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Les jeux vidéo : bénéfiques à petite dose, délétères à outrance

Les études se multiplient et se contredisent sur les effets des jeux vidéo sur les enfants et les adolescents. Et pour cause, ce loisir peut être à la fois bénéfique et délétère. Somme toute, tout dépend de leur consommation : contrôlée  ou excessive.

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Le jeu vidéo a quarante-cinq ans. Depuis le tout premier jeu Pong, en 1972, il n’a cessé de se développer, de se diversifier, de se démocratiser. Les progrès technologiques ont permis d’imaginer différents concepts, d’explorer toutes sortes d’univers et de rendre les jeux toujours plus complexes et plus réalistes. Bref, il en existe désormais pour tous les âges et tous les goûts. Au point que les jeux vidéo sont devenus, aujourd’hui, un loisir de masse dans la majeure partie du globe.

Et pourtant, malgré cette présence de plus en plus importante dans notre quotidien, le jeu vidéo continue d’inquiéter. Mais quelles sont les conclusions des études scientifiques qui ont été menées ? « Certaines études relient le jeu excessif aux problèmes scolaires et aux comportements antisociaux, d’autres ont trouvé l’expérience bénéfique pour le renforcement des relations, la pensée critique et la réussite scolaire », souligne Poonam Bissessur, psychiatre et addictologue.

Le jeu vidéo est-il un outil éducatif ou un loisir susceptible d’influer de manière négative sur le comportement ? Médecin, psychologue, pédagogue, éducateur, tous donnent voix au chapitre.

Céline Schobben : « Le jeu vidéo renferme l’enfant »

Plutôt contre que pour, la neuropsychologue Céline Schobben concède que le jeu vidéo engage plusieurs fonctions attentionnelles, telles que la capacité de rester vigilant, de réagir rapidement ou de focaliser son attention sur certaines cibles spécifiques. « Il faut néanmoins rester prudent car l’amélioration des performances dans ces jeux ne veut pas dire nécessairement que l’enfant aura transféré ses nouveaux acquis dans sa vie quotidienne. »

Céline Schobben constate que les jeux diminuent chez l’enfant la possibilité d’observer le résultat de leurs actions sur leur monde environnant réel. Elle relève aussi des effets négatifs concernant la socialisation : « La qualité des interactions au sein même de la famille est réduite. Les moments de partage et de jeux deviennent rares entre parents et enfants. L’enfant est occupé par un écran pour permettre aux parents, surmenés par les obligations du quotidien d’effectuer d’autres tâches. »

La neuropsychologue va encore plus loin en affirmant que les jeux vidéo renferment l’enfant. « Il n’y a que lui et son écran. Les opportunités d’apprentissage se limitent.  Nous observons alors des enfants qui connaissent peu leur corps, qui présentent des retards de langage et des difficultés de socialisation. Dans des cas plus graves, on peut même se retrouver face à des addictions, avec des jeunes qui dorment très peu car ils ne peuvent plus arrêter de jouer. »

Réaliste, Céline Schobben reconnaît que « les écrans font partie de nos vies, mais il ne faut pas en abuser ». Les jeux vidéo ne doivent pas remplacer les jouets réels et les activités en plein air.

Om Varma : « Bien respecter la restriction d’âge » 

Les experts, d’ici ou d’ailleurs, qui mettent en avant les dangers que représente le jeu vidéo, affirment que l’on en est acteur plus que d’un film ou d’un livre. Cet investissement, selon eux, peut être responsable de la manifestation, dans la vie réelle, d’une certaine forme d’agressivité chez les joueurs. Om Varma, directeur du Mauritius Institue of Education (MIE), partage cet avis et  souligne les risques addictifs de certains jeux en ligne.

« Des joueurs fragiles pourraient être amenés à avoir une vision de la violence comme  quelque chose de normal et de courant dans la vie quotidienne. Certains pourraient même reproduire ce qu’ils voient dans les jeux vidéo. » Toutefois, le pédagogue concède que si l’enfant a assez de maturité pour faire la différence entre le virtuel et la réalité, le jeu peut être une bonne chose. « Le fait de réussir dans un jeu vidéo est très gratifiant pour l’égo. Chez les petits comme les grands, cette satisfaction de gagner est importante. »

Par ailleurs, Om Varma met en garde contre des choses qui pourraient affecter la subconscience et ainsi influencer les réflexes et les attitudes dans la vie réelle. Il est donc important que cette activité de loisir, incontournable dans la société actuelle, soit pratiquée sous étroite surveillance parentale. « Pas question de mettre n’importe quel titre dans les mains des enfants. Il faut veiller à bien respecter la restriction d’âge et surveiller leur temps de jeu. »

Konrad Atchia : « L’outil pédagogique par excellence » 

« Le jeu est l’outil pédagogique par excellence pour tout apprentissage. Et il est plus facile de capter l’attention des enfants d’aujourd’hui par des jeux vidéo, étant plus attrayants que les livres », souligne l’enseignant Konrad Atchia. Convaincu de la contribution positive des jeux à l’apprentissage des enfants, il dira « qu’il faut juste aller dans la bonne direction ». Il privilégie le recours aux jeux éducatifs susceptibles d’aider les enfants à acquérir des connaissances dans différentes disciplines scolaires.

