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Le niveau de l’anglais à la traîne

Le niveau de l’anglais laisse à désirer, à en croire les dernières statistiques académiques. Les pédagogues en sont conscients et soutiennent qu’il faut agir vite. En avril 2016, on célébrera le 400e anniversaire de la mort de William Shakespeare. Diverses activités sont d’ailleurs au programme pour cette célébration, mais en attendant, le constat de la performance de nos élèves laisse à désirer. L’anglais est la langue nationale de Maurice. Elle est non seulement la langue légale, mais aussi celle de la certification et du commerce international. La comprendre et la maîtriser passent par l’enseignement dès le plus jeune âge. Toutefois, la méthode est pointée du doigt, puisqu’elle ne donne pas les résultats escomptés.

Au primaire

Clency Kelly, instituteur au primaire et président de l’Union of Primary School Teachers (UPST), souligne avec regret que les écoliers ont du mal à s’exprimer. « L’apprentissage de l’anglais tel qu’il est fait n’est pas plaisant et motivant pour séduire l’enfant. En classe, nous constatons que plusieurs d’entre eux n’arrivent pas à construire des phrases correctement, sans compter les fautes d’orthographe. Malheureusement, les enfants ne lisent pas l’anglais comme pour les autres langues. Il faut donc les aider à développer une culture de la lecture. À l’inverse, dans les foyers où les parents s’expriment en anglais, les enfants progressent énormément, mais ce n’est pas tout à fait la solution.»

Au secondaire

Basheer Taleb, enseignant d’anglais et responsable du Collège Islamic de Vallée-des-Prêtres, fait ressortir qu’il n’a jamais été satisfait de la façon dont cette langue est enseignée. « Nous avons toujours considéré l’anglais comme une matière et non comme une langue. Les élèves ont des devoirs à faire, un programme d’études à compléter. Les chefs de département s’organisent, mais on constate que le niveau ne s’améliore pas. On peut réussir un examen, sans acquérir les compétences voulues, sans être performant et c’est cela qui pose problème… » Même constat du président de la Mauritius Writters Association et enseignant d’anglais à la retraite, Philip Li Ching Hun. Comptant une trentaine d’années d’expérience dans l’enseignement, il déplore le niveau de l’anglais au niveau du School Certificate (SC). « En général, l’élève n’aime pas l’anglais. Il ne lit pas et n’est pas suffisamment exposé à cette langue comme pour l’écoute, ou le parler. Je crains pour l’avenir de l’anglais chez nous… » Basheer Taleb a aussi constaté que beaucoup d’étudiants mauriciens à l’étranger sont continuellement exposés à la langue, contrairement à ceux qui étudient à Maurice. « Lorsque vous marchez dans le campus, vous entendez toujours le kreol ou le français ! »

Rien n’est perdu

Tous sont unanimes à dire que le système d’enseignement doit être revu.  Philip Li Ching Hun qualifie l’enseignement de « catastrophe ». « Il y a des solutions pratiques comme encourager un enfant à lire et parler l’anglais. Dans la classe de lecture, l’enseignant devrait encourager l’élève à lire un livre convenablement, faire un résumé de ce qu’il a lu et avoir un cahier de vocabulaire qui doit être vérifié par l’enseignant… » Pour Basheer Taleb, actuellement, tout est ‘Teacher centered’, mais pour qu’il y ait réussite, il faut changer cette méthode en ‘Pupil centered’. Le pédagogue explique qu’il faut prendre en considération ce que l’élève connaît déjà et construire à partir de ce niveau. Il propose de commencer avec le préprimaire. Mettre l’accent sur la forme écrite, et lorsque la compétence de la langue commence à s’établir, venir avec le parler. « C’est à la base qu’il faut renforcer les choses. Les linguistes l’ont toujours dit : la première langue de l’enfant, c’est la langue de référence. Si l’enfant est compétent dans sa langue maternelle, cela devient plus facile d’acquérir une deuxième langue. Si l’on apprenait le kreol avec la rigueur voulue dès la petite enfance, l’anglais, introduit à l’âge qu’il faut et au moment voulu, aurait eu les résultats attendus. Les experts sont unanimes à dire qu’une deuxième langue s’apprend à partir de 11 ans. Ce que nous entreprenons en classe est navrant. L’accent est mis sur les exercices et non sur l’exposition à la langue. Alors que dans les écoles payantes, lorsque l’anglais est enseigné, l’enfant y est exposé à travers tout ce qui concerne le parler, les images, l’écrit… L’étude d’une langue doit se faire à l’école, certes, mais aussi dans la société, à travers la lecture des journaux et les films… »

Favoriser la dictée

La réussite passe aussi par le primaire. Clency Kelly soutient que tout n’est pas perdu. « Il faut revoir le style d’enseignement, puisqu’il y a un manque d’exposition des écoliers à cette langue. Les instituteurs doivent être mieux formés pour dispenser leurs cours. Les écoliers doivent étudier par la pratique, donc par la lecture et l’écriture. Parfois on demande à l’enfant de copier et ce dernier copie mal son devoir. Il se dit fatigué et recherche alors la facilité… » La dictée - qui est un moyen d’évaluer le niveau de l’enfant - n’est plus pratiquée en classe. Clency Kelly y croit et persiste à dire que la dictée doit refaire son apparition dans les classes de français et d’anglais.

L’anglais: une langue créole

Dev  Virahsawmy estime que l’enseignement de l’anglais pose beaucoup de problèmes. « Si nous avions une bonne politique des langues, c'est-à-dire une bonne utilisation de nos ressources linguistiques, l’enseignement de l’anglais deviendrait très facile, tout comme son apprentissage ». Le linguiste insiste que l’anglais est une langue créole qui a des caractéristiques grammaticales, comme toutes les langues créoles. Afin de permettre à l’élève d’en tirer le meilleur parti, Dev Virahsawmy fait ressortir que « l’enseignement de l’anglais aux enseignants doit passer par une étude comparative de l’anglais et du kreol morisien. Une fois cela maîtrisé, il faut introduire le kreol comme medium d’enseignement et l’anglais comme deuxième langue. Tous les enseignants devraient savoir où les deux langues divergent afin que des exercices spéciaux soient proposés aux apprenants. Si nous voulons une amélioration de l’anglais, il nous faut une nouvelle politique des langues et une nouvelle pédagogie… »
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