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Leçon de vie : ceux qui font de leur handicap une force

Ils sont nombreux à faire de leur handicap un allié. Ils surmontent des obstacles et font de leurs différences des atouts. Ce qui prouve qu’ils sont bel et bien autrement capables. Ils brisent surtout ces idées reçues selon lesquelles un handicap est signe de faiblesse.

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Manfred Ancrasamy : «Aide-toi, le ciel t’aidera»

Manfred Ancrasamy est invalide depuis l’âge de 23 ans. En 1977, il est victime d’un accident de la route qui lui coûte un pied. « J’étais jeune. J’aimais sortir et m’amuser. J’étais sportif. Je jouais au foot et j’allais souvent nager », confie-t-il. « Imaginez mon état d’esprit en découvrant que j’avais été amputé d’un pied. J’ai compris que ma vie ne serait plus jamais pareille. À ce moment-là, j’aurais préféré être mort… »

Petit à petit et grâce à son moral d’acier, il s’habitue à son handicap. Malgré les difficultés auxquelles il est confronté, il ne baisse pas les bras. D’autant qu’un événement lui redonne goût à la vie. « Deux mois après mon accident, je suis allé voir un ami hospitalisé. Une amie à lui était là. C’est dans la salle qu’est née notre histoire d’amour. Nous nous sommes mariés en 1978. »

Si aujourd’hui Manfred Ancrasamy se définit comme un battant, il explique toutefois qu’il a dû s’aider lui-même pour vivre décemment. À cette époque, il n’y avait pas de lois concernant l’intégration des handicapés dans le monde du travail. Mais Manfred Ancrasamy voulait à tout prix travailler, afin de retrouver sa dignité. « Il fallait que je travaille pour me prouver à moi-même que je pouvais le faire. La charité, ce n’est pas pour moi. En 1981, j’ai commencé dans la mécanique. Quatre ans plus tard et avec la collaboration d’un ami, je me suis lancé dans la réfrigération. »

Jusqu’à présent et en dépit d’une santé fragilisée, il opère toujours dans ce domaine qui lui permet de joindre les deux bouts. « Dans notre pays, à l’âge de la retraite, une personne invalide n’est plus considérée comme telle », lance Manfred Ancrasamy avec un brin d’amertume. « À croire que depuis que j’ai eu 60 ans mon handicap a disparu. Je ne perçois qu’une pension de vieillesse qui ne suffit pas à mes besoins et à ceux de ma famille. Je suis obligé de continuer à travailler. »


 

Rajoo et Lilette : duo de passionnés

Rajoo Seeneevassen, 67 ans, est aveugle depuis l’âge de deux ans. Lilette Uppiah, 60 ans, est malvoyante de naissance. Ils se sont connus à l’École des aveugles. Ils étaient inséparables, d’autant qu’ils avaient la musique pour commune passion.

Ils ont par la suite chacun fait leur vie de leur côté. « Quand nous nous sommes mariés, chacun de notre côté, nous nous sommes perdus de vue pendant 40 ans. C’est dans le cadre d’un événement musical organisé par l’École des aveugles qu’on s’est retrouvé », explique Rajoo. « Je ne sortais pratiquement pas de la maison même si j’ai appris à marcher avec une canne blanche depuis une dizaine d’années. C’est Rajoo qui a insisté pour que je sois plus indépendante. Depuis, on se voit régulièrement pour les répétitions », confie Lilette.
En sus d’être guitariste, Rajoo écrit et compose des chansons sur lesquels Lilette l’accompagne. Avec deux autres personnes, ils ont formé un groupe. Ils ont pour ambition de sortir un album prochainement. « Malgré l’âge et le handicap, nous sommes animés par notre passion du chant et nous continuerons tant que nous serons en vie », disent-ils.


 

Noémi Alphonse : «J’ai la joie de vivre»

«J’ai un handicap physique. Je n’ai pas de pied gauche. Je n’ai qu’un seul orteil au pied droit et cinq petits doigts sans ongles à la main droite… Mais j’ai la joie de vivre », explique Noémi Alphonse, âgée de 21 ans et étudiante à l’université de Maurice.

Mais tout n’a pas toujours été rose pour elle, ayant rencontré maintes difficultés en raison de son état. « J’ai été persécutée en primaire et au secondaire. J’ai été brutalisée pendant deux ans parce que je ne voulais plus faire partie d’un groupe d’amies. »

« À huit ans, j’ai commencé à pratiquer le judo. Je ne me suis vraiment investie qu’en 2015 lorsque sur les conseils d’un ami je rejoins un groupe de handisport. » Depuis, Noémi Alphonse affiche un palmarès impressionnant. « En 2015, j’ai remporté un Grand prix d’Italie où j’ai décroché la 1re place en 1 500 mètres, la 2e place aux 100 mètres et 400 mètres.

En 2016, j’ai remporté quatre fois la 1re place aux 100, 400, 800 et 1500 mètres. Durant la même année, j’ai établi trois records nationaux en 400, 800 et 1500 mètres. En 2017, j’ai remporté deux médailles d’or, deux médailles d’argent et une médaille de bronze. J’ai aussi établi cinq records nationaux aux 100, 200, 400, 800 et 1 500 mètres », confie la jeune femme.

Elle souligne qu’elle s’est qualifiée pour les Championnats du monde 2017 dans les cinq épreuves. Ses objectifs : atteindre une finale aux Championnats du monde et participer aux Commonwealth Games, aux Jeux paralympiques et aux Jeux des îles.

Forte de ce qu’elle a vécu et de ce qu’elle a accompli, Noémie lance un message à tous les handicapés. « Il ne faut pas se soucier du regard des gens ni des on-dit. Si vous êtes né avec un handicap, vivez votre vie. Si vous êtes handicapé à cause d’un accident, dites-vous que c’est une nouvelle vie qui commence. Gardez le sourire et restez positif. »

Armoogum Parsuramen : «Les programmes ne sont pas efficaces»

Armoogum Parsuramen est le président de la Global Rainbow Foundation. Il explique qu’il existe des dispositions portant sur l’intégration sociale des handicapés. « Il y a une loi visant à recruter les handicapés pour les organisations ayant plus de 35 employés. Une pénalité est prévue pour les entreprises qui ne respectent pas cette loi. » Si le Training and Employment of Disabled Persons Board (TEDPB) est un organisme gouvernemental qui s’occupe de la formation des personnes handicapées, Armoogum Parsuramen fait néanmoins comprendre que les mesures contiennent de gros manquements.

« Les programmes à l’intention des handicapés ne sont pas structurés et efficaces. Le TEDPB, par exemple, n’a pas fonctionné pendant plusieurs années. Il y a certes une volonté de la part de certaines organisations de recruter. Mais il n’y a aucune facilité leur permettant d’aller dans ce sens », déplore-t-il. « Il est grand temps que les handicapés soient pris au sérieux, car ils ont un réel potentiel alors que des barrières les empêchent de s’épanouir. Il faut sensibiliser les gens et faire de la cause des handicapés un sujet d’intérêt national. Il faut les respecter et respecter ce qu’ils peuvent apporter au pays. Les facilités et les ressources doivent être adaptées aux besoins des personnes handicapées, comme le transport pour aller au travail. Depuis 2014, j’attends toujours un New Disability Bill. Ce projet de loi est très important car il donnerait un encadrement légal et une autre dimension à la cause des handicapés. »

Faciliter la formation

Le TEDPB, agissant sous l’égide du ministère de la Sécurité sociale, a pour mandat de faciliter la formation des personnes handicapées. Il assure la liaison avec des facilitateurs, comme le Mauritius Institute of Training and Development, le Human Resources Development Council, la Small and Medium Enterprises Development Authority et le Food and Agricultural Research and Extension Institute. Les responsables dispensent des formations dans les domaines les plus demandés par les employeurs.

Le TEDPB fait également du counselling pour les particuliers. Il leur fournit aussi un soutien dans l’emploi. En vertu de l’article 10 de la loi sur le TEDPB, le conseil est tenu de maintenir un registre des personnes handicapées, capables et désireuses de travailler. Ainsi, ceux qui souhaitent être inscrits au TEDPB peuvent faire une demande auprès du board.

Chiffres de Statistics Mauritius pour 2011

Travailleurs handicapés    - 8 400
Chômeurs handicapés    - 6 000

Timothy Nootoo

 

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