considère un peu comme ses parents étant donné qu’elle n’a jamais connu de père. Chanda Autmah, 34 ans et mère de deux enfants, ne peut pas travailler, car elle souffre d’une maladie incurable. Ses accompagnateurs, dit-elle, l’inspirent et aident à faire avancer sa famille.[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"2186","attributes":{"class":"media-image wp-image-2575 size-full","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"280","height":"350","alt":"Chanda Autmah"}}]] Chanda Autmah<
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« Nous nous vouons un amour inconditionnel. Mon mari qui exerce le métier de maçon, n’arrivait pas à subvenir aux besoins de la famille. Mes accompagnateurs m’ont alors informée que j’avais droit à une pension et aidée pour les démarches administratives. Ils conseillent mes enfants sur leur choix de carrière également. Nous sommes en contact permanent et ils viennent chez nous chaque semaine », relate-t-elle.
Notre interlocutrice estime que le simple fait d’avoir des gens sur qui compter est rassurant. Elle nous confie que ses accompagnateurs sont toujours là pour les booster, les motiver à chaque étape de leur vie. « Je me souviens encore du jour quand mon fils s’était blessé ! Ils ont remué terre et ciel pour nous aider et sont restés à nos côtés pour nous soutenir moralement », poursuit la jeune maman.
Même si au début, son époux était un peu réticent à accepter l’ingérence du couple d’accompagnateurs dans leur vie, il a graduellement compris que sa famille avait besoin d’eux. « Ils nous ont aussi aidés à surmonter nos problèmes de couple. Depuis plus de trois ans, mes accompagnateurs sont devenus le pilier de ma famille. Je n’imagine pas ma vie sans eux et ils m’ont redonné foi en l’humanité. Notre situation n’est pas une fatalité et cela grâce au projet Love Bridge. Si demain notre situation s’améliore, notre amitié ne changera pas. Je leur serai éternellement reconnaissante pour ce qu’ils font pour nous », dit l’habitante de La Brasserie.
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Janny Koamanikao, 41 ans: « Une bénédiction »
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« Ma vie a complètement changé en trois ans, grâce à mes accompagnateurs et à Love Bridge », nous confie Janny Koamanikao, visiblement très émue. Son époux et elle, parents de quatre enfants, travaillaient auparavant au dépotoir. Et l’argent qu’ils se faisaient le matin servaient à acheter à manger le soir.
« Je n’avais jamais le temps de m’occuper de mes enfants. Nous dormions tous sur dans le même lit. Nos proches ne pouvaient pas nous aider car ils étaient dans la même situation », relate l’habitante de La Brasserie. L’arrivée de ses accompagnateurs dans sa famille est pour elle une « bénédiction », même si elle a eu du mal au départ de voir des étrangers s’ingérer dans leur vie privée.
« La première fois quand je les ai vus devant ma porte, j’étais choquée. Je me sentais si ‘petite’ devant eux. Mais aujourd’hui, nous sommes inséparables. Ils nous ont même aidés à rénover notre maison », nous confie Janny Koamanikao.
Et ce n’est pas tout ! Leurs accompagnateurs sont également des conseillers hors pair. « Ils ont expliqué l’importance de l’éducation à ma fille. Cette dernière voulait abandonner ses études. Grâce à eux, j’ai suivi un cours de jardinage. Ils nous ont conseillés d’arrêter de travailler au dépotoir. Désormais, je suis bonne et mon mari est ébéniste. Ils ne nous ont pas donné du travail, mais nous ont fait comprendre qu’il était mieux que nous soyons plus présents pour nos quatre enfants », poursuit la quadragénaire.
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Afez Dookun, 60 ans: « Nos messies »
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Sa vie a été une lutte continue. Afez Dookun, 60 ans, vit avec son fils et sa mère depuis son divorce à La Brasserie et est à la retraite depuis peu de temps. Elle dit être fière de son fils qui est un athlète national et qui a récemment réussi son HSC avec brio.
