Poulets aux hormones, porc aux antibiotiques, vaches carnivores, fruits et légumes contaminés aux pesticides... Que ne fait-on pas aujourd’hui au nom de l’argent ?
Il est devenu un rouleau compresseur qui n’épargne rien sur son passage, même pas la vie humaine. Pris de convulsion et de vomissements après avoir consommé un repas à la cantine scolaire en Inde deux années de cela, 23 élèves décédaient quelques heures plus tard à l’hôpital.
Les analyses toxicologiques avaient attribué ce drame à un empoisonnement aigu dû aux pesticides. À Maurice, nous ne sommes certes pas encore arrivés là, mais l’intoxication des élèves des écoles avoisinant des champs traités aux pesticides fait souvent l’actualité du jour, avant de sombrer rapidement dans l’oubli.
Pourtant, l’usage démesuré de ces produits phytosanitaires est fortement décrié depuis plusieurs années justement à cause de leurs effets nocifs sur la santé et l’environnement. Or, de 1500 tonnes de pesticides importés en 1996, nous sommes passés à 2100 tonnes en 2011. Et si, selon Statistics Mauritius, une légère baisse a été constatée les années suivantes, c’est principalement dû à une réduction non négligeable de surface sous culture de la canne dans le cadre de la politique de diversification économique. Des études ont démontré qu’environ 90% des pesticides – qui sont tous des produits de haute toxicité – et 50% des engrais utilisés n’atteignent jamais leurs cibles et se perdent dans la nature. Si leur impact sur la biodiversité n’est plus à prouver, les conséquences sur la santé publique sont tout aussi considérables. La malformation congénitale, par exemple, constitue justement un de ses effets directs. D’ailleurs, il est connu – et tous les spécialistes du domaine de la procréation médicalement assistée le confirment – que la qualité et la quantité de sperme – nombre de spermatozoïdes, leur morphologie, mobilité… – régressent de jour en jour.
Par ailleurs, selon les chiffres de l’autorité européenne de la sécurité des aliments (EFSA) publiés récemment, la moitié des denrées alimentaires analysées montre des résidus de pesticides. Un résultat qui coïncide plus ou moins avec celui obtenu chez nous par le Laboratoire de technologie alimentaire du ministère de l’Agriculture. Ces résidus, dans l’organisme, sont stockés dans les cellules adipeuses et les organes, notamment le foie et à la moindre défaillance de notre système de défense, ils agissent sur l’ADN des cellules provoquant le point de départ d’une tumeur. En effet, des études épidémiologiques menées en Europe et aux États-Unis ont démontré qu’une exposition prolongée aux pesticides augmente de manière significative le risque de développer certains types de cancer notamment celui de la peau, l’estomac, la prostate et du cerveau ainsi que des maladies neuro-dégénératives telles le Parkinson et l’Alzheimer, bien que l’origine génétique de ces démences associées au chromosome 4 pour la première et aux 1, 19 et 21 pour la seconde, ne peut également être négligée. En outre, des troubles digestifs, respiratoires, cardiaques et neuromusculaires sont également observés.
À Maurice, le rapport du ministère de la Santé sur le plan d’action national 2010-14 sur le cancer recommande l’exercice d’un contrôle strict sur l’utilisation des pesticides dans les champs. En effet, 11 kilos de ces produits phytosanitaires par hectare constituent un des taux les plus élevés au monde. Même si parfois les analyses des échantillons des fruits et légumes, de l’eau, de l’air et du sol indiquent des résultats légalement compatibles, il demeure, néanmoins, que les risques sanitaires de la présence persistante de ces produits dans la chaîne alimentaire de même que les dangers liés à ce qu’on appelle « l’effet cocktail » dû à la combinaison de plusieurs molécules – pratique qui a malheureusement la vie dure à Maurice – sont bien réels.
À cause de leur propriété cumulative, les produits toxiques pourraient avoir déjà provoqué des dommages latents irréversibles dans l’organisme avant qu’ils ne soient enfin détectés. Si le projet du ministère de l’Environnement visant à vulgariser l’utilisation du bio fertilisant chez les particuliers dans le but de réduire le volume des déchets organiques est fort louable et doit être encouragé, un vaste programme de sensibilisation mais aussi d’assistance technique et pratique doit être initié afin de promouvoir la sécurité sanitaire dans le domaine de l’agriculture. Certes, des causeries et séminaires sont parfois organisés dans les centres communautaires et les FSC à l’intention des planteurs sur les dangers que représentent les produits chimiques pour la santé et l’environnement. Pas plus tard que la semaine dernière, un expert de la Grande péninsule a animé un atelier de travail au MSIRI sur une méthode phytosanitaire « ecologically friendly » qu’il a mise au point et donnant des résultats probants dans son pays. Mais la question que l’on se pose : nos agriculteurs sont-ils vraiment enclins à changer leur fusil d’épaule au risque de sacrifier leurs profits ?
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