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Légalisation du cannabis : à quand la fin de l’éternel débat?

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L’Afrique du Sud emboîte le pas aux autorités canadiennes et légalise la consommation et la possession de cannabis à titre prix. À Maurice, le débat continue. Si pour certains, la légalisation est une suite inévitable, d’autres émettent toujours des réserves.

La justice sud-africaine a tranché. La consommation et la possession du cannabis ne sont plus interdites ou passibles de peines de prison. Le couperet est tombé le 18 septembre dernier après plusieurs débats [voir hors texte]. Malgré les différentes consultations autour de la légalisation du cannabis, Maurice peine à se positionner. Des groupuscules se sont formés dans le but d’accélérer cette prise de décision tant attendue. Cela étant, il reste un certain nombre de points sur lesquels les discussions n’ont pas encore abouti. Selon Jameel Peerally, porte-parole du Kolektif 420, la raison pour laquelle Maurice n’arrive pas à trancher sur la question de légalisation du cannabis est la mentalité qu’il qualifie d’archaïque. « Nous ne pouvons nous comparer à d’autres pays, car nous ne sommes pas au même niveau en ce qui concerne l’ouverture d’esprit. Il est malheureux que nos décideurs se laissent guider par des principes et des théories dépassés. Malgré les nombreuses recherches sur le cannabis, ils se laissent toujours influencer par des idéologies parfois non fondées. Pour arriver à une conclusion, il est important que chacun prenne ses responsabilités et pense avant tout aux retombées positives pour la population dans son ensemble », explique-t-il.

La légalisation du cannabis passe par plusieurs étapes. Avant d’aboutir à une conclusion, il est important de comprendre les implications. C’est ce que nous explique le porte-parole du Kolektif 420. « Plusieurs recherches ont été faites autour du cannabis. Des institutions de renommée internationale ont publié leurs avis. Il serait insensé d’arrêter le débat uniquement sur des opinions personnelles de certains décideurs et refuser de voir plus loin que le bout de notre nez. Il est vrai qu’il est important de comprendre les implications, mais rien ne nous empêche d’attaquer ce dossier de façon proactive », fait valoir Jameel Peerally.

Ce qui freine la prise des décisions

Depuis des années, les débats autour la légalisation du cannabis ne cessent de s’enchaîner. Des voix se sont fait entendre mais aucune décision n’a encore été prise. Alors que les autorités dans d’autres pays sont plusieurs à adopter une politique permissive, Maurice continue à en débattre.

Pour Selven Govinden, membre du Cannabis Legalization and Informative Movement (Claim), l’indécision du gouvernement mauricien n’est pas sans conséquence. « Au niveau de Claim, nous associons l’incapacité des autorités mauriciennes à prendre une décision à la hausse dans la consommation de la drogue synthétique. La pénalisation du cannabis encourage les trafiquants à le vendre au marché noir, ce qui a un impact considérable sur le prix. Donc, les gens qui n’ont pas de moyens tombent dans le piège des drogues synthétiques qui sont bien plus accessibles. Contrairement, au cannabis, les drogues de synthèse ont un effet néfaste sur la santé. La lenteur des autorités à prendre une décision n’est malheureusement pas sans conséquences », souligne-t-il.

Pour les membres de Claim, la légalisation du cannabis passe d’abord par la vulgarisation des informations fondées sur le sujet.

« Il faut cesser de diaboliser le cannabis et aussi cesser de dire que nous ne sommes pas prêts pour une prise de décision. Nous sommes prêts. Il faut voir la vérité en face et permettre aux personnes avisées d’en exposer les bienfaits et les retombées positives. Notre système doit changer et c’est maintenant le temps ! », lance Selven Govinden.


Coup d’œil sur le monde

Sur le plan international, tout le monde n’est pas sur la même longueur d’onde quand il s’agit de la dépénalisation ou de la légalisation du cannabis. À quelques kilomètres de chez nous, l’Afrique du Sud est le premier pays (en Afrique), où la consommation privée du cannabis est dépénalisée. Après de longues années de débats, la justice sud-africaine a rendu un verdict favorable à la dépénalisation le mardi 18 septembre. Un verdict rendu à l’unanimité par la plus haute cour du pays. La consommation et la possession à titre privé sont désormais légales, mais l’usage en public et la commercialisation du cannabis restent un crime. D’autre part, les autorités seychelloises se montrent favorables à l’usage thérapeutique du cannabis. Les magistrats de la Cour constitutionnelle des Seychelles ont rejeté la requête du procureur général visant à s’opposer à l’accès au cannabis à des fins médicales. Les juges prônent une légalisation sous contrôle qui pourrait, selon eux, limiter les trafics et la vente de produits dangereux. Le verdict final est attendu le 2 octobre prochain où le représentant du ministère public devra présenter de nouveaux arguments.

Si le débat autour de la dépénalisation du cannabis fait rage dans de nombreux pays, d’autres se sont déjà prononcés sur la question. La consommation du cannabis est légale dans plusieurs pays, dont l’Uruguay et dans huit États des États-Unis d’Amérique, dont le Colorado, l’Oregon, l’Alaska, Washington D.C, entre autres. Les Pays-Bas, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, le Portugal, l’Italie et la Suisse ont également levé les interdictions en rapport avec le cannabis.


Ally Lazer, travailleur social : «Oui pour la dépénalisation et non pour la légalisation»

allyComme dans tous les débats, il y a des personnes qui, persuadées par leurs convictions, expriment des avis contre le sujet débattu. En ce qui concerne la légalisation du cannabis, le travailleur social, Ally Lazer signe et persiste. « Je suis pour la dépénalisation et non la légalisation. J’estime avoir de bonnes raisons de penser qu’il faut attendre des recherches concrètes au sujet du cannabis avant de trancher. En ce qui concerne la santé publique, la seule autorité qui est de même à se prononcer sur le sujet est l’Organisation mondiale de la Santé. Et, à l’heure actuelle, aucune communication officielle n’a été faite à ce sujet », insiste-t-il.