« Mon garçon a fait beaucoup d’efforts et de sacrifice pour en arriver là. Il travaillait dans un «poultry» pendant ses examens. Toutefois, nos accompagnateurs ont été de véritables guides et des messies pour nous », nous confie-t-elle. Son fils, dit Afez Dookun, ne fait rien sans les consulter car ils sont des intellectuels et connaissent les rouages du monde professionnel.
« Mon fils travaille come maçon en attendant la rentrée universitaire. Il a pu rénover notre maison avec l’aide de nos accompagnateurs. Je ne pourrai jamais oublier ce qu’ils ont fait pour nous. Ils nous ont soutenus comme un membre de la famille aurait fait », avance-t-elle.
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Enrico Hipolitte, 28 ans: « Mon soutien »
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Père de trois enfants, Enrico Hipolitte se dit en sécurité depuis que ses accompagnateurs sont entrés dans sa vie. Ce maçon de 28 ans est lui aussi bénéficiaire depuis plus d’un an. Il affirme que c’est un bonheur d’avoir ces accompagnateurs.
« Je souhaite que d’autres personnes comme nous aient la chance d’en avoir également. Ils nous ont permis de voir la vie autrement. Je me sens plus responsable. Ils nous ont expliqué que nos enfants devraient dormir dans une autre chambre et que mon épouse pouvait travailler pour contribuer aux dépenses ménagères. Nous avons aussi construit une cuisine car mes accompagnateurs m’ont expliqué que la fumée pouvait être nuisible pour mes enfants. Ce sont peut être des choses simples pour certains, mais nous, il a fallu qu’on nous l’explique », soutient le jeune homme.
Le soutien psychologique est aussi très important pour lui. « Ils ont pris soin de nos enfants quand ils étaient malades. Ce n’est pas une honte d’accepter de l’aide pour sortir la tête hors de l’eau. Mes enfants sont très proches d’eux car ils sont très aimables. J’étais grièvement blessé lors d’un accident et cela m’a ému de voir le dévouement de mes accompagnateurs. Ils m’ont soutenu dans les moments les plus difficiles de ma vie », conclut-il.
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Louis Curtis Lacaze, 38 ans: « Ils tiennent à nous »
Il se dit chanceux d’avoir un accompagnateur dans sa vie. Louis Curtis Lacaze, père de trois enfants, est lui issu de Rivière-Noire, où le projet Love Bridge existe depuis une année, seulement. Mais déjà, beaucoup ont été faits ! « Ma femme travaille comme bonne. Même si notre souci principal est l’argent, nous avons bénéficié de l’aide de nos accompagnateurs autrement. Dans une famille comme la mienne, la priorité c’est de travailler pour survivre. La communication, l’éducation de nos enfants et les valeurs familiales n’ont jamais été nos priorités. Or, avec l’arrivée de nos accompagnateurs, nous ne sommes plus les mêmes », nous confie ce maçon de 38 ans. Louis Curtis Lacaze n’est jamais allé rencontrer les enseignants de ses enfants à l’école. Par ailleurs, il avait des fuites d’eau après les averses. Il ne savait pas ce qu’il fallait faire pour résoudre ce problème. « Mes accompagnateurs m’ont fait comprendre qu’un suivi est important en ce qui concerne l’éducation de nos enfants. Ils m’ont aidé pour entamer des démarches afin de régler le problème d’eau. Même s’ils ne sont pas au pays, ils nous appellent pour savoir si nous allons bien. Aujourd’hui, chaque individu préfère s’occuper de sa vie, mais mes accompagnateurs sont prêts à tout pour qu’on soit heureux. En somme, ils sont là pour accélérer les démarches tout en nous permettant de concrétiser nos projets. Ils s’assurent que nos enfants ont tous le matériel scolaire. Ils viennent chez nous pour les fêtes. En effet, c’est un sentiment de bien-être quand on sait qu’on n’est pas seul. Il existe des gens qui tiennent à nous », dit-il.Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !