Avec les classes alternées et le retard accumulé durant le premier trimestre, les leçons particulières sont-elles plus que jamais indispensables ? Les avis divergent parmi les étudiants, les parents et les pédagogues.
Une catastrophe. C’est ainsi que Pooja Jhurry, étudiante en Grade 12 qualifie les précédents trimestres. Elle met en avant la lenteur pour compléter le programme d’études suite aux classes alternées. « À l’école, cette année, c’est à peine si nous avons pu terminer un chapitre durant le premier semestre. Si on inclut l’absence et le manque d’enseignants pour certaines matières ou encore le changement de professeurs, la situation est encore plus compliquée pour nous », dit-elle.
Ajoutée à cela, cette étudiante du collège Renganaden Seeneevassen SSS, à Port-Louis, indique qu’enchainer quatre classes d’une durée d’une heure et 15 minutes n’est pas une mince affaire. « Or, les leçons particulières nous permettent de rattraper le retard accumulé à l’école. On peut aussi compléter le programme et avoir une meilleure interaction avec les professeurs », soutient-elle.
C’est un autre son de cloche, toutefois, du côté de Laurie Moorjee, étudiante du HSC au collège G.M.G Atchia à Port-Louis. Selon elle, l’achèvement du programme scolaire se fait parfois au détriment de la compréhension des élèves. « Des enseignants sont souvent davantage préoccupés à compléter le programme scolaire que de s’assurer que les étudiants ont assimilé les leçons. Zot ena kont pu rende », déclare-t-elle. La jeune fille estime qu’elle ne peut pas se fier uniquement à l’école et considère que les leçons particulières sont très importantes. Les classes en ligne auraient également leurs limites, à en croire cette étudiante. « La comptabilité fait partie de mes matières principales. Ce enn size bien lour et difisil pu asimile, surtou ki li enn size ki demann pratik », indique Laurie. Cette dernière est parfois réticente à poser des questions lors des classes en ligne, alors que c’est plus facile en présentiel.
Jilani Ameer Meea, étudiant en Grade 12 au collège Royal de Port-Louis, soutient, pour sa part, que les leçons particulières ont leur raison d’être. Mais il ne les considèrent pas comme indispensables. « Il est vrai que nous passons moins de temps à l’école. Cela dit, le gros du travail a toujours été la responsabilité de l’étudiant, à travers notamment les devoirs et les révisions. Et lorsqu’il ne comprend pas quelque chose, il peut consulter ses enseignants à l’école et pas forcément se tourner vers les leçons particulières », déclare le jeune homme.
Il est d’avis que si les étudiants sont contraints de suivre des cours particuliers, c’est peut-être dû aux manquements du système éducatif. « Il faudrait songer à inclure dans le 9-year schooling une classe pour montrer aux élèves comment apprendre et à se discipliner soi-même », suggère-t-il. Mais il concède qu’il prend des leçons particulières, car il estime n’être pas capable d’acquérir tout ce qu’il souhaite à la force de ses capacités uniquement.
Classes alternées : « Échec total »
Heman Halkharee, président de la Parent Teacher Association (PTA) du collège Royal de Curepipe (RCC), considère que les classes alternées sont un « échec total ». « Cette formule nous a montré que deux à trois jours d’école par semaine ne suffissent pas pour beaucoup d’étudiants. Ensuite, les classes en ligne ne fonctionnent pas à 100 % », dit-il en citant des contraintes, telles que l’accès à l’outil informatique, une connexion internet ainsi que le manque de concentration et de participation des élèves, entre autres.
Et c’est là où rentrent en jeu les cours particuliers. « Ne nous voilons pas la face, tous les étudiants ne sont pas sur un même pied d’égalité. Certains sont motivés, autonomes et disciplinés. Paren pa bizin asiz ek zot, ek ce zot ki met presyon lor profeser. Mais c’est loin d’être le cas pour tous. You can’t have one rule that fits all », fait-il ressortir.
Les leçons particulières seraient aussi une nécessité, surtout pour les « slow learners ». Tel est l’avis de Nazima Kholeepa, la présidente de la PTA du collège Modern à Flacq. « Cette catégorie d’élèves éprouvait déjà des difficultés même avec les cinq jours de classe par semaine. Imaginez maintenant avec les classes alternées », dit-elle. Sans compter que les enseignants sont eux-mêmes perturbés par la situation. « Je constate qu’ils arrivent difficilement à tout faire à l’école. Du coup, ils complètent le programme pendant les leçons particulières », déclare Nazima Kholeepa, soulignant que pour les classes telles que le NCE (Grade 9), SC et HSC, ces cours seraient « indispensable ». « Les problèmes engendrés par la pandémie ne vont pas se dissiper du jour au lendemain. Les leçons représentent donc une solution pour le rattrapage sur le long terme », dit-elle.
Pour Naushaad Deljoor, membre du comité exécutif de la PTA du collège Sir Abdool Raman Osman à Phoenix, la justification pour le recours à des leçons particulières serait tout simplement mathématique.
Ceux qui se rendaient à l’école trois fois par semaine y ont été seulement 24 jours sur un total de 60 jours. Alors que pour ceux qui partaient deux fois par semaine, au final, ont été à l’école seulement 16 jours sur 60 », explique-t-il. Notre interlocuteur indique qu’il faut ajouter à cela les nombreuses fermetures dans les établissements où des cas positifs à la Covid-19 ont été enregistrés. « J’ai un autre fils qui fréquente un collège confessionnel, lequel a été contraint de fermer en pas moins de trois reprises. O final kuma dir pan al lecol mem », fait-il remarquer.
Il ne cache cependant pas le fait que les leçons particulières ont tendance à favoriser les étudiants dont les parents ont les moyens. « Seki pa cav aford li res a laryer malerezmen », se désole-t-il.
Pas indispensable, mais complémentaire, selon des pédagogues
Les leçons particulières ne doivent pas être une substitution, mais complémentaires à ce qui se fait à l’école. Tel est l’avis de Yugesh Panday, membre exécutif de l’association des recteurs et vice-recteurs des collèges d’État. « La Covid-19 nous a montré que dans l’apprentissage, il faut un degré d’effort de l’étudiant. Ce dernier ne doit pas dépendre du système ou des personnes qui en font partie », dit-il. Yugesh Panday ajoute que les enseignants ne peuvent être remplacés, certes, mais qu’il ne faut pas en dépendre à 100%. « Les leçons particulières ne remplaceront pas les valeurs inculquées à l’école telles que la discipline, la rigueur, le sacrifice et le partage », dit-il.
Idem pour Basheer Taleb, le président de la Fédération des collèges privés, qui considère que les leçons particulières ne sont pas indispensables. « Cela dit, ça reste comme c’était le cas avant, en l’occurrence important pour une catégorie d’élèves et inutile pour une autre », fait-il remarquer.
Il pense que les cours particuliers en ligne profitent aux étudiants qui peuvent faire du « self study ». « Quant à ceux qui nécessitent une attention particulière, ils vont rester sur leur faim s’ils ne maitrisent pas l’utilisation des outils informatiques ou s’ils ne parviennent pas à poser des questions », soutient le pédagogue, indiquant que dans ce cas-ci, les cours particuliers ne seront pas d’une grande aide.
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