A l'ère des ventes en ligne, John Gunti, Indien expatrié en Arabie saoudite, semble appartenir à une autre époque: il fait du porte-à-porte pour proposer des livres.
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Il arpente les rues du centre d'affaires de la capitale saoudienne, Ryad. Objectif: vendre la collection américaine World Book Encyclopedia en 22 volumes. Poids: 25 kg.
«Le démarchage, c'est ma passion», dit-il, en feignant d'ignorer l'accessibilité sur un smartphone de la collection qu'il propose et l'impact de la crise économique sur ses clients potentiels.
John Gunti, 47 ans, s'accroche à son métier. La disponibilité, dit-il, est ce qui distingue le vendeur en direct d'un affichage statique dans une librairie où personne ne donne vraiment d'explications détaillées sur un produit. «Vous me poserez 100 questions, je répondrai à vos 100 questions», dit-il.
Il transporte avec lui dans une élégante sacoche noire des documents publicitaires pour soutenir son argumentaire de vente.
Après 11 ans de métier et une expérience antérieure de visiteur médical en Inde, M. Gunti assure pouvoir vendre n'importe quel produit. «Si vous voulez vendre de la pierre, vous pouvez la vendre. Du sable ? Vous pouvez le vendre. Ce qui importe, c'est l'attitude», dit-il à l'AFP.
Pour lui, les livres ont toujours leur place, même si ses ventes sont quasiment tombées à zéro.
Pouvoir de persuasion
Fini le temps où son entreprise Pioneer House comptait une vingtaine de démarcheurs, tous originaires d'Asie. John Gunti dirigeait alors une équipe de quatre personnes et prenait des commissions sur leurs ventes.
Cette période faste a pris fin il y a deux ans avec la chute des recettes pétrolières de l'Arabie saoudite et le début des difficultés économiques pour ce pays. «La demande a baissé», déplore M. Gunti, qui ne poursuit plus son activité qu'avec un unique employé chez Pioneer House.
Il vit des 25% de commission qu'il encaisse sur chaque vente de la World Book Encyclopedia, au prix de 2.000 riyals (488 euros).
Il propose aussi la collection plus coûteuse de l'Encyclopedia Britannica, ainsi que des encyclopédies pour enfants et des programmes éducatifs multimédia, en frappant jusqu'aux portes des écoles.
«Il y a eu des moments où je vendais cinq ou six encyclopédies par mois», se rappelle M. Gunti, des lunettes vissées sur le haut de la tête. «L'idéal, c'était de conclure une vente sur cinq présentations». Maintenant, il faut 100 démarchages pour réaliser une vente et donc «plus d'efforts pour rencontrer plus de gens».
Moment difficile
Dans le quartier d'affaires de Ryad, John Gunti passe son temps à courir d'une tour à une autre, avenue Olaya ou boulevard King Fahad.
L'expérience l'a aguerri. «Lorsque je rentre dans un bureau, je ne m'adresse pas à n'importe qui», dit cet anglophone qui parle un peu l'arabe. En abordant un client potentiel, «je me présente d'une manière amicale» avant d'engager avec lui une discussion pour avoir «une idée sur ses enfants, leurs âges et tout le reste».
Ses meilleurs clients sont les Syriens, les Egyptiens et les Palestiniens, nombreux parmi les millions d'expatriés vivant dans le royaume saoudien.
Mais «tout dépend de la façon dont vous faites votre présentation», confie M. Gunti. «Le client achète à cause du vendeur - pas à cause du produit, pas à cause de l'entreprise. C'est une question de confiance».
Il voit la prospection «comme un jeu». «L'affaire doit être conclue sur le champ, il n'y a pas de seconde chance», dit-il.
D'autant que chaque client s'interroge sur l'opportunité d'acheter l'encyclopédie alors qu'une version électronique est disponible sur internet. M. Gunti répond: «Un livre est plus confortable» et «a sa place» dans une bibliothèque.
Porté par sa passion d'aider des enfants à apprendre, il estime qu'existe toujours un «grand marché» pour les livres.
Mais l'impact des difficultés économiques du royaume saoudien pèse. «C'est un moment difficile pour moi», admet M. Gunti, qui «ne peut plus envoyer d'argent» à sa femme et à ses deux filles restées à Hyderabad, en Inde.
«Ce mois-ci, je ne gagnerai que 2.000 rials. Parfois, je n'ai gagné que 1.500 rials» (370 euros), dit-il, en se demandant comment il pourra tenir le coup.
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