« Internet regorge de matériels didactiques qui préparent à l’apprentissage des mathématiques, des sciences et des langues, entre autres. Avec les jeux de réflexion, les facultés de logique, voire d’intuition, sont largement mises à contribution. Leur version électronique aiguise davantage les performances intellectuelles : la rapidité des programmes informatiques incite à résoudre les problèmes, à organiser les puzzles, à tester différentes hypothèses beaucoup plus rapidement. »

Dr Poonam Bissessur, psychiatre et addictologue : « Les mêmes symptômes que ceux de la toxicomanie »

Dans quelle mesure les jeux vidéo peuvent être bénéfiques à un enfant ?
La recherche a démontré que jouer à des jeux vidéo peut être bénéfique à un certain nombre de fonctions cognitives et peut également contenir des avantages sociaux. Et pour cause, afin de progresser dans les jeux, il faut d’abord apprendre à suivre les directives, les restrictions et les composants de ceux-ci. Comme le joueur est confronté à de nouveaux défis, il doit utiliser la résolution de problèmes pour trouver des solutions. Cela est vrai pour les jeux éducatifs ou mind-games.

Le joueur peut également apprendre la stratégie et l’anticipation, la gestion des ressources (jeux de simulation), la cartographie, la reconnaissance des formes, la manière de juger une situation et de pratiquer la lecture (avec les directions, le dialogue, etc.) et les calculs quantitatifs (par le biais de jeux éducatifs, Achat et vente, etc.). Les joueurs s’habituent également au multitâche. Les jeux encouragent une réflexion rapide et réduisent considérablement les temps de réaction sans sacrifier la précision. Du coup, les joueurs sont plus à même de prendre des décisions correctes dans le monde réel. Les jeux vidéo augmentent également la coordination œil-main, les compétences motrices fines et le raisonnement spatial.

À contrario, comment peuvent-ils nuire à la santé mentale de l’enfant ?
Les jeunes jouant souvent aux jeux violents ont des comportements plus agressifs et des pensées agressives, selon des études. L’obésité est un autre problème récurrent. En passant une grande partie de leur temps libre sur l’ordinateur ou sur leur console, les enfants ne participent pas aux activités physiques et au grand air, indispensables pour une bonne santé.

Ils développent ainsi un état d’esprit de paresseux. Il y a aussi des effets négatifs spécifiques pour la santé physique, comme des troubles musculaires et posturaux, compression nerveuse et engourdissement des mains, le syndrome du canal carpien – douleurs bras / épaules.

Quel pourrait être le comportement d’un enfant ou d’un ado trop exposé aux écrans ?
L’utilisation excessive de jeux vidéo peut avoir certains ou tous les symptômes de la toxicomanie ou d’autres addictions psychologiques. Passer trop de temps à regarder des écrans d’ordinateur peut provoquer des changements physiques dans le cerveau qui entraînent des problèmes d’attention et de comportement. Certains joueurs se préoccupent davantage de leurs interactions dans le jeu que dans leur vie au sens large.

Obnubilés par le jeu, ils négligent leur hygiène personnelle, prennent du poids et souffrent de perturbation du sommeil. Un visionnement étendu de l’écran est aussi dangereux pour les yeux. L’utilisation prolongée de jeux vidéo peut également provoquer des maux de tête, des étourdissements et le vomissement. Par ailleurs, des études démontrent que les enfants qui ont régulièrement joué pendant trois heures ou plus par jour étaient plus susceptibles d’être hyperactifs et montrent moins d’intérêt aux études.

Paroles de gamers

Ethan, 9 ans
« J’aime jouer à N.O.V.A (NdlR : les aventures de Kal Wardin pour sauver l’humanité). C’est amusant parce que je peux tuer les méchants. Ce qui est cool aussi dans les jeux, c’est que si on meurt, on peut revivre. On peut tout le temps recommencer. Quand on a commis une erreur une fois, la prochaine fois, on ne la reproduit pas. »

Aadish, 13 ans
« J’aime l’aspect de compétition. Plus je joue, plus je deviens performant. Ainsi puis-je me mesurer à d’autres pour, finalement, savourer la victoire. Et puis si on ne joue pas, on est exclu de LA conversation de la récré. »

Jason, 16 ans
« Je suis un adepte de GTA (NdlR : jeu d’action et d’aventure, en monde ouvert, où le joueur enchaîne braquages et missions. Le jeu propose aussi un mode multi-joueurs en mode coopératif ou compétitif). Il n’y a pas de règles, ni de loi et cela soulage les pulsions et le désir de frôler l’interdit. Ce qui reste quand même un moyen de se divertir et de se faire plaisir. Je ne le fais pas au détriment de mes études. Autant pendant les vacances, je peux jouer 24 heures d’affilée ; quand il y a école, je peux m’abstenir pendant plusieurs semaines. »

Aktar, 17 ans
« Je suis un vrai geek. Je passe parfois plusieurs jours sans dormir à jouer. Dès que je me connecte, les autres joueurs se déconnectent. Ils ont peur de moi. Je rentre des cours vers 18 heures et je joue jusqu’à 1 heure du matin. Je m’arrête juste cinq minutes pour manger. Du coup, je dors souvent en classe et mes résultats sont catastrophiques. Je redouble actuellement ma classe de Form V. »

 

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