Pour le travailleur social, Maurice doit éviter de copier sur les pays occidentaux ou les pays voisins. « Notre culture est différente sur plusieurs points avec ces pays qui ont légalisé le cannabis. Il est dangereux, selon mes convictions, de se lancer dans des débats uniquement parce que c’est coutume ailleurs. Bien au contraire, il faut prendre en considération nos besoins et, à mon avis, ce n’est pas de la légalisation qu’on a besoin, mais de la dépénalisation. Il faut arrêter d’envoyer des consommateurs de cannabis derrière les barreaux. Au lieu de s’attarder sur la légalisation, il faut trouver de nouveaux outils pour lutter contre la drogue à Maurice ».


Danny Philippe, président de Collectif Urgence Toxida (Cut) : «Il faut mettre un terme aux débats pour et contre»

dannyQu’est-ce qui explique la lenteur dans la prise d’une décision concernant la légalisation du cannabis ?
La lenteur dans la prise de décisions est le résultat de l’incapacité des décideurs à s’asseoir autour d’une table et d’en discuter de façon active. Les données ont changé et il est grand temps que les décideurs mettent à jour leurs connaissances sur le sujet. 15 ou 20 ans de cela, j’étais moi-même personnellement contre la légalisation du cannabis, car à l’époque, nous ne disposions pas d’informations sur les implications d’une telle démarche. Mais la donne a changé. À noter que le cannabis figure parmi les produits illégaux les plus consommés dans le monde.

D’autre part, les recherches scientifiques ne cessent de démontrer, en s’appuyant sur des faits, que le cannabis n’est pas aussi dangereux. Nous invitons donc les décideurs à revoir leur politique sur le cannabis et surtout de changer d’idéologies. Il est important d’avoir une ouverture d’esprit et de discuter de façon objective.

Quelle serait, selon vous, la bonne marche à suivre ?
Il faut avant toute chose mettre un terme aux débats pour et contre. Au point où nous en sommes, il n’est plus nécessaire de lister les idées contre ou les idées pour. Il faut absolument prendre une décision. Avec les données dont nous disposons, nous sommes tout à fait prêts pour trancher sur la question de dépénalisation, de légalisation ou de décriminalisation, selon les spécificités du pays. Tout en respectant ceux qui ont des avis contre cette démarche, il est important de passer l’intérêt de la nation avant nos idéologies personnelles. Ainsi, nous éviterons de fausser les débats et nous parviendrons enfin à clore cet éternel prêchi-prêcha.

Que faites-vous au niveau de votre association ?
Au niveau de Cut, nous avons une vision élargie du problème de drogues à Maurice. Nous nous n’arrêtons pas à des facteurs ou des idées restrictives. Par exemple, nous allons au-delà de l’idée que notre pays n’est pas prêt pour la légalisation de par sa spécificité culturelle. Qu’il s’agit de la consommation de drogues dures ou de la légalisation du cannabis, les spécificités sociales ou communales n’entrent pas en ligne de compte.

Absolument pas ! La drogue est un problème de santé publique. Donc nous n’avons aucune raison de nous laisser dicter par les facteurs externes. Il faut se baser sur les faits et rien d’autres. CUT continuera son plaidoyer et nous continuerons d’œuvrer pour la dissémination de bonnes informations sur le cannabis.


Les implications légales de la dépénalisation

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Me Zahid Nazurally.

À Maurice, la Dangerous Drugs Act 2000 relative aux mesures de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illites des substances vénéneuses est le texte principal en matière de lutte contre les stupéfiants. Le cannabis étant classifié comme « dangerous drug » selon la Schedule 1 Part 1 de la Dangerous Drugs Act 2000, la possession et la culture du cannabis sont interdites et passibles de lourdes peines. Par exemple, toute personne trouvée coupable de trafic du cannabis est passible d’une amende ne dépassant pas Rs 1 million et d’une peine de prison n’excèdant pas 20 ans. D’où le plaidoyer des associations pour dépénaliser la consommation du cannabis. Quelles en sont les implications ?

Selon l’homme de loi, Zahid Nazurally, la dépénalisation implique des amendements considérables à la Dangerous Drugs Act 2000 pour que le cannabis ne soit plus listé parmi les drogues dangereuses. « Avec la dépénalisation, toutes les charges et les sanctions relatives à la consommation ou la possession du cannabis seront revues. Qui dit dépénalisation dit également la mise en place d’un cadre légal pour fixer des limites. Si le cannabis est dépénalisé, les autorités auront à limiter sa consommation, son usage et sa distribution comme c’est le cas pour les produits alcoolisés ou la cigarette. Il serait également nécessaire de fixer des lois relatives à la publicité ou autres facteurs ayant un lien direct avec le cannabis. Il s’agit d’un long processus », explique l’avocat.

Me Zahid Nazurally souligne qu’il est important de bien comprendre le lexique. Il existe, selon lui, une différence entre les termes dépénaliser, légaliser et libéraliser le cannabis. « Dépénaliser, c’est ne pas sanctionner pénalement l’usage, pour légaliser le cannabis, il faut un cadre légal à la consommation et la vente et libéraliser c’est tout simplement autoriser la vente libre du produit. Les autorités mauriciennes doivent absolument choisir la meilleure option pour le pays après avoir considéré toutes les avenues possibles ».

 

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